«Que va-t-il encore nous promettre après 35 ans de pouvoir ? ». Beaucoup de Camerounais se posent cette question, en validant l’hypothèse selon laquelle le chef de l’Etat, Paul Biya (84 ans), va briguer un nouveau mandat en 2018 à la magistrature suprême.
Après le septennat des « grandes ambitions » et celui des « grandes réalisations », qu’est-ce qui sortira du chapeau des communicants du champion du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), par ces temps où le pouvoir semble avoir dilapidé tous les trésors de patience et de confiance placés en lui ?
La célébration, lundi 6 novembre 2017, du 35e anniversaire du Renouveau, à travers les éléments de langage verrouillés par le sommet de l’Etat et disséminés par les chefs de délégations permanentes du Rdpc, fait penser que Paul Biya fera principalement campagne sur la paix et l’unité nationale, fruits de « l’esprit camerounais ».
Convaincu de ce que la majorité de ses compatriotes adhère et est particulièrement intransigeante sur la pérennisation de ces idéaux au Cameroun, le président de la République espère ainsi retourner en sa faveur les crises qui tiennent le pays en sourde ébullition. Notamment la crise sécuritaire dans la région de l’Extrême-Nord et la crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.
Au nom des défis sécuritaires, dont le coût financier est important, et de la conjoncture internationale, dont le Cameroun et la Cemac subissent les contrecoups, il escompte l’indulgence d’une bonne partie de l’électorat sur son bilan économique, si peu flatteur.
Mais, comme il l’a lui-même souligné en juillet 2015 en présence de François Hollande, alors président de la République française, « l’élection présidentielle est certaine, mais lointaine ». Traduction : bien de choses peuvent se passer d’ici là. Les derniers développements de la crise anglophone sont la preuve que le chemin qui y mène est long et semé d’embûches.
Entre les extrémistes du pouvoir qui font du dilatoire au moment où un dialogue inclusif s’impose et les sécessionnistes extrémistes qui se rendent à l’évidence que leur approche fédère chichement dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest et qu’il faut poser des « actes d’éclat » pour terroriser les populations, le pourrissement s’installe.
Ce pourrissement n’est pas de bon augure pour la gestion du calendrier électoral l’année prochaine. Le rapport de forces qu’imposent désormais les hordes de jeunes surexcités, et sans doute téléguidés, aux forces de sécurité pourrait, si l’on n’y prend garde, provoquer un « glissement » de l’élection présidentielle.
Toute chose qui constituera du pain béni pour les entrepreneurs du chaos, lesquels, disons le haut et fort, ne se recrutent pas nécessairement parmi les sécessionnistes tapageurs des réseaux sociaux.
L’indéchiffrable silence présidentiel ambiant sert donc de levain au jusqu’au-boutisme des Souvarines camerounais (en référence au héros d’Emile Zola), qui estiment qu’il faut « tout raser pour reconstruire » après Biya.
Ces anarchistes-là savent que le chef de l’Etat prend un temps fou pour trancher sur les questions, même les plus brûlantes. Ils savent que « le temps du président », qui a évité, admettons-le, au Cameroun des crises à certaines occasions, est susceptible d’être un boulevard inespéré pour semer la graine de la division sur un terrain qui peut, à la longue, s’avérer fertile.
En somme, si le pouvoir continue à privilégier la rhétorique galvanisatrice à l’action réconciliatrice, il pourrait se retrouver à la remorque d’un agenda en porte-à-faux avec les fondements de la République.