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Tribalisme : Dieudonné Essomba explique pourquoi le fédéralisme fait peur

Dieudonné Essomba explique pourquoi le fédéralisme fait peur

Jeu., 25 Nov. 2021 Source: Dieudonné Essomba

L’économiste et analyste camerounais Dieudonné Essomba est convaincu que le fédéralisme est la forme qui convient le mieux au Cameroun. Dans une nouvelle publication, il explique les avantages du fédéralisme et détaille comment cette forme de l’Etat peut réduire le tribalisme au Cameroun.

L’ETRANGE PARADOXE DES CAMEROUNAIS

Pour s’opposer au fédéralisme, un grand nombre d’individus prétendent qu’il va aggraver le repli identitaire, ce qui n’a évidemment aucun sens logique.

La vocation première du fédéralisme est de détruire le repli identitaire et ses mécanismes de fonctionnement y contribuent. En effet, le fédéralisme confère à chaque Communauté une personnalité juridique, ce qui entraine d’office sa responsabilité devant la loi.

Dans un Etat unitaire, une Communauté peut parfaitement adopter des comportements asociaux au détriment des autres, sans qu’on puisse y faire quoi que ce soit, justement parce que ses actes collectifs sont masqués derrière l’anonymat de l’unité nationale qui rend une action contre elle totalement impossible.

Une Communauté peut donc développer des entreprises communautaristes, sans qu’elle assume ses actes devant la loi. Et puisque la loi ne peut pas agir, les autres communautés vont répliquer contre elle en utilisant les mêmes méthodes informelles.

Ce découplage entre la loi officielle et le comportement réel des Communautés empêche toute régulation et la conséquence est un ensemble de réactions d’hostilité que les Communautés entretiennent les unes envers les autres et qui constituent justement le repli identitaire.

A contrario, lorsqu’une Communauté a un Etat, elle ne peut plus s’abriter derrière l’opacité de l’Unité nationale et ses actes sont qualifiés devant la loi fédérale. Ce que certains qualifient de « repli identitaire » va prendre des formes de délits punis par la loi fédérale :

-actes de xénophobie

-discriminations envers les citoyens fédéraux

-expropriation abusive et illégale

-nationalisme agressif

-refus de protection des citoyens fédéraux ;

-etc.

Bref, la Communauté ne peut plus cacher ses actes et doit les assumer, à travers son Etat, en payant des dommages civils. Nous ne sommes plus dans la jungle et l’opacité de l’Etat unitaire où les Communautés peuvent poser n’importe quel acte, sans assumer la moindre responsabilité.

En même temps aussi, les droits des Communautés sont codifiés. Dans un Etat fédéral, on peut par exemple dire que si un Francophone est Président, un Anglophone est vice-Président. Cela a un sens juridique clair, car l’Anglophone est juridiquement défini comme un citoyen de l’Etat du Sud-Ouest ou de l’Etat du Nord-Ouest, alors que le Francophone est défini comme un citoyen de l’un des autres 8 Etats.

Mais cela n’a aucun dans un Etat unitaire qui ne reconnait nulle part ces notions dans son arsenal de lois !

Prenons la cas des partisans de l’Etat unitaire quo promeuvent la rotation du pouvoir d’Etat entre les tribus. D’un point de vue sociologique, cela se comprend, puisque nous savons tous, par expérience, que les tribus existent et se disputent effectivement le pouvoir d’Etat.

Mais cela n’a aucun sens juridique, puisque précisément la tribu n’est pas définie au Cameroun ! Il n’existe aucun texte dans notre arsenal de loi qui définit les Ekang, les Fulbé, les Bamileke ou les Bassa, et sur lequel on pourrait s’appuyer pour faire la rotation !

Un Etat fonctionne sur la base des lois et non de la sociologie, et on ne saurait évidemment pas faire des rotations de pouvoir sur la base d’une réalité juridique qui n’existe pas !

Et c’est cela l’étrange paradoxe du Cameroun : des gens soutiennent la législation unitaire qui ignore les Communautés, tout en réclamant à cette législation les droits des Communautés !

Auteur: Dieudonné Essomba