J'ai découvert Krys M il y a un an exactement, en octobre 2022. Je m'apprêtais à prendre un vol pour Helsinki (Finlande) quand je suis tombé à tout hasard sur la chanson « À chacun sa chance », alors que je déambulais sur YouTube sans but. Et inutile d'y aller par quatre chemins, ce fut un véritable coup de cœur ! Je me suis immédiatement laissé entraîner par le rythme, la cadence, le refrain et les couplets aussi drôles que véridiques de cette chanteuse dont j'ignorais encore le nom quelques minutes auparavant.
Ce fut ma première fois d'écouter la même chanson durant un vol entier (près de trois heures), sans jamais me lasser. Une véritable extase !
Tout récemment, elle a sorti « Il a donné pour moi », une tornade équatoriale qui, comme le premier tube cité plus haut, reste scotchée à votre tympan tout au long de la journée, telle un ruban adhésif. En Allemagne on appelle cela « der Ohrwurm » (le ver d'oreille). En France, on dit : « mélodie accrocheuse », c'est-à-dire un refrain que vous sifflotez de manière quasi inconsciente pendant des heures et des heures, même après ne l'avoir entendu qu'une seule fois !
Dans l'absolu, la jeune femme est une talentueuse vocaliste et une danseuse hors-pair, dont l'unique marge de progression consiste à pouvoir combiner les deux atouts sans s'essouffler, comme en témoigne sa mésaventure aux Trace Awards il y a deux semaines. Mais parce que tout s'obtient par le travail et que son talent est gigantesque, on a pu constater une nette amélioration dans ce registre lors des tout récents Canal d'Or. Alors on lui souhaite bonne chance pour parfaire la chose, et on y croit dur comme fer. Car « qui croira verra ».
KRYS T'M, OU T'M KRYS ?
Le 17 février 2020, le célèbre parolier Ntumba Minka nous quittait, des suites de maladie. Et si tu es assez vieux pour lire et comprendre ce texte, alors tu as certainement connu sa chanson au succès immense : « L'homme est mauvais », dans laquelle il débute par un enseignement des plus vitaux : « Qui ne risque rien n'a rien », avant d'ajouter : « Moi j'ai vu avant de parler ». Et effectivement, en découvrant Krys M, j'ai appris que - comme beaucoup d'entre vous d'ailleurs - elle a dû patienter de nombreuses années avant de goûter à la lumière. La gloire ne vient toujours qu'après une cavalcade d'échecs ; ceux qui ont réussi aujourd'hui sont tout simplement ceux qui ont su persévérer malgré les chutes multiples. Autrement dit, ceux qui ont pris le risque de continuer, alors que le ciel semblait obscur et que quasiment plus personne n'y croyait encore.
En un mot, ceux qui ont cru en leur... chance.
Nous sommes tous des humains et nous sommes tous imparfaits. Donc, nous sommes tous criticables. Mais justement, vu que nous sommes imparfaits, nous avons du mal à digérer les critiques. Or la grandeur d'un artiste réside dans sa capacité à encaisser les avis négatifs et à s'en servir pour livrer une meilleure version de lui-même. Et quand on repense à la réaction de notre héroïne du jour et à sa performance de haute facture aux Canal d'Or, on ne peut qu' applaudir la maturité de sa réaction. Une fois de plus, on a ici l'application d'un autre conseil de Ntumba Minka : « Ne regarde pas où tu es tombé, mais regarde où tu t'es cassé le pied ». En d'autres termes, elle ne s'est pas laissée abattre par le lieu (Trace Awards & Festival) de son raté, et s'est plutôt tout de suite mise à travailler sur l'élément de ce raté (combinaison danse + chant), avec des premiers résultats plus que prometteurs la semaine suivante.
J'ose donc affirmer ici que nous avons là l'une des futures grandes figures de la musique camerounaise (Dans dix ans, de l'eau aura encore coulé sous les ponts, et nous parlerons alors d'une véritable icône internationale). De ce fait, et même si je garde un œil dubitatif sur le parrainage des Canal d'Or (notamment ses bailleurs de fonds, en plus de la présence de la Première dame la moins charismatique du système solaire), j'estime que ses trois récompenses lui sont amplement méritées !
ÉPILOGUE :
Il aurait par conséquent été bien plus intéressant de voir de telles étoiles montantes au-devant de la scène pour l'événement « Blue Star » de Camtel en tant qu'affiches principales, plutôt que de consacrer la tête du peloton à des artistes confirmés - et de surcroît extérieurs -, et dont l'équipe promotionnelle assure la visibilité depuis près d'une vingtaine d'années ! Ne vous y trompez pas : ce n'est pas parce que vous êtes une superstar qu'on fait votre publicité ; c'est parce qu'on fait votre publicité que vous devenez une superstar. Dans le monde moderne du showbiz, le talent seul ne suffit pas. En ce XXIe siècle, l'exposition médiatique et la campagne promotionnelle comptent pour 70% de l'envergure d'un artiste. Cela, les pouvoirs publics camerounais - et les plateformes de divertissement sous leur controle - ne l'ont toujours pas compris !
Mais en même temps ce n'est pas une surprise, puisqu'ils n'ont jamais rien compris de progressiste. C'est aussi ça, être fidèle à soi-même.
Bien sûr, reconnaître et identifier à l'avance une valeur sûre n'est pas facile du tout. Mais à mon sens, il n'y a rien de plus rassurant que cette catégorie d'artistes qui démontrent leur capacité de résistance aux chocs, et leur faculté à se relever en un temps record et à générer de la qualité. C'est ici le FIGHTING SPIRIT du Continent Cameroun ; l'art d'aimer le défi et de ne jamais abandonner ; celui-là même que le président américain John Fitzgerald Kennedy exposait à ses concitoyens en septembre 1962 à l'université Rice de Houston, quand il leur disait : « We choose to go to the moon on this decade and to do ghe other things, not because they are easy, but because they are hard !» («Nous avons décidé d'aller sur la Lune au cours de cette décennie et de faire plein d'autres choses, pas parce qu'elles sont faciles, mais parce qu'elles sont difficiles !»),
À l'instar du Nigéria, du Congo et de la Côte d'Ivoire, les responsables de la Rivière des Crevettes sauront-ils enfin comprendre les enjeux de l'heure ? Ou bien sont-ils vraiment convaincus que Yemi Alade a une plus belle voix que sa Sister d'une autre mère, Charlotte Dipanda ?
Ou bien, une fois encore, qui croira verra ?