Le 20 juillet 2016, une information judiciaire a été ouverte contre l’ex-ministre de l’Agriculture et du Développement rural (Minader), Essimi Menye. Mais c’est en qualité d’ancien ministre des Finances que le natif de Mfomakap était attendu le 01 août dernier au cabinet du juge d’instruction N°2 du Tribunal criminel spécial (TCS). Le magistrat instructeur, Jérôme Kouabou, a pour ce faire émis un mandat de comparution. Mais seulement, Essimi Menye, absent du pays pour des raisons de santé depuis décembre 2015 ,s’est fait représenter par son conseil.
Des indiscrétions glanées auprès de nos sources au TCS font état de ce que l’information judiciaire concerne l’affaire des «Fonds débloqués à la Banque Atlantique du Cameroun S.A (Bacm), Patrimoine de l’ex-Société Camerounaise de Tabac (SCT): Aff. c/ Ministre Essimi Menye». Il faut dire que les déboires judiciaires du ministre Essimi Menye prennent naissance à travers une correspondance du ministre d’Etat, ministre de la Justice, Garde des sceaux (Minjustice), adressée au secretaire général de la présidence de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh, datée du 07 octobre 2014.
Dans ce document que L’oeil du Sahel a consulté, Laurent Esso y sollicite un visa présidentiel pour mettre en branle l’actuelle procédure judiciaire, alors que celui-ci était même encore au gouvernement. En se référant à cette correspondance, force est d’admettre que les allégations développées contre Essimi Menye dans certains journaux ne résistent pas à l’épreuve des faits. En premier lieu, les accusations de détournement de fonds publics d’un montant de 9 milliards de Fcfa qu’aurait versé l’ancien ministre des Finances à «ses compères» de la Banque Atlantique.
Or, sur ce point précis, la correspondance signée par Laurent Esso, qui s’appuie sur un rapport d’étape de l’enquête préliminaire diligentée par le Corps spécialisé d’officiers de police judiciaire placé auprès du procureur général près le TCS, démolit cette thèse. Invoquant la convention signée avec Banque Atlantique le 9 mai 2009 par l’ancien Minfi, en vue de la reprise des activités d’Amity Bank, l’actuel Minjustice écrit que «l’Etat devait payer 9.025.000.000 FCFA à la Banque Atlantique en douze semestrialités avec quatre années de différé. En contrepartie, l’Etat devait recevoir les créances douteuses de Amity Bank à concurrence du même montant et en confiait le recouvrement à la société camerounaise de recouvrement (SRC)». Essimi Menye n’a donc pas fait décaisser le moindre kopeck au trésor public dans le montage de cette procédure de sauvetage de l’épargne des Camerounais compromise à Amity Bank.
Laurent Esso
Le Minjustice expose ensuite qu’«à ce jour, l’Etat a déjà payé deux semestrialités, une de 676.531.00 FCFA et une de 684.032.500 FCFA, soit au total 1.360.563.500 FCFA. En contrepartie, l’Etat n’a pas reçu les créances douteuses sus-évoquées pour les faire recouvrer». «Amity Bank a été mise en liquidation en décembre 2013 et l’on ignore désormais le sort de la convention face à cette nouvelle donne», s’inquiète Laurent Esso. Surtout que, après la mise en liquidation d’Amity Bank en 2013, sous le magistère d’Alamine Ousmane Mey, «les cadres du ministère des Finances interrogés déclarent tout ignorer de cet aspect du problème».
En d’autres termes, l’Etat ne fait rien pour recouvrer les créances douteuses par le truchement de la SRC comme le prescrit la convention, en dépit de ce que les débiteurs insolvables sont notoirement connus. Quoi de plus normal donc, selon le Minjustice, d’avoir recours à l’éclairage de l’ancien Minfi, pour pouvoir démêler l’écheveau de cette affaire manifestement complexe pour les non-initiés à la finance. La Présidence a donné son visa à Laurent Esso.
Ouvrant ainsi la voie à la descente aux enfers d’Essimi Menye. Car, l’intention exprimée au départ par Laurent Esso de «le faire entendre comme témoin» a rapidement évolué avec l’information judiciaire ouverte contre l’ancien ministre des Finances. En attendant, Essimi Menye essaye de se refaire une vie à Washington. Le 13 avril 2016, l’ancien argentier national est apparu dans un panel des experts de haut niveau, à l’occasion de la rencontre organisée dans le cadre du «World Bank Group-Africa Investor Strategic Dialogue» visant à aider les pays africains, y compris le Cameroun, à développer le potentiel des agro-entreprises en Afrique.