La récente visite d’Etat au Cameroun du président français, François Hollande, aura été l’occasion de la mise en scène, une fois de plus, du Protocole Camerounais. Cet exercice, qui devrait être une évidence pour des personnes grassement payées et sensées être formées pour, s’est encore révélé, comme par le passé, être un « casse-tête chinois ». Même pour Paul Biya, obligé de jouer, parfois les maitres de cérémonies. L’image où il est obligé de demander de faire avancer la fillette chargée de remettre le bouquet de fleurs d’accueil à François Hollande, et qui était noyée dans la foultitude des sbires, servant on ne sait à quoi, est plus que parlante.
Le retour sur ces manquements protocolaires observés durant cette visite, loin d’être un simple exercice de critique systématique, est plus qu’importante. Car le protocole, loin d’être une simple affaire de rituels désuets, comme le pensent certains agents du Protocole d’Etat, est « le garant de l’égalité de (nos) faibles Nations naissantes avec d’autres plus anciennes et plus développées », comme le disait Joseph Owona et compagnie en 1982. Il est alors impérieux que celui-ci, surtout à une occasion majeure telle que la visite d’Etat, soit géré avec maestria. Malheureusement, sur beaucoup de plans, le Protocole est passé à côté de la plaque.
Incoordination dans les programmes officiels
Une visite d’Etat, ça se prépare des semaines, voire des mois à l’avance. Mais, les autorités de Yaoundé, dans leur éternelle lubie de paraitre comme des démiurges omnipotents, maitres du temps et l’Inconnu, tendent à tout mystifier, au point où on a chaque fois l’impression que les évènements nous surprennent. Donnant ainsi lieu à des improvisations et à des maladresses à peine croyables. La visite de François Hollande n’a pas échappé à la donne. Dans un monde numérisé et marqué par la transparence de l’espace public, il est curieux de voir la peine que se donnent les responsables camerounais pour « cacher » des informations largement diffusées ailleurs. C’est ainsi que pour s’informer sur la visite de François Hollande au Cameroun, les journalistes et autres observateurs étaient obligés de recourir au site de l’Elysée et aux sources diplomatiques françaises. Ceux du Cameroun restant incroyablement circonspectes. Et lorsque les collaborateurs de Paul Biya ont bien voulu, enfin, publier le programme de cette visite, très vite sont apparues des incongruités et autres difformités avec le programme publié par l’Elysée.
C’est ainsi que celui du Cameroun faisait état d’un « Diner » dans la soirée au Palais de l’unité, qui n’apparaissait nullement dans le programme français. Plus encore, la méfiance viscérale des autorités de Yaoundé, vis-à-vis des journalistes, aura conduit à des atermoiements infinis, jusqu’à la dernière minute, sur le choix entre « déclaration conjointe à la presse » et « conférence de presse des deux chefs d’Etats ». D’où des changements de dénominations à chaque heure. Aussi, les responsables et journalistes français, ne savaient-ils plus à quels saints se vouer. Tout ceci a donné lieu, à une superposition de manifestations, un trop plein de cérémonies, qui donnait une impression ubuesque de funérailles villageoises.
Trop de personnes sur le tapis rouge
L’image n’est pas passée inaperçue. Un des aides de camp de Paul Biya –apparemment ils seraient plusieurs- bousculant celui de François Hollande lors de la marche vers le salon d’honneur de l’aéroport de Nsimalen. Ceci est dû au fait qu’à chaque sortie du président de la République, l’on a une noria d’individus, qui l’entourent au point où l’on a souvent tout le mal du monde à l’apercevoir ainsi qu’à individualiser ses homologues. Les responsables du Protocole, partisans à l’extrême de la société de cour, confondent le protocole d’Etat, avec une vaste occasion de mise en scène de leur propension à la servilité et à la reptation.
Ils ignorent que « l’hommage » qu’ils veulent rendre à leur « patron » en encombrant ainsi le tapis rouge, se fait plutôt dans son individuation sur cet artifice du pouvoir. Car comme le disait Louis XIV, « ceux-là s’abusent lourdement qui s’imaginent que ce ne sont là que des affaires de cérémonie. (…) Comme il est important pour le public de n’être gouverné que par un seul, il lui est important aussi que celui qui fait cette fonction soit élevé de telle sorte au-dessus des autres qu’il n’y ait personne qu’il puisse ni confondre ni comparer avec lui, et l’on ne peut sans faire tort au corps de l’Etat, ôter à son chef les moindres marques de la supériorité qui le distingue des membres ». L’on comprend alors aisément toute la gêne et le désagrément de nos hôtes de marque, lorsqu’ils partagent le tapis rouge au point d’être « noyés » par ces « proches collaborateurs » du Chef de l’Etat. Toutes les images des visites d’Etat du monde sont claires : seuls les deux chefs sont sur le tapis rouge et passent en revue les troupes et les corps constitués.
« Originalité » de présentation des corps constitués
Les usages diplomatiques et protocolaires unanimement admis veulent que lors d’une visite d’Etat, chaque chef présente, tout seul, ses collaborateurs qui l’accompagnent. Ensuite, le chef de la mission diplomatique du pays du Chef d’Etat accueilli –s’il en existe-, présente ses collaborateurs à celui-ci. A l’aéroport de Nsimalen, on a eu droit à toute autre chose. Après l’accueil d’Hollande au bas de la passerelle par Paul Biya, c’est plutôt Simon Pierre Bikélé, le chef du Protocole d’Etat, qui a procédé à la présentation des collaborateurs de Paul Biya, qui étaient à l’aéroport, pendant que celui-ci suivait, les bras bien croisés dans le dos.
Est-ce à dire que Paul Biya ne connait-il pas vraiment ses collaborateurs ? Sinon, comment comprendre, que c’est une autre personne qui procède à cet exercice normalement dévolu au président de la République, qui devait en profiter pour dire un mot sur le travail et les compétences de chacun de ses collaborateurs. Histoire même de rassurer ceux-ci sur le fait qu’il est au « courant » d’eux et du travail qu’ils font. Un service encombrant et embarrassant
Ce manquement grave est illustré par une scène. Au salon d’honneur, Hollande a été bien embarrassé par ce « serveur », qui portant un plateau contenant des verres d’eau et de champagne, savonnait devant Paul Biya et lui, pendant qu’ils voulaient dévisager ensemble. Ce qui a été le plus désobligeant est que l’eau était déjà dans le verre. Même dans nos villages ou quartiers, on sait que, la moindre des choses est qu’on ne sert pas une boisson déjà ouverte à quelqu’un ! A fortiori à un Chef d’Etat ! La règle aurait voulu que lors des réunions préparatoires, le Protocole du Cameroun, se rassure les goûts de boisson de
François Hollande, et que celles-ci soient posées, fermées, sur sa table. Ensuite, une fois assis, que le maitre d’hôtel, en toute discrétion voire invisibilité, s’enquiert de ce qu’il aimerait prendre, avant débouchage. Dire que certains sont régulièrement en stage aux quatre coins du monde ! Ces listes, non exhaustives de couacs, répétés, lors de cette visite d’Etat, doivent être réparés au plus vite, car comme le disait Luc Sindjoun, actuellement conseiller du président de la République, « le protocole (est) entendu comme la mise en forme de l’ordre politique, comme la symbolisation de la distinction hiérarchique » !