Observateurs avertis, analystes et historiens attentifs à l’évolution de notre pays savent à quel point le peuple camerounais a payé un lourd tribut pour décrocher son indépendance.
Celle-ci, synonyme d’une accession à la souveraineté internationale, du droit pour ses enfants de disposer de leur avenir, fut conquise de haute lutte. Des sacrifices consentis par des nationalistes entichés, à la limite de l’exaltation, ou imposés par une puissance tutélaire plus que rétive alors à l’émancipation d’un territoire que la plupart des dirigeants français confondaient avec les colonies africaines de l’Hexagone.
Il en résulta une confrontation féroce et ininterrompue du milieu des années 50 jusqu’au lendemain de l’indépendance. Une page de l’histoire du Cameroun écrite en lettres de sang avec, indifféremment des sources, un bilan terrifiant : plus de cent mille morts ! Parmi lesquels de nombreuses victimes innocentes.
Tandis que les vainqueurs parvinrent à imposer une chape de plomb sur ces atrocités injustifiables, une frange significative de l’intelligentsia, camerounaise d’abord, puis française n’avait cessé de stigmatiser ces graves exactions. En plaidant avec une opiniâtreté inoxydable pour une réécriture de ce pan tumultueux de l’histoire de la relation « singulière » entre la France et le Cameroun.
Devant la presse vendredi dernier, François Hollande a reconnu la réalité peu flatteuse de cette guerre meurtrière, des violences abominables qui constituèrent selon lui « des épisodes extrêmement tourmentés et tragiques même ». Le chef de l’Etat français s’est dit alors ouvert « pour que les livres d’histoire puissent être ouverts, les archives aussi ».
L’engagement ainsi solennellement pris à la face du monde par le président Hollande, au nom de la France, marque une évolution particulièrement importante pour le renforcement des liens anciens et multiformes qui unissent deux peuples, deux nations amies à travers un long compagnonnage qui doit être nécessairement empreint de respect mutuel.
S’agissant en particulier de cette déclassification – espérée et attendue depuis belle lurette – des archives liées à une période ponctuée de graves turbulences, l’objectif poursuivi est moins de (re)faire le procès de l’histoire coloniale que d’exorciser certaines rancœurs tenaces, de rétablir la vérité.
Les faits dans leur intangibilité. Tant il est vrai qu’une meilleure connaissance du passé permet d’éclairer le présent, afin de mieux construire l’avenir. Avec clairvoyance et sérénité.
Français et Camerounais sont attelés à approfondir et à enrichir un partenariat qui a pu, cahin caha, surmonter états d’âme et incompréhensions en tous genres. Preuve d’un attachement à une coopération ancienne dont les animateurs, à travers les âges et loin des contingences handicapantes, ont su préserver l’essentiel : l’intérêt des Etats et des peuples.
François Hollande a souligné que quelque huit mille jeunes Camerounais poursuivent leurs études dans son pays. De fait, dès avant l’indépendance, une partie de l’élite de notre pays a été formée en Hexagone. Avec une immersion et un ancrage profonds dans les valeurs cardinales de leur terre d’accueil.
Dans « le champ des possibles » ouvert par la récente visite d’Etat du président François Hollande à Yaoundé, il est permis de se réjouir d’ores et déjà du rapprochement porté par un nouvel élan entre les deux parties. Dans cette optique, la déclassification projetée des archives liées à la guerre d’indépendance au Cameroun atteste qu’un palier psychologique important vient d’être franchi. Un symbole fort dans une dynamique d’amitié renouvelée.