C’était une nuit de juin, à la cours du roi Essomba Mendoulou à Ekoutendi encore appelé Olama en souvenir d’un des valeureux fils de la contrée qui s’était illustré au jeu de la sagaie dans une rencontre qui opposa les bassa’a de Nkol-Melen aux mvog Essomb’Ndana.
Les femmes étaient rentrées des champs et s’affairaient à préparer le repas du soir, les hommes à l’ombre de du grand omang, jouaient au songho tout en buvant du vin de palme.
Les enfants jouaient au loin, dans cette belle architecture tous étaient ensemble mais personne ne se croisait. Nous étions en 1914. Martin Paul Samba installé dans ce village ewondo depuis 3 ans déjà, il y avait ouvert une boutique, aidait le pasteur luthérien à convertir les ewondo naturellement catholique au protestantisme, entra dans la cours et se dirigea dans l’abba ekang où l’attendait le roi Essomba Mendoulou. On lui fit rapidement place dans l’assemblée des notable.
Martin Paul Samba, n’était jamais obséquieux. Il réussissait même, tout en affichant un enthousiasme souriant, en multipliant les prévenances ramenées de l’Allemagne où disait-on, il avait appris le maniement des armes à feu et la langue du commandement, à garder un quant-à-soi qui, selon son interlocuteur, pouvait se nuancer de mépris ou d’ironie.
Il chuchota à l’oreille du roi, “je suis si heureux d’être là avec vous, j’ai des nouvelles pas bonnes qui viennent du Reich, l’archiduc François-Ferdinand, l’héritier de la couronne d’Autriche-Hongrie et son épouse ont été assassinés! Mon roi pouvez vous accepter qu’ici dans votre cours, un briguant vienne de si loin tuer à la lance un de nos princes et son épouse?
En même temps, je sais que les Allemands ici sont tes amis mais ils n’aiment pas notre pays. Cette guerre qui arrive n’est pas la nôtre mais nous devrons la faire pour nous libérer du joug allemand, proclamer notre indépendance, être et avoir par nous sans plus dépendre des autres.”
Essomba Mendoulou avait écouté cet homme qu’il avait adopté et invité à siéger dans son assemblée de notable. Il avait une mine préoccupée. Ne l’avait-il pas invité à l’accompagner chez les kombé prendre sa septième épouse qui était convoitée par Fouda Mendoumou le chef mvog Fouda d’Eloumden? La parole et l’uniforme militaire d’officier du Reich avaient pesé lourd sur la balance.
Aujourd’hui Samba venait faire ses adieux afin de retourner à Ebolowa sa ville natale et solliciter aussi le soutien et le ralliement d’Ekoutendi à sa cause, la lutte pour l’indépendance du Cameroun. Ce village était central dans ce combat car il était la route centrale pour relier la poste de Kribi et celui de Yaoundé par le Nyong.
Bien que toute l’assemblée des notables fut présente, Essomba Mendoulou ne consulta pas les uns et les autres, et c’est tout seul qu’il décida de se liguer contre le Reich sans pourtant apporter un soutien à ces autres blancs qu’il ne connaissait pas, même de nom. Il faisait confiance à Samba pour gagner la guerre et donner la liberté au Kamerun.