Le ministre Jean De Dieu Momo et sa fille au domicile de Samuel à Kribi
On ne peut se résoudre à assister sans réagir au délitement de l’éthique républicaine. On ne peut accepter d’être spectateur de la destruction des digues qui encadrent nos actions dans l’espace public. On ne peut rester silencieux devant l’outrageuse communication du ministre Jean de Dieu Momo au sujet de ses dernières vacances à Kribi.
Alors que personne ne lui avait rien demandé, le ministre délégué à la Justice a informé 'ses amis' sur son compte Facebook (Fo’o Dzakeutonpoug) qu’il avait passé 'un formidable week‑end pascal à la résidence en bord de mer du couple Georgette et Samuel Eto’o Fils, président de la FECAFOOT'. Il a pris le soin de préciser, comme pour s’absoudre: 'C’est moi-même qui ai demandé au président Eto’o de me prêter sa résidence en bord de mer à Kribi…
Non seulement il a accepté, mais en plus il a pris en charge tous les frais de notre séjour (repas, jus, eau, fruits)'. Comme si l’aveu pouvait effacer la faute éthique commise.
Cet épanchement public est sans précédent dans notre pays : un ministre de la République, serviteur de tous et de chacun, demande et obtient des faveurs susceptibles d’altérer ou de compromettre l’indépendance de son jugement dans sa mission de service public.
Les ministres sont le prolongement du président de la République dans chacun des secteurs du gouvernement ; il n’est pas concevable qu’ils aillent quémander une quelconque prise en charge quand l’État leur assure salaires et avantages divers, afin de leur épargner de telles démarches d’humiliation et d’inféodation de la fonction.
Dans certains pays, et même dans certaines entreprises, la question des cadeaux est encadrée, car un dirigeant qui accepte des présents envoie un signal…
Dans le cas particulier du ministre délégué à la Justice, Jean de Dieu Momo, les cadeaux qu’il a demandés et obtenus le sont de la part d’un justiciable, Samuel Eto’o, qui fait actuellement l’objet d’une plainte devant le Tribunal criminel spécial pour détournement de fonds publics, sans parler de nombreuses plaintes 'dormantes' dans des commissariats et à la police judiciaire. Quelle garantie les plaignants peuvent-ils avoir que leur requête bénéficiera d’un traitement équitable si la Chancellerie, le Parquet en chef du pays, moteur administratif de la Justice, demande et accepte des cadeaux de certains justiciables ? Quand on n’est plus égaux devant la loi, l’État de droit disparaît.
Le président du PADDEC doit donc comprendre qu’il doit sa nomination à un 'deal' politique, mais la fonction qu’il occupe n’est pas un comptoir politique : c’est une fonction d’État qui oblige son titulaire à une certaine exemplarité. Il est libre, en tant qu’avocat, chef de parti politique et citoyen sans doute féru de football, d’être pris d’affection pour le président d’une fédération sportive, d’une gloire des temps passés; mais, comme ministre de la République et agissant en tant que tel, il y a des limites que sa passion ne doit pas franchir.
En l’absence du titulaire du poste, le ministre d’Etat Laurent Esso, on se serait attendu que le ministre délégué s’élève à la hauteur des exigences de la fonction. Visiblement c’est trop…