Monsieur le Ministre,
je voudrais bien commencer cette lettre par vous demander quel temps il fait cette nuit à Fessap, l’appellation originelle de Bafoussam, cette belle cité jadis, qui m’a vu naître et qui a bercé mes premiers pas d’écolier. Ne vous donnez surtout pas la peine de me répondre. J’ai une vague idée du climat clément et doux qui arrose les quartiers Famla, Tamdja et bien d’autres. Ah Bafoussam, que de souvenirs heureux! J’ai même encore en mémoire cette excellente prestation d’un certain comédien nommé « Mini Pam-Pam » en 1986 alors que j’étais en classe de CE1 à l’école publique de Ndiendam. Ah oui, les années passent, les temps changent, des pages s’écrivent et des histoires se racontent.
Je ne sais pas si c’est ma mémoire ou ma vue qui se dégradent peu à peu qui me jouent des tours, mais cet homme de théâtre dont je faisais allusion tantôt a des traits de ressemblance (en beaucoup plus jeune bien-sûr) avec vous. En tous cas je ne vais pas vous faire l’insulte de demander à l’un des ministres les plus adulés du moment dans mon pays si vous avez des liens de parenté, encore moins si les deux personnages, disons mieux les deux personnalités sont en vérité la même personne. Ce serait certainement indécent de ma part quand on sait que les humains en général ont la phobie du rappel des souvenirs anciens surtout lorsque ceux-ci ont des allures de déshonorer leurs images. Je me trompe sans doute de bonne foi c’est sûr.
Mais monsieur le Ministre, honnêtement il y’a visiblement et fort curieusement des similitudes dans vos façons de faire, au moins sur l’activité des tournées, l’engouement suscité par les deux acteurs dont il est question (aussi bien le comédien d’antan que l’homme d’État d’aujourdui), et je dirais aussi et surtout le caractère quelque peu fallacieux des dépenses opérées pour les circonstances. Car autant je me demande comment le monsieur des sketches d’il y’a 30 ans faisait pour rentabiliser les déplacements de sa troupe théâtrale, autant je me demande la véritable rentabilité de ce périple ci qui, j’ai cru entendre, va engloutir environ un demi milliard de nos rares francs CFA. C’est-à-dire 500 fois le million, aïe quelle fortune!
Monsieur le Ministre, de vous à moi, si l’on vous ramène à une soixantaine d’années (période où vous étiez au primaire), qu’on sorte de manière volontaire ou de force de la salle de classe le gamin que vous étiez pour aller jouer les badauds et voir passer le temps de quelques secondes une petite masse d’acier sans que les héros eux-mêmes ne soient là, ressentiriez vous sincèrement une véritable satisfaction?
Si ensuite pour bien assouvir cette curiosité de voir de plus près le fameux trophée vous (le même jeune écolier) décidiez de prendre part à la cérémonie de son exposition pour vous retrouver dans une esplanade on ne peut plus poussiéreuse seriez vous toujours aussi motivé dans ce cirque sachant que ce folklore coûte un énorme pactole?
Monsieur le Ministre, j’attire ainsi votre attention sur la notion de priorité. Et oui! Je vous suggère de vous poser parfois les questions de savoir qu’est ce qui est utile et qu’est ce qui paraît uniquement agréable? Qu’est ce qui est prioritaire et qu’est ce qui semble secondaire? Qu’est ce qui apparaît urgent et qu’est ce qui pourrait être différé? Qu’est ce qui relève de l’indispensable et qu’est ce qui serait plutôt de l’ordre du gâchis? Vous pouvez compléter le questionnement en vous abreuvant à votre sagesse que je ne l’autoriserait pour rien au monde à remettre en cause. Certes les Camerounais de l’arrière pays souhaitaient eux aussi voir cette coupe, mais pensez vous qu’il y’aurait eu match s’il leur était plutôt proposé 50 millions par région pour le développement du football local?
Monsieur le Ministre, qui mieux que vous pour savoir que les victoires de demain se construisent et se préparent aujourd’hui? Qui d’autre que vous a conscience du degré de débrouillardise qui entoure l’activité sportive dans les catégories inférieures à notre sélection fanion? Y’a t’il seulement mieux informé que vous pour savoir que le championnat de football de votre (notre) pays peine depuis à démarrer faute de moyens logistiques? Est-il besoin de vous rappeler que pour l’organisation de la dernière Can féminine certains travaux d’infrastructures ont été bâclés? Y’a t’il plus indiqué que le Ministre des sports que vous êtes pour savoir que l’organisation de la Can 2019 nécessite encore d’énormes investissements?
Monsieur le Ministre, avez vous seulement conscience du nombre d’emplois directs qui peuvent être créés avec un demi milliard de francs CFA dans notre environnement d’oasis du travail décent pour les jeunes? En votre qualité de simple contribuable auriez vous été d’accord qu’un membre du gouvernement s’offre trois mois au Gabon, ensuite une dizaine de jours de vadrouille dans les régions du pays avec pour seul agenda le tourisme? Monsieur le Ministre, ceux qui vous côtoient disent de vous que vous êtes sympathique et généreux, pour cette raison seulement je vous porte en estime. C’est fort de cette sympathie que je vous suggère de vous ressaisir et d’éviter de trop faire confiance à votre beau fils qui apprécie peu qu’on lui souffle un temps soit peu la vedette.
En attendant, monsieur le Ministre, je vous conseille vivement de vous approvisionner en couvre-nez pour vous prémunir de la grippe très présente dans nos pistes urbaines essentiellement poussiéreuses. Car pour avoir eu le redoutable plaisir de sillonner l’arrière pays il y’a peu, j’ai un tout petit peu mieux compris la raison pour laquelle certains opposants à votre régime disent souvent que Yaoundé est l’arbre qui cache la forêt Cameroun. Je vous recommande aussi quelques lampes solaires qui vous seront énormément utiles dans les villes qui reçoivent la visite de Enéo/Enéant à périodicité hebdomadaire. Il n’est pas superflu d’acheter quelques joggings au marché B de Fessap car à certaines escales du périple, le benskin sera le meilleur rempart.
Veuillez agréer monsieur le Ministre… est ce qu’on dit même tout le charabia là pour une lettre… ? D’ailleurs nous ne sommes pas amis facebook, donc aucune assurance que vous lirez. Alors ça va comme ça, bye bye!