Ce texte et sa thèse sont les produits d’un esprit libre. Un esprit qui ne se met pas dans des cases parce que préoccupé prioritairement par l’amour de la compréhension des phénomènes, le souci de l’explication des choses et la volonté du dévoilement au peuple des logiques sournoises et de domination. Je suis un homme qui fait rarement chorus avec les autres de peur d’être pris dans des comportements et des raisonnements moutonneux.
De là le fait que ce texte est aussi l’expression de quelqu’un qui n’est pas un homme politique et encore moins un politicien en attente de dividendes. Si quelques aspects politiques peuvent m’être accolés, cela ne serait possible que dans le sens d’un citoyen qui s’occupe des choses qui le regarde, des problématiques qui concernent son pays.
Cela dit, je ne pense pas que le chapelet de révélations égrenées au quotidien par Georges Gilbert Baongla soit un ensemble de faits non fondés, un tissu de mensonges. Personne ne les conteste, personne ne porte plainte contre lui pour diffamation, même pas Paul Biya ! Qui ne dit rien consent. C’est plus la vérité des faits que la peur qui explique le silence des cimetières qui auréole ses révélations. Plusieurs figures de la diaspora camerounaise à laquelle j’appartiens pensent même que ces révélations participent d’une œuvre de salubrité publique. Je suis plus prudent qu’elles mais je comprends leur enthousiasme.
En outre, je ne pense pas non plus que ceux qui sont incarcérés au Cameroun pour détournements de deniers publics ne méritent pas de l’être. Je pense, non seulement que j’aurais été encore plus sévère et plus diligent si j’avais été à la place de celui qui sanctionne, mais aussi que ces arrestations ne sont que l’écume d’un mal camerounais plus profond. Mal dont Monsieur Georges Gilbert Baongla, et je vais le démontrer, est aussi une des manifestations. Ce texte n’a donc pas pour objectif de défendre les pilleurs de la richesse camerounaise. Loin s’en faut.
Son but premier n’est ni de dénigrer celui qui s’est présenté aux Camerounais, depuis quelques temps déjà, comme le fils aîné de Paul Biya, ni de défendre ceux qui sont cloués au pilori par sa pestilence dénonciatrice. Je vise mieux que cela. Mon but premier et fondamental est d’éclairer le débat sociopolitique camerounais en répondant à la question de savoir si Georges Gilbert Baongla peut être considéré comme une solution au mal camerounais ou, ce qui est ma thèse, une incarnation par excellence de celui-ci.
Georges Gilbert Baongla ou l’éviction du principe électif par le principe héréditaire
Une fois devenu l’un des hommes les plus médiatiques au Cameroun, Monsieur Georges Gilbert Baongla semble désormais bénéficier d’un statut de justicier auprès de nombreux Camerounais de l’intérieur et de l’extérieur. La population camerounaise, friande à la fois d’informations et du déboulonnage des puissants d’hier, semble dorénavant voir en lui « l’ange de la lumière » capable de sortir le pays de ce que Joseph Conrad appelât le « cœur des ténèbres ». Je m’inscris en faux par rapport à cet avis. Je soutiens qu’il est un des aspects du puzzle de la dégénérescence de la gouvernance du Cameroun.
Le montrer exige de signaler que le Renouveau National se targue d’être un régime démocratique. Il ne rate aucune occasion de présenter Paul Biya comme celui qui a apporté la démocratie au Cameroun. Le Cameroun ne serait même pas n’importe quelle démocratie. Il serait le berceau « d’une démocratie apaisée ».
À mon corps et à mon esprit défendant, je suis prêt à concéder cela au régime de Yaoundé. En retour, je lui demande d’accepter que je tire les conséquences d’une telle qualification. Si le Cameroun est une démocratie, qui plus est apaisée, alors cela entraînerait, entre autres, deux implications directes. La première est que dans une société démocratique, le principe électif remplace le principe généalogique.
C’est l’élection qui, dans un pays démocratique, fonde tous les pouvoirs, l’attribution de tous les mandats à des individus et la délégation des responsabilités à d’autres. Or, même si les informations distillées ici et là par Monsieur Georges Gilbert Baongla ne sont contestées par personne, il faut noter que notre compatriote détient lesdites informations et s’arroge le rôle d’informateur de la société camerounaise sans aucun mandat démocratique. Il détient ces informations et peut les utiliser suivant ses objectifs, uniquement parce qu’il est le fils de Paul Biya. Il bénéficie d’un service de sécurité digne de celui d’un chef d’État parce qu’il est le fils de Paul Biya. Il menace tout le monde et n’a peur de personne parce qu’il est le fils de Paul Biya.
Cette situation est la preuve éclatante que Monsieur Georges Gilbert Baongla, contrairement à d’autres Camerounais, bénéficie de privilèges généalogiques qui évincent ainsi le principe électif qui, si le Cameroun avait été une démocratie, aurait été le principe à la base de toute dévolution du « pouvoir de » et du « pouvoir sur ». Monsieur Georges Gilbert Baongla est donc l’incarnation vivante et contemporaine d’un Cameroun où les privilèges généalogiques, ennemies jurées de la promesse démocratique, font encore la pluie et le beau temps. Qu’il soit animé par une bonne volonté d’assainir le pays des rapaces de la res publica, n’enlève rien à cela car avoir les privilèges qu’il a parce qu’il est « fils de » est contraire à l’idée de république. Et dire que son parti s’appelle les Républicains !
Dans la même veine, il en découle que les Camerounaises et les Camerounais ne sont pas des sujets de droit. Autrement dit, ce n’est pas le droit qui régule nos mœurs, nos vies et nos comportements dans la société camerounaise, mais plutôt les privilèges généalogiques, les trafics d’influence, le clientélisme et les rapports de domination des uns sur les autres. Les Camerounais riches comme pauvres seraient des sujets de droit, c’est-à-dire égaux devant la loi, qu’il serait impossible à Monsieur Georges Gilbert Baongla de faire tant ce qu’il fait, que d’avoir un tel pouvoir informationnel au sein de la société camerounaise. Le fait qu’il en soit effectivement autrement est la preuve éclatante que sous Paul Biya, les Camerounais et les Camerounaises sont, non des sujets de droit, mais des sujets du roi. Ils restent des sujets d’un pouvoir dynastique et clanique que le patriarche partage avec qui il souhaite le faire au sein du clan familial suivant ses objectifs du moment.
Cela étant, il apparait clairement que Monsieur Georges Gilbert Baongla, malgré le caractère véridique des informations qu’il donne, est le résultat et l’incarnation du mal camerounais. Ce dernier prend ici la figure d’une gouvernance de jouissance généalogique et clanique des privilèges du pouvoir. Gouvernance qui met en place un art de gouverner où, la généalogie évinçant le principe électif, et le sujet du roi le sujet de droit, Monsieur Georges Gilbert Baongla et les Camerounais incarcérés pour détournement de deniers publics sont, chacun dans sa catégorie, des maux publics et sociétaux générés par le « Biyaïsme effectif ».
L’asymétrie d’information entre la population camerounaise et Georges Gilbert Baongla
Ce que je viens de dire me permet de mettre en lumière un autre aspect du mal camerounais incarné par Monsieur Georges Gilbert Baongla. Je pense qu’en tant que Camerounais, nous devons être ambitieux pour notre pays. Nous ne devons pas nous satisfaire du fait qu’un compatriote, fût-il fils de Paul Biya, détienne et distribue une information que nous autre Camerounais n’avons pas. Cela est la preuve que nous sommes dans une pure dictature politique, un régime où « la société camerounaise du bas » est dirigée par un monde parallèle mis en place par « la société camerounaise du haut ». À titre d’illustration de l’anomalie qu’est Monsieur Georges Gilbert Baongla, soulignons que ce n’est pas le fils de François Mitterrand, ni celui de Jacques Chirac et encore moins celui de François Hollande qui informe
la France et les Français du contenu des dossiers judicaires de Nicolas Sarkozy, de l’évasion fiscale des responsables politiques français, ou des enquêtes en cours. Une société démocratique prévoit des structures, des institutions et des autorités chargées de le faire au moment opportun grâce à la séparation des pouvoirs. Une presse libre peut aussi le faire via un travail préalable d’investigation. C’est comme cela que s’exerce le devoir d’informer les citoyens afin de servir le droit qu’on les citoyens de l’être. Rien de tout cela n’existe au Cameroun.
Où est la parole de la police camerounaise ? Où est la parole des juges camerounais ? Où est la parole des avocats camerounais ? Où est la parole de la Justice camerounaise ? Où est la parole des incarcérés ? À la place de toutes ces paroles autorisées pour parler des affaires d’utilité publique, c’est un individu, qui, parce que fils du président, parle. C’est lui, qui, parce que fils de président, détient les informations d’utilité publique et sociétale. C’est donc Monsieur Georges Gilbert Baongla qui fait le temps judiciaire au Cameroun là où une justice autonome devrait être maîtresse de son temps. Monsieur Georges Gilbert Baongla ne transforme pas seulement le principe électif en paillasson, il rend aussi le rythme judiciaire captif des intérêts généalogiques et primordialistes dont il est un maillon naturel.
Je pense, outre cet aspect, qu’un problème politique majeur se pose aussi. Étant donné que nul autre Camerounais du peuple ne possède les informations à sa disposition, Monsieur Georges Gilbert Baongla est non seulement le prototype d’un délit d’initié de nature politique, mais aussi la manifestation d’une asymétrie d’information criarde entre lui et la société camerounaise. Cela est à la fois un non-respect des droits des citoyens à une information libre, mais aussi un acte anti-démocratique en pleine année d’élection présidentielle. Monsieur Georges Gilbert Baongla est en effet un homme politique. Aller aux élections contre d’autres Camerounais en jouissant d’un tel monopole informationnel, n’est pas acceptable dans un pays normal, étant donné qu’il connait sur le Cameroun et ses concurrents ce que les autres n’en savent pas. Or, l’information étant du pur pouvoir, Monsieur Georges Gilbert Baongla détient sur les Camerounais et ses concurrents politiques un pouvoir qui fausserait toute élection à laquelle il viendrait à participer. La problématique d’un délit d’initié politique est donc à mettre sur la table au Cameroun. Elle s’ajoute à celle d’Élecam et du code électoral.
La privatisation de l’espace public camerounais par Georges Gilbert Baongla
Continuons. Monsieur Georges Gilbert Baongla incarne un autre problème du mal camerounais. Je ne pense pas que celui-là soit moins fondamental que ceux déjà évoqués. C’est celui de la privatisation de l’espace public camerounais. L’espace public d’un pays est l’endroit où nous apprenons à vivre ensemble. Tout citoyen a le droit d’y prendre part afin de construire l’opinion publique de peur que celle-ci ne soit que celle des autres, les forts. Avec Monsieur Georges Gilbert Baongla, l’espace public camerounais n’est plus un espace public. Il devient un espace privé où se règlent les conflits au sein de la famille Biya, entre Biya et ses anciens collaborateurs, entre Monsieur Georges Gilbert Baongla et certaines élites. Les problématiques de « fils adultérin du président », de « seul fils authentique » ou « de Franck Biya fils adoptif de Paul Biya» ne concernent en rien le quotidien pénible des Camerounais.
Ceux-ci s’en fichent comme de leur première culotte ! Ce sont des problèmes privées qui polluent et envahissent l’espace public national en le transformant en arène d’une justice expéditive au service de l’influence de Monsieur Georges Gilbert Baongla. Qu’est-ce que cela change à la misère quotidienne des Camerounais de savoir que Franck Biya n’est pas le fils biologique de Paul Biya ? Qu’est-ce que cela change à la souffrance chronique d’un peuple de savoir que c’est Monsieur Georges Gilbert Baongla le vrai fils aîné de Paul Biya ? Absolument rien !
Une telle communication, une telle mise en scène des problèmes familiaux sur l’espace public camerounais, constitue une entrée par effraction du généalogique dans un espace qui devrait être impersonnel pour servir tout le monde. C’est une preuve supplémentaire que le régime camerounais est une dictature profonde car la manifestation d’une dictature politique est aussi l’incursion permanente et intempestive de la vie privée des « maîtres et de leurs familles » sur l’espace public. Aucun Camerounais ne devrait avoir le droit et encore moins le pouvoir de faire de l’espace public un dispositif d’autopromotion et de régulation des conflictualités intimes et généalogiques.
Le président n’est pas au courant mais Georges Gilbert Baongla est au courant
Monsieur Georges Gilbert Baongla ne se contente pas de distiller des informations, de donner de bons et de mauvais points ou de régler ses comptes avec ses anciens amis ou ses adversaires. Il diffuse aussi une petite musique politique en filigrane. Celle-ci revient à dire que le président Paul Biya n’est pas au courant des malversations à la tête de l’État. Il serait donc victime de responsables inconséquents, parvenus et peu crédibles.
Il est cependant fort interpellant de se rendre compte que Georges Gilbert Baongla lui est au courant quand le président camerounais ne serait pas au courant des abus de pouvoir sur les populations au Cameroun. Je dois noter ici que cela ne peut en aucun cas dédouaner son père de président de sa totale responsabilité sur ce qui se passe au Cameroun.
Premièrement, si Paul Biya n’est pas au courant des malversations et des abus de pouvoir alors qu’il dirige le Cameroun depuis trente-cinq ans, cela est la preuve que le Cameroun est désormais généré comme la cours du roi Pétaud parce que nous avons un président totalement incompétent, donc responsable de la situation d’un pays qui « perd la boule ».
Deuxièmement, s’il est au courant depuis toujours mais a attendu que son avenir politique soit derrière lui pour agir, alors il est toujours totalement responsable de la putréfaction morale et éthique du pays. Comment des individus sont ministre pendant 30 - 35 ans ?
Le zénith de la petite musique politique que distille Georges Gilbert Baongla est qu’il tente d’installer dans l’opinion publique le fait que Paul Biya serait celui qui sauve la société camerounaise des pilleurs de l’État. Cela est impossible tout simplement parce qu’il est au pouvoir depuis 1982 et que le pouvoir est productif. C’est-à-dire que le pouvoir produit des choses, des hommes et une morale publique particulière.
Les faits traités par l’Opération Épervier sont par conséquent des produits authentiques du « Biyaïsme effectif ». Le tour de force politique que veut réaliser Georges Gilbert Baongla est donc de vouloir transformer la gestion des déficits politiques réels du « Biyaïsme effectif » qu’est l’Opération Épervier, en arguments moraux et éthiques pour garder le pouvoir dans le clan présidentiel. Comme le dit très souvent son Président de père, le peuple n’est pas dupe !
Il n’est pas dupe même si la même petite musique commence à s’entendre du côté de Pascal Nouma du CCT où l’autoglorification et le soutien à un Paul Biya qui ferait du bon travail, pointe le bout de leur nez. Je tiens à rappeler à l’un et à l’autre que si être au pouvoir veut encore dire quelque chose, il est impossible, logiquement et politiquement, que Paul Biya soit uniquement victime des incartades et turpitudes de ses serviteurs. Ce que vit le pays est le résultat de sa gouvernance, cela fonde sa totale responsabilité en tant que leader du système en place même si chaque individu du système a aussi une responsabilité individuelle à assumer.
Il y avait des privilégiés du temps d’Ahmadou Ahidjo mais il n’y avait rien de semblable, pas un tel niveau de pillage du pays. Il y avait l’équilibre régional sous Ahidjo, mais pas ce niveau de vénalité morbide. Pourquoi attendre trente années après avoir dit qu’il n’y avait aucune preuve du pillage de l’État que dénonçaient les Camerounais de la rue depuis les années 1990 ?
Alors Monsieur Georges Gilbert Baongla portefaix du peuple camerounais ou escabeau pour la reconquête généalogique du pouvoir ? Je vous ai présenté ma thèse. Vous êtes libres de vous faire la vôtre.