Wilfried Ekanga fait 'l'autopsie' de la tornade Bojiko

Couverture du livre de Cyrille Bojiko

Mon, 13 Nov 2023 Source: Wilfried Ekanga

Dans la liste incroyable des intempéries qui frappent chaque année la ville de Douala, une s'est particulièrement distinguée ce jeudi 9 novembre : un typhon rare ; une rafale séculaire. Son nom : Cyrille Bojiko, alias le dieu Balafon. Et comme toute tempête qui se respecte, elle a hargneusement secoué la cité économique, provoquant un séisme de magnitude 90.3 sur l'échelle du talent. Il fallait être à la place St David de Bonanjo pour comprendre ce qui était en train de se passer. On dit que les Camerounais n'aiment pas la lecture ? Faux ! Tout dépend de celui qui écrit !

Et si c'est un cyclone qui écrit, il vous aspirera comme un vortex dans son torrent de mots, et vous terminerez votre lecture sans savoir vous-mêmes quand est-ce que vous avez en fait commencé.

Car on n'arrête pas le vent.

Pour la soirée dédicace de ce qui est déjà sans aucun doute le Livre de l'Année au Cameroun, l'immense salle réquisitionnée à cet effet a soudain eu des airs de box minuscule et confiné, tant la présence humaine y fut impressionnante. On avait l'habitude de voir la masse évacuer les lieux et s'enfuir à l'approche d'un ouragan, or ici, nous avons eu droit au tout premier ouragan de l'histoire que la masse a délibérément choisi d'embrasser à grosses mains ! C'est ce qu'on appelle LE succès ! Un succès littéraire, à l'image du parcours héroïque de son auteur, dont l'arrivée au sommet s'est construite sur une avalanche de défis et de challenges personnels inouïs, à la manière d'une tornade qui vous surprend en montagne.

Non, on n'arrête pas le vent ; essayez et vous verrez : ça ne marche pas !

(Et d'ailleurs, le fait même d'essayer vous fera paraître d'un ridicule absolu !)

DANS L'ANTRE DU BEST-SELLER

Les tornades se forment en général dans le ciel sans prévenir, et alors que la météo semble pourtant bien calme. De la même manière, au moment précis où les Camerounais se découvrent un amour aussi passionnel que soudain pour le Canada, un autre Camerounais vous raconte son choix atypique : l'abandon du Canada pour le retour au bercail. C'est le paradigme la trajectoire inversée*, l'épopée d'un anticonformiste qui a un jour décidé de ne pas faire comme les autres, au prix de l'incompréhension générale, voire des soupçons de folie : « Mais qu'est-ce que tu vas foutre au Cameroun alors que tu es résident canadien ?! ». Sauf que... les ouragans savent toujours où ils vont. Bojiko a compris ce que Cyrille a compris, et que beaucoup n'ont en revanche toujours pas compris : afin d'obtenir ce que les autres n'ont pas, il faut faire ce que les autres ne font pas !

Dans l'Ancien Testament, le livre d'Osée, rédigé il y a 2 800 ans, prévient : « Ceux qui sèment le vent récolteront la tempête ». Mais ce que ce cher prophète n'a pas précisé, c'est que le vent du travail et de l'abnégation produit une tempête de réussite et d'exemplarité. Celui qui sème le tsunami de l'audace et de la persévérance récoltera la vague de la gloire et des bons résultats. Et c'est assurément sous ce prisme que le Bojiko national a choisi de considérer la chose. Car en plus, Osée a oublié un important détail : il faut oser ! Et parce qu'il a osé, malgré les alertes d'Osée, notre auteur du jour est aujourd'hui à la tête d'un empire médiatique reconnu et salué de tous. Depuis plusieurs années, l'homme que personne ne déteste incarne désormais le café quotidien sans lequel des centaines de milliers de Camerounais auraient du mal à commencer leur journée. Le matin à Douala, il n'existe qu'une religion : radio Balafon. Et sans cette audace et cette impertinence qu'a eues son fondateur depuis sa tendre jeunesse, le pays de Martinez Zogo serait aujourd'hui privé d'un véritable phénomène.

Par conséquent, lorsqu'il parle de parcours et de défis dans son livre, il n'évoque pas ici un simple récit de vie, à la manière d'une banale biographie à apprendre par cœur ; au contraire, son histoire ne sert que de toile de fond à l'apprentissage. Le point focal de l'ouvrage étant la leçon à tirer de cette biographie-là pour tout jeune citoyen désireux de se faire une place au Soleil. En un mot, Cyrille Bojiko est simplement un exercice-témoin. C'est à chacun de tracer ensuite sa propre voie, en s'aidant des éléments inspirants qu'il aura puisés dans cette œuvre. Pour atteindre le Soleil, il faut notamment traverser l'épais rideau nuageux, dont les turbulences intrépides, à l'image de la danse effrayante de cet avion suspendu entre le Canada et le Cameroun, rappellent à chacun, comme au jeune Cyrille d'antan, à quel point la nature est à la fois belle et hostile.

Et pour dompter une bourrasque, il faut être soi-même... un orage !

EN BREF :

En 1936, l'écrivaine américaine Margaret Mitchell sortait le tourbillon planétaire « Autant en emporte le vent », un méli-mélo dramatique autour d'une jeune femme nostalgique de l'ère de la Confédération, et soumise à une vie professionnelle et sentimentale absolument chaotique. Aucune de ces tumultueuses aventures ne parvenant toutefois à ébranler sa capacité à repartir de zéro pour mieux rebondir, il semble aujourd'hui vital de se dire aussi, à la lumière de ce livre du sieur Bojiko, qu'aucune difficulté, aucune embûche, aucun challenge, n'est suffisamment coriace pour être inoubliable, ou pour que la fougue de notre détermination ne la traverse pas !

Parce que justement... on n'arrête pas le vent !

Auteur: Wilfried Ekanga