Y a-t-il un cœur qui bat à Étoudi ?

Boulou Ebanda1 Boulou Ebanda nya B’bedi

Tue, 8 Nov 2016 Source: cameroon-info.net

Prêter attention aux balbutiements, langue de bois et reniements de nos hauts dirigeants, c’est comprendre, enfin, le venin inhumain qui circule dans leur veine.

Et ce questionnement, « Y a-t-il un cœur qui bat à Étoudi » équivaut à énoncer la gravité de l’heure et à demander que d’urgence, tout change, tout de suite! Nous connaissons surement l’histoire de cet ouvrier qui dégringola dans le vide depuis l’échafaudage d’un gratte-ciel. Alors qu'il dévalait les étages vers le bas, ses collègues lui posèrent tous la question: «eh toi, tout va bien là-bas?» ; à quoi il répondit : «jusqu'à présent, tout va bien.» Nous connaissons aussi, tous et toutes, la fin de l’histoire.

Il faut d’urgence sortir notre tête du sable, dépasser cet amateurisme tâtonnant et démontrer une maturité politique certaine pour le bien de tous. Communiquer la vérité, justement, pour éviter le crash de cette nation toute entière.

Je me souviens qu’après un évènement tragique, la mort de la Princesse de Galles, Lady Diana (un évènement qui n’avait pas manqué de qualifications théoriques : conspiration, assassinat politique, etc.) les Britanniques avaient réclamé du cœur à leur monarchie : « Show us that there’s a heart in the House of Windsor… Is there a heart in Buckingham Palace?» clamaient-ils.

Aujourd’hui, après un virage communicationnel à 360 degrés, cette monarchie traditionnelle a remis en question ses anciennes pratiques du secret. Elle a entrainé le peuple dans les couloirs du palais, dans son cœur. La communication de la vérité sert aussi à cela. Elle sert à donner une image au cœur « du cœur du pouvoir. »

Aujourd’hui, en effet, « Les choses qui arrivaient aux autres commencent aussi à nous arriver » dit cette expression populaire bien de chez-nous. Que faire dans ces circonstances, devrions-nous faire semblant que tout va bien, que tout changera avec l’usure du temps, c’est faire l’autruche! Vous nous tuez, mesdames et messieurs les haut-dirigeants du Cameroun, vous tuez notre avenir commun et celui de nos enfants…

Et cela n’est pas juste! Il vous faut savoir que ça suffit, car l’heure est bien trop grave pour ne pas vous le dire; tiens, je viens de le dire : « ça suffit comme ça! » Il faut s’indigner; « indignez-vous » Camerounais puisque le changement ne viendra que de nous-mêmes!

Aujourd’hui, vos Grandes ambitions sont en train de s’écrouler, d’exposer vos floueries déjà anticipées et dénoncées. L’émergence annoncée en 2035 est aussi, déjà, en train de dégringoler, de se couvrir de sang, avec la désuétude des rails et du soit disant « axe lourd » en état de délabrement avancé, les hôpitaux sans plateaux techniques adéquats, les écoles à ciel ouvert, etc. qui n’arrêtent plus leurs homicides à une fréquence extraordinaire!

Le malheur est que la plupart d’entres-vous, caméristes du palais, professeurs de foi aguerris et communicologues inventés, seriez ad Vita en exil, dans plus ou moins 20 ans, quand il sera l’heure de faire le bilan, votre bilan. Vous ne pourriez même pas apprécier vos échecs ou vos succès, ni servir de modèles à la nouvelle génération de citoyens engagés à réparer vos dégâts, les enseigner à ne pas faire les mêmes erreurs que vous.

Vous seriez partis, laissant ce beau pays dans le malheur. Un peu de dignité ne tue pas : démissionner dès aujourd’hui, comme dans tout pays normal, démissionner!

Ca suffit comme ça ! Vous excellez dans un immobilisme endémique en vous cachant derrière les « Très hautes instructions du…» ou les «le Chef de l’État suit la situation de très près»…

Il est méprisable d’évoquer les Hautes instructions… quand un simple appareil de dialyse ne fonctionne pas dans un hôpital dit de référence; il est espiègle de faire remarquer au peuple que le Chef de l’État suit la situation, quand une simple ambulance arrive des heures plus tard dans un lieu d’accident ou quand plusieurs centaines nos concitoyens agonisent dans un ravin, dans la boue… Non, ça suffit comme ça ! Vos incantations devenues de simples distractions jettent sur vous un discrédit sans pareil.

Y a-t-il un cœur qui bat à Étoudi? Si oui, il faudra en fin, aujourd’hui, que les enquêtes soient publiées et que la Justice parle. Il faudra un virage réel à 360 degré, une rupture absolue avec le passé et ses hordes de prévarication dont la vision du pays est limitée à leur bas-ventre exclusif.

Il faudra une refonte totale du système politique. C’est aussi, avant tout, « franchement communiquer », c’est-à-dire, dire la vérité. Quand un Porte-parole du gouvernement déclare qu’on ne comprend rien de la politique parce que le peuple réclame la présence du Chef de l’État auprès des victimes d’un drame épouvantable ayant secoué la nation toute entière, nous devons avouer qu’il y a un GROS PROBLEME quelque part dans ce système.

Quand un Ministre justifie l’injustifiable en hiérarchisant les drames qui secouent notre pays, je pense qu’il faut tout de suite lui dire que ça suffit comme ça! Que la justice vraie parle tout de suite.

En effet, ce haut-dirigeant dit de l’incommunication oublie ici de mentionner que c’était tellement important de montrer le Chef de l’État auprès des cercueils de nos soldats tombés en champ de bataille contre Boko haram qu’un photomontage sorti droit d’Étoudi le fit, le temps d’un instant, avant que des voix populaires-alertes dénoncent cette tricherie ignoble d’un genre dépassé, d’une manipulation du siècle avant l’internet.

Monsieur, messieurs les haut-dirigeants de la République, communiquer franchement se traduit par « dire la vérité », simplement, car elle permet d’éviter le crash. Dire par exemple que le Chef de l’État du Cameroun est indisponible, qu’il est incapable de se tenir debout plus de quarante secondes pour respecter une minute de silence vu son âge avancé, ou pour toutes autres raisons humaines serait plus fort, juste et vrai, que soutenir qu’il suit la situation. S’autoriser ce genre de verbiages mécaniques relève d’une malhonnêteté qui ne dit pas son nom.

Sommes-nous oui ou non à l’heure des médias instantanés où la contradiction est rendue publique en un temps loin d’une seconde, où justement il est toujours trop tard d’essayer de se rétracter, de soutenir des conneries du genre «je n’ai pas dit ce que j’ai dit» comme votre malhabile Ministre des transports fut tenté de se défendre.

En n’avez-vous pas assez de preuves qui démontrent qu’on ne peut plus gouverner comme dans le passé, que votre model de gouvernance requiert une mise-à-jour importante? Aujourd’hui, les Camerounais savent faire la différence entre le vrai et le faux, et vos tournures de phrases ne fonctionnent plus.

Quand ils voient un gros morceau d’une route goudronnée s’éloigner à la nage, ils vous disent qu’ils n’ont pas besoin d’être des ingénieurs pour y voir le faux, pour constater votre corruption. Quand l’épaisseur du goudron d’une route joignant les deux plus grandes villes d’un pays, une route nommée « AXE LOURD », est visiblement moins large que la paume d’une main, ont-ils besoin d’être des universitaires pour constater le marché de dupe, la dérive, le viol de leur vie? ÇA SUFFIT COMME ÇA, QUE LA JUSTICE PARLE, EN FIN!

Messieurs les haut-dirigeants de la République du Cameroun, quand un pays vit un drame sans pareil comme le Déraillement du 21 octobre 2016 à Eséka, on n’a pas besoin d’être politicien pour déclarer le disfonctionnement de nos structures de secours et, surtout, on n’a pas besoin de se faire dire que le Chef de l’État suit la situation que ferait-il d’autre dans un pays normal? Dans un pays normal, on a besoin que des soins et des actions concrètes du Chef sur le terrain.

La mort de nos concitoyens vous offre la preuve de vos propres mensonges. Elle vous montre l’état de délabrement avancé et obsolète de nos structures de transport, de santé, de communication et d’infrastructures. Dans un pays normal, les haut-dirigeants, responsables de ces secteurs clés de développement démissionneraient d’eux-mêmes.

Ils communiqueraient clairement au peuple leur échec et accepteraient leur responsabilité. Ils laveraient ainsi leur honneur, s’ils en ont le moindre. Ils n’attendraient pas les Hautes instructions, car maintenant, la Justice est là et le Peuple demande justice. Non, trop c’est trop! S’il n’est que de clowns dans cette arène, aujourd’hui, que la Justice frappe ses irresponsables. Y-en-a marre!

Oh que si, les morts d’Éséka ont exposé une mal-gouvernance bourrée d’amateurs. C’est ainsi qu’un Décret de deuil national reste, lui-aussi, sans effet véritable, car non suivi par les Chefs de terre, les haut-dirigeants, membres du gouvernement…

Oui, les morts d’Éséka ont exposé une gouvernance sans humanisme, pour ne pas dire déshumanisée. Un gouvernement sans cœur. On peut aujourd’hui légitimement se demander où étaient les membres du gouvernement et qu’ont-ils fait le 25 octobre 2016, la journée décrétée Journée du deuil national au Cameroun.Si leur propre conscience ne les juge pas, je leur souhaite un sommeil vaseux, chaque nuit.

Mesdames et messieurs les haut-dirigeants de la République du Cameroun, le minimum attendu par les familles éplorées et le peuple entier est le respect des morts selon nos traditions, le salut de nos morts dans ce tragique accident du 21 octobre 2016 et l’encouragement de la nation aux survivants.

S’il y a un cœur qui bat à Étoudi, il est temps qu’il effectue un virage à 360 degrés, car le pays va vraiment mal. Le pays va très mal même si plusieurs des têtes pensantes au pouvoir continuent à égrainer des chapelets et chanter des crédos d’État moderne émergeant dans quelques années; dans un futur lointain-proche, en 2035, comme un rendez-vous galant.

S’il y a un cœur qui bat à Étoudi, qu’il sache que ces professions de foi sont mort-nées, sans doute d’ailleurs comme plusieurs projets pourtant nobles, enfouies, déjà, dans les limbes de l’immobilisme et d’amateurisme endémiques désormais communs au Cameroun.

Le pays, notre pays, est en chute continue; il s’enfonce dans les profondeurs au lieu d’émerger et cela fait peur. Nous connaissons surement tous et toutes l’histoire de cet ouvrier qui dégringola dans le vide depuis l’échafaudage d’un gratte-ciel.

Alors qu'il dévalait les étages vers le bas, ses collègues lui posèrent tous la question: «eh toi, tout va bien là-bas?» ; à quoi il répondit : «jusqu'à présent, tout va bien.» S’il y ait un cœur qui bat à Étoudi, il est temps qu’il effectue un virage à 360 degrés s’il ne veut pas que le pays tout entier finisse comme le train 152.

Boulou Ebanda nya B’bedi, Ph.D.

Professeur titulaire et Directeur de recherche

Université d’Ottawa

Auteur: cameroon-info.net