Avec plus de 260 ambassades et consulats dans le monde, la France est le troisième plus grand réseau diplomatique du globe terrestre, derrière la Chine et les Etats-Unis. Sauf qu’il ne suffit pas d’être présent partout pour être aimé partout.
C’est la qualité de votre présence qui définit l’attitude de vos partenaires internationaux à votre égard. Cela signifie que si votre mode de coopération ou votre stratégie de communication s’avère nuisible, vous finirez par recevoir tôt ou tard le boomerang sur la figure. Depuis l’invasion de l’Ukraine (amorcée le 24 février 2022 par Vladimir Poutine), l’Union Européenne, la France en tête, a fait de la Russie le bouc émissaire idéal de ses ennuis ; le responsable tout trouvé du recul de l’influence occidentale dans le monde, notamment en Afrique. Mais en ce qui me concerne, je précise toujours que si ton partenaire te quitte, ce n’est pas à cause de l’élégance de ton rival, mais à cause de ton manque d’élégance. À l’époque où nous dénoncions déjà la présence militaire française en Afrique, le groupe Wagner (qui ne sera créé qu’en 2014) n’existait pas encore ! Du temps où l’on s’indignait déjà de la prédation abjecte de la France sur l’uranium nigérien, la présence russe sur notre continent n’avait rien à voir avec sa percée actuelle. Conclusion, Moscou n’est donc pas, et n’a jamais été la raison pour laquelle la France perd de plus en plus pied sur le sol africain. C’est une fuite en avant inventée par une élite parisienne hautement médiocre et incapable de se regarder dans un miroir et de s’avouer ses ratés.
Emmanuel Macron : un cas d’école
On pensait déjà avoir touché le fond avec un Nicolas Sarkozy venu nous expliquer un matin de juillet 2007 à Dakar que « l’Afrique n’est pas assez rentrée dans l’Histoire », et que dans l’imaginaire africain « où tout recommence toujours », il n’y avait aucune place pour une quelconque « idée de progrès ». Mais c’était sans compter sur Emmanuel Macron, le banquier d’affaires sorti de nulle part et catapulté en six mois au sommet de l’État sans qu’on ne sache trop comment. Il faut dire qu’en termes de médiocrité communicationnelle et de ratés diplomatiques, le natif d’Amiens a dépassé toutes les prévisions météorologiques ! Même si la France reste le pays le plus visité au monde, « Manu » est en train d’en faire un golem hideux dont la politique étrangère énerve de plus en plus tout le monde, en particulier les Africains.
Tout a commencé en mai 2017. Cela faisait à peine dix jours qu’il était élu, et même l’Afrique francophone semblait admirative de cette jeune étoile de 39 ans, qui serait certainement en mesure de mieux comprendre les aspirations des peuples du continent (dont la moyenne d’âge frôle à peine les 18 ans), contrairement à ses vieux prédécesseurs Chirac, Sarko ou Hollande. Mais voici que la fameuse « jeune étoile » va reprendre les réflexes des vieux, en inscrivant sa première visite africaine sur le thème de la poursuite de la prédation, au mépris des populations et des valeurs locales. Sa première descente sur le terrain a lieu le 19 mai 2017 à Gao au Mali, où il ne restera que... 7 heures. Le temps de serrer la main à son nouveau sous-préfet local, Ibrahim Boubacar Keita (celui-là même qui sera renversé le 19 août 2020 par Assimi Goita) et aux militaires français de l’opération Barkhane (qui seront à leur tour chassés en 2022 par le même Goita, s’étant aperçu qu’ils étaient davantage occupés à sécuriser les ressources minières qu’à sécuriser les populations contre le terrorisme). Avec ce premier contact, Macron vient d’annoncer la couleur : les ressources de l’Afrique sont une question de survie pour la France, et hier comme aujourd’hui, sa seule et unique préoccupation géopolitique. Mais surtout, il n’a pas compris que la jeunesse africaine consciente éprouve de plus en plus d’agacement à l’égard de cette approche aussi dédaigneuse, et qu’elle déteste de plus belle ce rôle de faire-valoir et de serpillère des nations dans lequel on la maintient confinée.
Qui a bu boira
Bien sûr, l’homme ne va pas s’arrêter en si bon chemin. Dans le cadre de la réunion du G20 qui se déroule le 8 juillet de la même année à Hambourg en Allemagne, il va de nouveau se lancer dans une litanie lunaire. Évoquant les crises politiques que connait notre continent (et dans lesquelles la France et bon nombre de ses alliés du G20 tiennent pourtant une grande part de responsabilité), il va avancer sans sourciller que « le problème de l’Afrique est civilisationnel » !
Et c’est ici qu’on se rappelle que lorsqu’en 1685 son ancêtre le roi Louis XIV avait élaboré le sinistre document appelé « Code Noir » pour légitimer la mise en esclavage de notre peuple, c’était aussi au nom de la « supériorité civilisationnelle » de la France. Force est de constater que trois siècles plus tard, la rhétorique est exactement la même. En gros, heureusement que la France est là pour nous enseigner le bien et le mal. Car sans elle, nous serions des animaux sauvages dépourvus de tout discernement. C’est sans doute avec cette sotte idée en tête que, dans le même discours de Hambourg, il va mentionner... le Niger. Il va notamment critiquer les femmes nigériennes qui, au cours de leur vie, font « entre 7 et 8 enfants », ce qui est forcément un problème, dans l’esprit de tous les ignorants à qui il faut encore expliquer que l’Afrique est outrageusement sous-peuplée, et que l’Inde et la Chine comptent chacune plus d’habitants que tous les Africains réunis ! Macron a oublié de mentionner que si le Niger était dirigé depuis les indépendances par une élite responsable, soucieuse du peuple et qui refuse de négocier des contrats absurdes sur l’uranium (de l’ordre de 80% vs 20%) avec ORANO et toutes les entreprises étrangères carnivores, il y aurait largement de quoi s’occuper d’une population d’à peine 25 millions d’habitants. Non, lui, il a identifié le problème ailleurs : le Niger fait trop d’enfants, et bien sûr, c’est à la France de dire à nos femmes comment utiliser leur utérus ! Mais comme on dit chez moi au Cameroun : il ne savait pas que c’est comme ça que le général Tiani allait faire.
Le Cameroun, justement : Macron était à Yaoundé en juillet 2022. Et dans sa médiocrité proverbiale, il a été une fois de plus totalement hors-sujet, s’obstinant à critiquer la Russie devant un peuple qui se fichait royalement des problèmes personnels qu’il a avec Vladimir Poutine. Il va dénoncer entre autres « l’hypocrisie » des Africains qui, selon lui, refusent de reconnaître que c’est la Russie qui a « unilatéralement » déclaré la guerre à l’Ukraine (oubliant alors que tout commence en 2014 avec le renversement de Viktor Janukowitsch, organisé par la CIA et l’Union Européenne). Et même lorsqu’il faudra parler d’autosuffisance alimentaire, il va encore trouver le moyen d’évoquer Moscou en disant : « l’alimentation comme l’énergie sont devenues des armes de guerre russes ». On aurait dit un enfant perdu qui composait la physique-chimie sur une épreuve d’anglais ! C’est ici la manifestation du délire d’un mauvais président qui se croit partout à Paris, alors que les réalités africaines (et le discours qui va avec) sont tout autres. Et alors qu’à Paris, son propre peuple ne l’aime pas outre mesure.
Le mari de mon mari
Toujours sur le Cameroun, les évènements de juin 2023 auraient fait comprendre à tout dirigeant intelligent d’où vient le problème de la France en Afrique. Or Macron, en dépit de son brillant parcours académique et professionnel, n’est pas un homme intelligent. Sinon, il aurait compris qu’il n’y a aucune chance que la culture LGBT+ s’installe en Afrique noire dans les mêmes proportions qu’on le voit en Occident ! D’une part parce que les Africains préfèrent n’y accorder qu’une place ultra-archimega-marginale, et d’autre part parce que les Africains estiment tout simplement avoir des soucis beaucoup plus urgents que la propagande irrespirable des relations de même sexe. En projetant d’envoyer son ambassadeur des causes homos au Cameroun, (Jean-Marc Berthon, dont l’arrivée - avortée - était prévue le 27 juin 2023) pour venir nous expliquer des choses qui ne nous intéressent pas, la France s’est infligé à elle-même une balle de calibre Magnum ! Elle a énervé de plus belle un pays tout entier ! Un véritable suicide diplomatique. Pourra-t-elle encore ici accuser Vladimir Poutine du desamour grandissant envers sa politique ? Où va-t-elle enfin comprendre que les Africains préfèrent de loin un partenaire qui ne leur dit pas le nombre d’enfants à faire ni la façon de s’accoupler, à un seigneur autoproclamé que l’arrogance et le mépris poussent à vouloir définir la destination de nos éjaculations ?
En bref :
Inutile de revenir sur le cas du tout récent coup d’État révolutionnaire au Niger, où la France, à travers Catherine Colona sa très incompétente ministre des armées, a copieusement menacé le CNSP du général Tiani d’une « réponse impitoyable » en cas d’agression de ses citoyens. Or, même le dernier des idiots savait depuis le départ que les immigrés français sur place n’ont jamais été en danger, de quelque manière que ce soit ! Mais la gesticulation de Paris et son étrange insistance à pousser les Africains à s’entretuer pour remettre Mohamed Bazoum au pouvoir a beaucoup étonné.
Surtout que la même France venait à peine de soutenir le putsch constitutionnel d’Ouattara en octobre 2020 en Côte d’ Ivoire, ainsi que le putsch militaire de Kaka Déby au Tchad en avril 2021. Un deux poids deux mesures qui illustre fort bien la duplicité d’une puissance obsédée par le maintien à la tête de nos Etats d’un groupe de valets amoureusement acquis à la métropole.
Plus curieux encore, Emmanuel Macron décide dans la foulée de rapatrier... sa diaspora civile, tout en refusant catégoriquement de faire de même pour sa diaspora militaire, alors même que c’est précisément ce que lui réclament les nouvelles autorités locales ! C’est cela une politique décalée, hors-sujet et bête. Avec autant de nullité dans le timing, avec un tel niveau de néant communicationnel, comment voulez-vous que la Russie soit la cause du déclin français actuel ? Comme on vient de le voir, c’est la France qui se « flingue » elle-même tous les jours un peu plus ! C’est sa déconnexion chronique des réalités et des exigences africaines qui la conduit aujourd’hui dans les bas-fonds de la diplomatie internationale, malgré sa kyrielle d’ambassades. C’est comme un fou qui achète beaucoup de chemises alors qu’il lui manque le pantalon. Ça s’appelle marcher tout nu !