Sur les réseaux sociaux, la crise Anglophone voit émerger un nouveau type de débatteurs. Ils aiment « leur » pays et le crient sur les toits. C’est à cela qu’on les reconnaît.
Ils abusent de la tournure emphatique « Mon pays », usant de cet adjectif possessif puisé dans l’inconscient collectif devenu individualiste.
Ils saturent les forums et neutralisent leurs contradicteurs par leur argumentaire mettant tout le monde d’accord car légaliste, à la morale certes sélective mais puisé dans le sens commun.
Ils disent « il faut préserver l’ordre public », comme si dans cette notion polysémique, seule la sécurité publique était digne d’intérêt.
Ils disent : « force doit rester à la loi », alors que depuis le début de cette crise, la plus évidente des violations de la loi a été la coupure localisée d’Internet, par l’Etat lui-même.
Ils disent « Comme les Anglophones, toutes les régions de ce pays ont des problèmes », à l’instar du naufragé qui agrippe son voisin, lui reprochant son obstination à garder la tête hors de l’eau.
Ils disent « Pourquoi envoyer les enfants manifester pour se faire tuer ? » comme s’ils avaient accepté définitivement leur condition de sous-citoyens sans droits.
Ils disent que les manifestants sont « manipulés », comme si eux-mêmes étaient des parangons de lucidité, au libre-arbitre si inébranlable qu’ils seraient eux-mêmes à l’abri de toute manipulation.
Ils aiment l’armée, quand bien même celle-ci ouvrirait le feu sur des manifestants sans armes, intégrant ainsi que la vie d’une personne ait moins de valeur qu’un « bien » à protéger, voire un bout de tissu tenant lieu de drapeau.
Ils méprisent les droits de l’homme, conspuent Amnesty international qu’ils accusent de « déstabiliser » leur pays mais s’indignent du racisme de la police américaine.
Ils veulent envoyer tous les politiciens en prison, jusqu’à ce qu’on embastille un cousin ou un « frère du village ».
Ils crachent sur les Camerounais qui ont acquis d’autres nationalités mais accueillent volontiers au sein des Lions indomptables les footballeurs binationaux nés en France ou en Allemagne, alors qu’ils n’ont aucune attache à Yaoundé ou à Douala.
Ils ont inventé un ennemi imaginaire, « la Communauté internationale », qui comploterait selon eux pour la partition de leur pays et contre laquelle ils se battent tels Don Quichotte luttant contre des moulins à vent.
Ils sont prompts à dénoncer sans preuves d’imaginaires ingérences étrangères tout en se demandant à longueur de journée ce qu’Obama a fait pour l’Afrique.
Ils se plaignent du sempiternel « pillage » de leurs ressources naturelles par les occidentaux alors que leurs dirigeants sont si gourmands en pot-de-vin qu’ils feraient fuir les plus téméraires parmi les investisseurs.
Ils … La calebasse est pleine.