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Ne dure pas au pouvoir qui veut

Tue, 11 Aug 2015 Source: Dieudonné Mveng

Les déclarations des grands hommes politiques doivent toujours faire l’objet d’une analyse décalée, et non d’un jugement précipité. Au-delà des sarcasmes de mauvaise foi, voire d’une lecture au premier degré, quelques réflexions fortes et récentes de Paul Biya méritent d’être revisitées pour en saisir la réelle pertinence.

Lors du toast en l’honneur de François Hollande, en visite d’État le 3 juillet à Yaoundé, l’homme a ainsi indiqué, s’agissant des rapports entre le Cameroun et la France : «L'histoire et mon expérience des rapports entre les hommes et les États m'ont enseigné qu'entre les amis, ce qui compte le plus, ce n'est pas le temps qu'on passe ensemble.

Ce qui compte le plus, c'est, je le pense profondément, le respect qu'on se porte mutuellement, la qualité, la profondeur, la sincérité et la richesse des liens.»

Paul Biya a ainsi sacralisé la notion de respect mutuel. Cette donnée, qui induit l’honnêteté et la considération que se portent les uns et les autres, est en effet aujourd’hui mise à mal par toutes sortes de dérives dans un monde qui se transforme un peu plus chaque jour en champ de bataille(s). En cause, l’hypocrisie, l’ingérence et des intérêts bassement machiavéliques de plusieurs dirigeants de la planète.

Un exemple, un seul, suffit pour se faire une idée de l’ampleur des désastres générés par le manque de respect mutuel : la Libye, devenue un territoire ingérable où règne la mort et la désolation. En mars 2011, l’alors président français Nicolas Sarkozy, apparemment bille en tête et voulant manifestement «se rattraper» sur la Révolution arabe, engage l'armée française pour renverser Mouammar Kadhafi.

Il n’a aucun respect pour le peuple, et est surtout soucieux d’éliminer celui qui, selon une information judiciaire ouverte contre lui pour «corruption active et passive», «trafic d'influence», «faux et usage de faux», «abus de biens sociaux», «blanchiment, complicité et recel de ces délits», aurait financé sa campagne électorale de 2007.

«Il faut que Sarkozy rende l'argent qu'il a accepté de la Libye pour financer sa campagne électorale», exigera plus tard un des fils du leader libyen. Las ! M. Sarkozy restera, dans l’histoire de la France, comme ce va-t-en-guerre dont les calculs égoïstes font si mal à la notoriété de son pays en particulier, et au monde moderne en général.

La guerre en Libye, avec son lot de factions et héritage au monde du machiavélisme de Nicolas Sarkozy, déborde actuellement dans le sol camerounais et ouest-africain, voire au-delà à travers les terroristes de Boko Haram d’Aqmi et autres mouvements de terreur, dont il est prouvé qu’une bonne partie de l’armement provient des ruines de Syrte, Benghazi ou encore de Tripoli. Dans la foulée de la visite de François Hollande au Cameroun, et répondant à une question de Gérard Grizbec (France 2) relative à sa longévité aux affaires, Paul Biya dira : « (…) ne dure pas au pouvoir qui veut, mais dure qui peut. Je ferai une deuxième observation.

C’est que, je ne suis pas à la tête de l’État par la force. Je n’ai pas acquis le pouvoir de manière dictatoriale. J’ai toujours été élu par le peuple et en ce moment je suis en train de terminer un mandat qui m’a été donné par le peuple.»

Dans un premier temps, cette autre sortie déclenchera l’indignation chez certains observateurs. A la réflexion, et pour rester dans le cas Sarkozy, «dégagé» après un seul quinquennat, peut-on dire que le fait de n’avoir pas duré au pouvoir l’a rendu à la fois sage, compétent et respectueux des aspirations des autres peuples ?

On peut en douter lourdement. S’agissant de son successeur, en poste depuis 2012 seulement et aujourd’hui au plus bas dans les sondages, rien n’indique que de n’avoir pas passé des siècles à la tête de la France en a fait un modèle en matière de réformes ou de mieux-être de ses compatriotes.

Auteur: Dieudonné Mveng