Voici ce que le président camerounais Paul Biya n'aime pas et n'aimera jamais. La mobilisation. La mobilisation. La mobilisation. Meme le RDPC ne mobilise pas, car voyez ce militant du RDPC a un meeting du FPR a Kigali il y'a quelques jours [Regardez la vidéo ci-dessous].
Il est tout simplement ebloui, oui, ebloui par la foule autour de lui, surtout que, 'c'est des gens qui n'ont pas ete payes pour etre dans un meeting.' Or dans son pays, le president a gagne l'election de 2011 avec pres de 80% des voix! Pourquoi donc le membre d'un parti dont le president gagne l'election a 80% peut-il etre aussi ebloui par un meeting d'un president qui gagne avec un scrore presque aussi eleve (90%)? Pourquoi le RDPCiste se comporte-il au meeting du FPR comme un villageois a Paris?
Eh bien, parce que le Camerounais n'a jamais connu ce que c'est que la mobilisation - moi-meme je n'ai jamais ete dans un meeting base sur la mobilisation, au Cameroun. Le Cameroun sous Biya fonctionne sous la demobilisation, c'est-a-dire en fait, faire tout, mais alors tout pour que les Camerounais ne sortent pas - pas de manifestation publique, toutes interdites, villes mortes, ou tout le monde reste a la maison, chaise vide, demobilisation, demobilisation, demobilisation.
Le Cameroun politique a d'ailleurs pousse la demobilisation comme tactique si loin, que le Nord, 1/3 de la population comme les statistiques nous disent, ne presentent plus de candidat a l'election presidentielle depuis douze (12!) ans, son elite se fondant sur la conviction qu'ainsi seulement pourront-ils passer de faiseurs de rois a pretentants au trone.
Sur la terre entiere, le peuple fonde son developpement dans la mobilisation, dans sa mise en branle, dans sa mise en mouvement. Seul dans mon pays, les gens sont convaincus qu'en restant a la maison, ils atteindront leur but. Et cette conviction est partagee par les gens au pouvoir, tout comme les gens de l'opposition: la demobilisation comme tactique, la demobilisation comme leverage du pouvoir, la demobilisation comme manoeuvre.
La jeunesse Camerounaise réunit autour du président Rwandais, Paul Kagamé
C'est un moment extraordinaire tout de meme que nous traversons-la, car je vois des gens qui sont convaincus que leurs discours qu'ils tiennent a la television ont un effet dans la composition de la scene publique, que leurs postings qui sont likes, ont une force de persuasion, et apres, ils vont faire un tour aux USA, et puis un tour en Europe, pour faire encore plus de photos. Photos ops, a la place de la mobilisation. Car dans notre pays, la mobilisation est remplacee par la com. La communication politique. La com, la com, la com.
A la place de la moblisation, des jeunes s'achetent des vestes, se font faire des photos, qu'ils circulent sur internet. Ils estiment qu'ainsi, ils ont atteint leur but. Et pourtant tous, chacun, en sa maniere, repete ce que Biya fait deja, lui qui a l'equipe de communication la plus professionnelle de ce pays. Son equipe de communication est toujours occidentale. Le bling bling comme methode, le voyage à l'étranger comme but, comme systeme. Et on se dit que par magie tout se passera bien. Pour le tyan, oui, la fraude fait le reste, lui donne les resultats que sa campagne de com, 'l'appel du peuple', a promis.
Le changement peut-il avoir lieu dans un peuple demobilise? Un peuple demobilise peut-il mettre sa volonte en branle? Dans notre pays, la pesanteur de la demobiliation, c'est le Grand Nord, avec ses 1/3 de la population, francophone, et le coeur de la mobilisation, c'est le Cameroun anglophone, avec ses 1/3 de la population du Cameroun. 1/3 comme pesanteur demobilisatrice, contre 1/3 comme avant-garde mobilisatrice du monde.
Le Grand Nord, gangrene par la guerre, fait face a pays anglophone, dont le potentiel insurrectionnel est visible par tout le monde. Et la question revient, forte, certaine - le Cameroun peut-il obtenir le changement qu'il recherche sans se mobiliser? Il est clair pour tout le monde qu'une foule ne se met pas en branle, ne se mobilise pas de maniere spontanee.
Il est tout aussi certains que ce savoir, cette technique, ce savoir-faire de la mobilisation a ete refuse aux Camerounais pendant de nombreuses decennies, pendant tout le temps que Paul Biya aura ete au pouvoir. La consequence est que dans notre pays, la mobilisation est synomyme du chaos, et donc de la guerre, et cela, parce qu'elle debouche chez nous le plus souvent sur des morts, sur des destructions. Un peuple aussi longtemps demobilise montre ainsi qu'il lui manque l'experience.
Comment faire donc pour mettre ce peuple en branle, a moindre cout humain? Voila la question que nous aura laisse Paul Biya, Et dans sa reponse reside tout le mystere de l'apres-Biya que nous voulons tous meilleurs. Car un peuple endormi ne peut pas se liberer, mais aussi ne peut pas se developper.
Le Cameroun n'est pas le Kenya
Chaque scene publique a le caractere de son president, et ca se voit dans ce rally de Uhuru Kenyatta, et dans celui-ci de Paul Biya. Il faudrait un jour qu'on se demande pourquoi Biya deteste autant les foules, au point d'empecher que personne d'autre, tant qu'il est president, n'en aie autour de lui au Cameroun.