Tino Baroza, le génie camerounais emporté par la cigarette et l'alcool

Il était très aimé des Camerounais

Sun, 26 Mar 2023 Source: Arol Ketch

Tino Baroza le grand amour de K-Tino, un génie perdu

Après la mort de Zanzibar, Jean-Marie Ahanda (fondateur des têtes brûlées) était à la recherche après plusieurs tentatives d’un soliste capable de combler le vice laissé par la mort de Zanzibar.

On va lui parler d’un homme au look particulier, un excellent guitariste capable de jouer avec brio le titre “Essingang” comme seul Zanzibar pouvait le faire. Ahanda va décider d’aller à la rencontre de ce fameux personnage. Il va demander où habite Baroza et va se faufiler dans un taxi pour aller dénicher ce génie en pleine nuit.

Baroza réside dans un coin reculé, un coin où règne l’obscurité. Après être descendu du taxi, dans la pénombre de la nuit Ahanda ne sait pas à qui s’adresser pour trouver Baroza. Subitement Ahanda entend au loin le bruit d’une guitare jouant un titre qui lui est familier; c’est le fameux titre “ESSINGANG” de Zanzibar. Ahanda croit rêver; on dirait la réincarnation de Zanzibar.

Depuis la mort de Zanzi personne n’avait réussi à jouer Essingang avec autant de dextérité. Ahanda va suivre l’echos de la musique qui va le conduire chez Baroza. Voilà la rencontre entre Ahanda et Tino Baroza.

Mais qui est ce Tina Baroza dont tout le monde parle tant ?

De son vrai nom Jacques Atini, il a été découvert lors d’un mariage par Betti Joseph dit Bejos; on l’appelle alors à cette époque “Tino de Soa”. Il va se révéler excellent soliste; la guitare n’a pas de secret pour lui. Son génie est tel qu’il est l’un des seuls solistes en passe d'atténuer le grand vide laissé après la mort de Zanzibar, le sorcier de la guitare. Pour la petite histoire, Tino est même le vainqueur du grand concours intitulé “ la guitare à la Zanzibar”, concours organisé en hommage à Zanzibar. Beaucoup de personnes voient aussitôt en lui , le successeur de Zanzibar. Tino est un véritable Show Man; il joue la guitare à l’aveuglette.

Une artiste connue a marqué la vie de Tino Baroza; il s’agit de Edoa Nkou Catherine, celle qui est aujourd’hui appelée K-Tino. Celle-ci doit son nom d’artiste à Tino Baroza l’un des plus grands solistes du Bikutsi. Tino Baroza va évoluer dans plusieurs cabarets dont le cabaret “Le Chalet” où il accompagne K-Tino.

Tino Baroza et Catherine ont longtemps filé le grand amour. Ils se sont aimés profondément. Lorsque Edoa Nkou Catherine réalise son premier album (Ascenseur) en 1991 ; elle cherche désespérément un nom de scène ; c’est alors qu’Ange Ebogo Emerent, l’arrangeur de cet album lui propose comme nom de scène Catino ; une combinaison de la première syllabe de son prénom « Catherine » et du nom d’artiste de l’homme qui partageait sa vie « Tino Baroza ». Connue au début en tant que Catino, elle prendra ensuite le nom de K-Tino. Tino Baroza était une valeur montante de la guitare camerounaise, excellent guitariste au style unique, il était sollicité par les plus grands.

Avec Epémé Théodore alias Zanzibar , ils représentaient l’avenir de la guitare dans le Bikutsi moderne. Tous deux furent notamment influencés par les line-up des guitaristes congolais. A ses débuts, Zanzibar ne jouait que de la guitare de la guitare congolaise ; idem pour Tino Baroza. Pour la petite histoire, Tino Baroza doit son nom d’artiste au guitariste congolais Emmanuel Tshilumba Wa Balozi dit Tino Baroza. Ce phénomène fut un instrumentiste complet et l’initiateur des grands artistes y compris Dr Nico. Tino Baroza avait une dimension internationale.

Manu Dibango fera appel à ce génie pour rejoindre son orchestre au Cameroun. Il influencera de son talent de nombreux jeunes camerounais qui décideront de se mettre à la guitare grâce à lui. Le guitariste congolais est décédé au Cameroun suite à un accident de voiture et a laissé un riche répertoire. C’est pour lui rendre hommage que le virtuose du Bikutsi a choisi le nom « Tino Baroza ».

Tino Baroza a été membre du groupe “Zobiak” de Gilbraltar Drakus. Il va aussi intégrer brièvement le groupe “Les têtes brûlées” dans l’optique de combler le vide abyssale laissé après la mort de Zanzibar.

Tino Baroza , grand espoir de la musique camerounaise est un génie perdu. L'ange déchu s'est brûlé les ailes. L’alcool, la cigarette, le « ntah » ont eu raison de l’homme. Toutefois, même malade, il arpentait encore les cabarets de la ville de Yaoundé pour faire valoir son talent en échange de quelques billets de banque ou de pièces sonnantes et trébuchantes. Les jeunes qui ne l’ont pas connu dans ses heures de gloire le prenaient pour un déséquilibré jouant de la guitare et pourtant cet homme fût une valeur sûre du Bikutsi ; on peut notamment entendre Mballa Roger’s lui rendre hommage dans la majorité de ses chansons.

Au cours de sa carrière Solo , il va nous donner l’album “ Super Obamla” qui va bien marcher. Tino Baroza a finalement cassé sa guitare ce 03 avril 2019. Il est allé rejoindre les génies du Bikutsi qui l'ont devancé dans l'au delà : Messi Martin, Zanzibar, Mballa Rogers, Mbarga Soukous, Mekongo Président, Roger Bekono, Fame Ndzengue etc.

Son histoire dans le tome 2 des icônes de la musique Camerounaise.

Auteur: Arol Ketch