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Vers 2018 au Cameroun : Arracher la proie au Lion

Mon, 30 May 2016 Source: Bazou Batoula

Ma lecture de l’écosystème politique au Cameroun en ces temps d’avant 2018 me donne des angoisses. Au regard des plus de 250 mouvements politiques enregistrés, je ne puis prétendre  faire un vrai distinguo entre eux. Puisqu’une analyse porteuse s’impose, je préfère segmenter en groupes politiques sous le prisme du rôle joué par les grands acteurs. Chacun de ces groupes ayant une ligne névralgique qui l’isole des autres. Ma petite observation m’indique qu’on pourrait en distinguer 5.

#LeGroupe Le groupe Rdepeciste : celui-ci intègre avec lui outre le Parti des Flammes tous les autres mouvements qui lui sont inféodés formellement ou non. Il est né dans un contexte triple de continuité, d’innovation et de rassemblement sur un grand projet. Il y a continuité du moment où le RDPC acquiert les actifs de l’UNC suite à sa liquidation. Il y a continuité du moment où l’appui extérieur d’obédience françafricain reste fortement de mise. Il y a innovation du moment où un grand souffle nouveau vivifie politiquement la société des décideurs. Il s’agit par exemple du renouvellement des classes politiques. Il s’agit de la cooptation d’une kyrielle de braves diplômés à haut potentiel venus de la diaspora et qui portaient en eux le savoir, la fierté et la motivation. Il y a innovation du moment où on parle désormais d’Etat de Droit et de Liberté et où on abandonne les grandes interdictions et privations du passé. Enfin, le grand projet est lancé. Cette fameuse idée de « Libéralisme Communautaire » n’est rien d’autre qu’une volonté d’émanciper les gens à l’endroit où ils se trouvent avec eux-mêmes. Cette dernière touche est en effet celle qui va intéresser les plus retissant.

Au niveau des réalisations de ce groupe, on lui doit en premier lieu tout ce que le Cameroun a produit comme idéologie, comme grands ouvrages, comme médailles, comme reconnaissance, comme stabilité. Ce groupe est aussi responsable de tout ce que le Cameroun possède comme humiliations, comme mode de gouvernance, comme niveau d’intégration citoyen, comme niveau culturel, etc…Pour les anthropologues, 20 ans, c’est  largement suffisant pour dresser un homme ou pour lui troubler sa structure identitaire. On peut dire donc qu’on le veuille ou non que le groupe rdpciste vit en chacun des Camerounais âgés d’au moins 30 ans. Pour y résister, il faut recourir à une force de résistance supplémentaire à laquelle le commun des gens  n’a pas accès, ou n’a aucune envie.

D’ici à 2018, c’est en effet ce groupe qui oriente tout ce qui se fait en matière de d’organisation, de planification et de pilotage de tout l’agenda politique. Ce groupe, c’est le fer vu sa rigidité légendaire. Ce groupe c’est le feu, vu sa facilité à consumer l’adversaire. C’est en effet ce groupe qui dicte la loi électorale en des termes très simples et très hostiles au départ, mais à l’arrivée réussit à l’imposer à tous. Ma conclusion, c’est qu’on ne pourra rien y faire.  Ce groupe est prêt pour 2018. Prenons toujours l’image d’un lion affamé en pleine dégustation de sa proie. Pour la lui arracher, il faut soit être un autre lion affamé, soit mettre en œuvre le graal d’une intelligence innovante.

Le groupe Upeciste. La machine Upéciste porte en elle le brassard de pionnier en lutte d’émancipation. Ce groupe s’étend de manière cachée dans une partie de l’esprit de tous les Camerounais qui se sentent mal lorsqu’ils sont renvoyés à l’indigénat. Ou alors lorsqu’il faut se venter d’avoir lutté pour son indépendance. Une petite dose de fierté, de dignité ou de bravoure n’est pas malvenue. Il se trouve que la froideur et la rigidité qui lui sont appliquées depuis le temps du maquis sont toujours mises en balance avec les relations entre le pouvoir de Yaoundé et sa mamelle nourricière de Panam. « On ne veut pas avoir ces gens de l’UPC dans nos relations ». Voilà en fait pourquoi les patrons de Yaoundé reconnaissent la faction de l’UPC qu’ils veulent bien reconnaître. Mais entre eux, ils savent très bien qu’ils ne se trompent ni de genre, ni de gens.

En interne, cette application qui vient de très haut est malheureusement sujette à trouble. Car on se demande s’il faut accepter la main tendue, ou alors s’il faut toujours rester en « brousse ». L’effet de leurs querelles internes leur donne à l’extérieur l’image d’un mouvement toujours dispersé depuis que les grandes figures sont tombées. Cependant les initiatives actuelles sur les retrouvailles sont de bon.

D’ici à 2018, les vétérans de l’UPC sortiront probablement de la brousse pour un tournant décisif. Le sang de la lutte était d’abord leur sang. La cause était nationale, voire panafricaine. Aujourd’hui, même la diaspora Upeciste en est consciente. Si ce groupe n’est pas à la table, sa chaise restera éternellement vide. Car sous peine d’imposture, aucun autre groupe ne peut revendiquer au Cameroun ce que l’UPC a fait pour les Camerounais.

Le groupe des Opposants. Dans ce groupe, nous mettons en évidence le premier parti de l’opposition (le SDF), ainsi que le second (UDC) et les autres. On peut dire qu’il a pris le relais dans une partie des revendications populaires, mais représente la composante chargée de déranger le groupe Rdpciste. Graduellement il s’est frayé un petit chemin et surtout des poches de fidélité qui lui augurent une existence territoriale. Des zones  comme le Littoral ou le Noun en sont des preuves. Ils permettent aussi d’afficher aux yeux du monde qu’au Cameroun, il y a une Opposition. Cette chapelle leur appartient et personne à part eux ne peut la revendiquer. Cette Opposition qui chatouille et chemine avec le groupe Rdpciste, on l’a déjà vue au moins à 4 élections présidentielles. Bien que leurs scores soient ridicules de scrutin en scrutin, ils font ce qu’ils peuvent, les pauvres !

En effet, comment œuvrer lorsque les outils de travail sont la chose d’autrui ? À titre d’exemple. Il me semble anti démocratique que le principal entrepreneur communal à Yaoundé ou Douala soit un Délégué du Gouvernement non élu, mais nommé. Dans les faits, celui-ci est en définitive le maire non élu au dessus des maires élus. De même, la banque des communes, le FEICOM est dirigée par quelqu’un qui n’est pas élu. De qui répond-il donc ? De ses électeurs ou de celui qui l’a nommé ? Toutes considérations faites,  on peut dire que ce groupe d’Opposants reste fort infantilisé.

Etre le premier parti d’Opposition au Cameroun est peut être devenu le but du SDF. Si tel est le cas, j’ai bien peur que faute de bousculer le groupe Rdpeciste, il retourne plutôt le peu d’armes dont il dispose contre tous ceux qui voudraient lui piquer sa place. Dans cette hypothèse, le pouvoir de Yaoundé se tordrait davantage de rire. D’ici à 2018, on se dit que l’expérience passée d’une candidature unique portera leçons aux forces de l’Opposition.

le groupe des newscomers : Il s’agit ici de tous les nouveaux groupes et forces politiques qui ont par leur histoire et leur âge une relative jeunesse. Ils ont comme leaders soit des anciens des groupes historiques ci-hauts cités, soit des personnalités incognito qui estiment avoir leur mot à dire. Ces nouveaux groupes communiquent beaucoup, opèrent fréquemment des actions de démonstration, revendiquent beaucoup de choses. Leurs membres font constamment l’objet d’arrestation, de relaxe, de poursuite, d’interdiction, etc.…On peut dire que leurs activités sont des plus bouillonnantes. Ces groupes trouvent aussi preneurs au près des couches spécifiques. C’est l’exemple du MRC qui a plutôt bonne audience chez les cadres, les étudiants, la classe moyenne haute et même une partie de la diaspora. C’est aussi le cas du CRAC qui est assez bien accueilli chez les petits entrepreneurs et débrouillards du monde rural notamment.

La force de ces nouveaux mouvements se trouve dans leur originalité à la mobilisation. L’outil internet facile par exemple leur communication. Leur connaissance des autres groupes historiques leur donne d’indiquer les limites des anciens. Leur homogénéité générationnelle avec les nouveaux types de camerounais n’est pas neutre. Cependant, l’énergie seule ne suffit pas pour l’instant à leur assurer une quelconque considération en comparaison aux anciens. Car ne l’oublions pas, nous sommes là en Afrique. Quelle logique pourrait-on créer si sur la même table on mettait au même pied d’égalité Fru Ndi et Kah Walla ? Quelle logique veut-on créer si on commence à opposer un vétéran de l’UPC à Sosthène Fouda ? Là, il y aurait mélange de gens et de genres pour certains. Pourtant ces nouveaux loups ont sans aucun doute de l’épaisseur à faire valoir. Voilà le genre de subtilités qui bloquent la fluidité et la transparence dans les rapprochements politiques côté Opposition.

D’ici à 2018, on se dit que les orientations de ces divers mouvements nouvellement intronisés se préciseront. Du moment où chacun d’eux voudra offrir sa force à une entité plus mâture, cela me paraît normale d’agir en démonstration aujourd’hui pour être draguer demain.

Le groupe des décideurs. Ce groupe spécifique est celui là qui va pouvoir tirer profit des forces et des limites des 4 groupes cités ci-hauts. Quel sera son discours d’ici à 2018 ? Le discours sera simple. Quel sera son projet politique ? Il n’en aura aucun. Pour la simple et bonne raison qu’en l’état actuel de notre Etat, cela ne sert à rien de monter un projet politique pour enfumer le Peuple. Surtout lorsqu’on sait que les grandes lignes socio économico politiques au Cameroun ne dépendent malheureusement en définitive pas encore des Camerounais. Sur base des expériences d’autres nations comparables, la seule chose à faire pour l’instant est d’abord de répondre à la question prioritaire ? S’agit-il de prendre le pouvoir au Cameroun ou bien d’apporter du Changement au Cameroun. Dès que ce choix sera opéré, en toute quiétude, il n’y aurait plus de malentendu.

Pour finir, nous restons convaincus qu’on s’en sortira ensemble ou alors, on gémira ensemble. Car le contexte qui prévalait en 2011 n’est pas celui qui prévaudra en 2018. Le pays est en réel danger pour ceux qui refusent d’ouvrir les yeux.

Auteur: Bazou Batoula