Opinions

Actualités

Sport

Business

Culture

TV / Radio

Afrique

Pays

Jours de terreur, jours de ferveur

Opinion Icon1 Feature

Sat, 25 Jul 2015 Source: Marie-Claire Nnana

Le Cameroun vient, une fois encore, d’être frappé au cœur. Après Fotokol, voici Maroua ensanglantée par un double attentat kamikaze perpétré dans un marché, lieu de brassage populaire s’il en est. Une fois encore, une fois de trop, c’est le règne du chagrin, des larmes, de la peur, du désarroi, de l’incompréhension. Et surtout des morts innocents. Une boucherie inutile, insensée, absurde.

Passé le temps de la stupeur, il nous faut tout de même sortir de la torpeur, réfléchir, et réagir.Au soir du double attentat de Maroua, le site Internet du journal Le Monde, relayé par la chaîne publique de télévision française France 24, se gaussait des « fragilités du Cameroun », et s’interrogeait sur la capacité de notre pays à faire face à la menace terroriste, avec l’air d’avoir déjà la réponse...

Eh bien, comme cela a peut-être échappé à nos confrères, ce n’est pas le Cameroun, mais le monde entier qui est aujourd’hui fragilisé par le péril djihadiste.

De la Turquie à la France, en passant par la Belgique, les Etats-Unis, l’Irak, l’Egypte, l’Algérie, la Tunisie, la Libye, le Mali…. Quant à nous, face à la fureur des extrémistes, nous avons la détermination de nos dirigeants, le savoir-faire de notre armée, qui a affronté seule Bokom Haram pendant huit mois, et aussi la foi et la ferveur de nos populations qui avancent la tête haute, confiantes en l’avenir, malgré les blessures. Car c’est vrai, le premier constat qui se dégage de cette longue nuit de la terreur que nous traversons, c’est que l’union sacrée est toujours aussi réelle, d’un bout à l’autre du triangle national.

Les réactions des Camerounais à ces crimes barbares sont sans équivoque et tiennent en deux mots : condamnation ferme et soutien au chef de l’Etat et au gouvernement dans la croisade contre les soi-disant djihadistes de Boko Haram. Tous les moyens sont bons pour crier leur dégoût et leur rejet de cette violence aveugle : les médias, les réseaux sociaux, les meetings politiques, les chansons.

Par ailleurs, on ne compte plus le nombre de prières et de célébrations organisées dans les mosquées, les églises, les temples et les monastères. Mais la démonstration la plus marquante de fraternité et de solidarité est sans conteste la récente collecte de dons en espèces et en nature initiée spontanément par les Camerounais, riches et pauvres, croyants et athées, jeunes et vieux, bref par tout un peuple, pour venir en aide aux soldats engagés au front, aux dizaines de milliers de déplacés et aux réfugiés.

2 milliards de francs et des centaines de tonnes de vivres et de matériel ont ainsi été rassemblés et acheminés dans les zones sinistrées. Et puis il y a eu l’élan de générosité des diplomates accrédités au Cameroun, et celui des communautés expatriées.

Le moins qu’on puisse dire, c’est que le gouvernement et les populations victimes de Boko Haram sont entourés d’une véritable chaîne de solidarité et de soutien, comme jamais auparavant, signe que la citoyenneté et le sentiment d’appartenance s’enracinent, sur ces ruines ensanglantées mêmes. Le second constat est que la guerre classique est peut-être finie… N’y voyez pas un trait d’humour noir particulièrement cynique, mais l’analyse des changements tactiques de Boko Haram, acculé sur le front de la guerre conventionnelle, et obligé de réinventer les moyens d’inoculer son venin.

En d’autres termes, depuis quelques semaines, du Niger au Tchad, en passant par le Nigeria et le Cameroun, les observateurs auront bien noté que du côté des djihadistes, les expéditions motorisées au son des chars dans le désert sahélien ont été remplacées par des tirs de roquette, des bombes humaines, mettant le plus souvent en scène, comble de l’horreur, des femmes et des fillettes voilées.

Du coup, si le combat tourne à la guérilla urbaine, à travers des actions sporadiques d’éclat, destinées à semer le doute et la panique dans la population, on peut en conclure qu’entre le monde civilisé et les soi-disant fous de Dieu, c’est une autre guerre qui commence.

Parce que les chars, les drones, les canons, les radars, et les milliers de soldats enrôlés ne seront jamais suffisants pour anéantir un ennemi fantomatique et aussi changeant. Le dernier constat, c’est que les plus hautes autorités de l’Etat ont pris la mesure du caractère mouvant de cette menace, raison pour laquelle le président de la République, tout en rassurant les populations, dans sa prompte réaction, les exhorte à la vigilance et à la collaboration. Vigilance. Collaboration. Deux notions essentielles dans ce que les spécialistes appellent « la guerre asymétrique ». La vigilance est de l’ordre de la prévention.

Elle suppose néanmoins l’organisation de campagnes d’éducation, de formation et d’information à l’endroit des citoyens, des associations, des leaders sociaux. Quant à la collaboration populaire, c’est le nœud de toute stratégie d’éradication du terrorisme. Elle implique l’attachement de tous à la valeur suprême qu’est la patrie, et la confiance entre les dirigeants et la communauté. Il faut donc travailler à raffermir cette confiance. Sans douter un seul instant de l’issue de la guerre que notre pays mène contre les barbares, et peut-être précisément parce que nous croyons à la victoire finale, nous devons nous persuader que celle-ci dépend en partie de chacun de nous. Rester attentifs aux comportements, à l’environnement, et renseigner les autorités compétentes, c’est un devoir citoyen auquel nul ne peut se soustraire.

Quid des autorités ? Tout en déployant l’arsenal militaro-judiciaire contre nos ennemis, et tout en lançant les nombreux projets de développement qu’elles ont initiés si heureusement pour cette région, elles doivent aussi avoir à cœur d’éduquer aux valeurs républicaines et à l’endurance une jeunesse tentée par le désespoir. Au besoin en utilisant les associations et les leaders sociaux.

En ces jours de terreur, sachons cultiver la confiance en nous-mêmes et la ferveur du vivre ensemble. Dans la guerre nouvelle que nous livre Boko Haram, chacun est responsable de son frère, dans la mesure où la vigilance individuelle et collective sauvera des vies, de précieuses vies d’innocents. Et l’Etat, qui a pris des mesures énergiques pour en finir avec cette secte, veille sur tous.

Auteur: Marie-Claire Nnana