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Lutte contre Boko Haram : Ce qui n’a pas marché

Mar., 8 Sept. 2015 Source: Aziz Salatou

Le décompte macabre se poursuit, implacable. Les sources les plus optimistes dénombrent plus de 30 morts et des dizaines de blessés. Quatre jours après le double attentat kamikaze de jeudi dernier, l’on apprend qu’on a frôlé une catastrophe encore plus grande.

Il a fallu la vigilance de Al hadji Abbo un habitant de Kerawa, qui, ce jour là, n’a pas reconnu un homme dans la foule débandée qui courait trouver refuge à l’infirmerie du Bir (à 400m du village ndlr). C’était 200 m avant la construction militaire. Il s’est arrêté et s’est écrié « c’est un Boko haram, il n’est pas du village ». Le sergent Abba du Bir a alors réagi promptement. Il a épaulé son fusil et a ordonné au suspect de s’arrêter.

La foule s’est quelque peu éloignée de l’interpellé mais, pas assez vite pour éviter le drame. Le kamikaze avait déjà eu le temps de déclencher la charge qu’il portait. Mais, il n’y a pas que le plan du terroriste qui n’ait pas marché. Au lendemain des précédents attentats de Fotokol et de Maroua, les autorités camerounaises ont pris une fournée de mesures.

Il y a eu la restriction de la circulation dans la région, des rafles, les contrôles d’identité parfois au faciès, des fouilles au corps, le refoulement de certains étrangers dans des conditions extrêmes, l’interdiction de certains accoutrements dont la Burqa, l’intensification des barrages(check point), la fermeture des bars, la lutte contre le commerce ambulant…

Une charrette de mesures qui peut être a connu quelque bonheur… Mais, le drame de Kerawa est venu démontrer les limites de ces mesures qu’un militaire qualifie de « mesures passives ». Kerawa, en réalité fait partie d’un chapelet de villages sur la frontière. Il est situé à 12 km de Kolofata, l’arrondissement auquel il appartient.

Dans la même enfilade de ces petits villages frontaliers il y a aussi Cherif –Mouchari , Gachiga… En fait de petits villages on les dits tels par la taille mais, la population y est très dense. Ils sont peuplés de Kanouris principalement et de Mafa. Les villageois làbas outre la langue et la parenté, partagent bien d’affinités avec les membres de la secte.

Ils ont en réalité la même culture et les mêmes influences. Depuis le mois d’aout 2014, les habitants de ces endroits font face directement à un territoire qui sert de base d’organisation à la secte. Le gros des terroristes s’est certes mis hors de la portée de tir des militaires camerounais mais, les officiels nigérians n’ont pas réoccupé la souveraineté sur cette parcelle de leur territoire.

Kerawa était un village jusqu’à ce que de nombreux tracés de frontières n’arrêtent d’ériger une frontière matérialisée par une rivière. Le marché où a eu lieu le drame de jeudi est situé à une centaine de mettre du pont-frontière qui la traverse. Le marché de Kerawa est la plaque tournante régionale du négoce de l’essence de contrebande (zouazoua).

On accourt de toute la région et même de plus loin pour acheter le précieux liquide à des prix défiant l’entendement. Malgré les dangers sécuritaires que pose la proximité des Boko haram, les autorités camerounaises n’ont pas cru bon de déplacer ce marché que fréquentent les populations des deux côtés de la frontière dont beaucoup sont acquises aux idéaux fondamentalistes de la secte. L’érection d’une zone tampon avait été proposée par les militaires.

Elle devait permettre le filtrage des personnes qui traversent une frontière qu’on n’a jamais voulu véritablement fermer. Cela ne s’est pas fait ou est en cours d’ étude. Mais, ce qui est le plus urgent est l’installation d’appareils de détection d’explosifs (renifleurs Ndlr) ou de métaux lourds à des points de passage névralgiques comme ce pont.

Rien de tel n’a été fait. Mais, selon de nombreux spécialistes, les attentats de Kerawa sont d’abord le fait d’un faible rétablissement de l’Etat. Ces zones frontalières auraient selon eux, dû être déclarées zones rouge interdites de passage. Surtout que, les auxiliaires de l’administration (chefs de blocs, de quartiers ou de villages), s’ils existent n’ont pas beaucoup d’autorité sur les populations.

Les élus locaux, les conseillers municipaux sont inaudibles ou ne maîtrisent pas des pans entiers de la vie de leurs électeurs. Les marchés sont créés sans aucun contrôle…Un faisceau de manquements que Boko haram sait exploiter d’autant que ses membres connaissent la région comme la paume de leur main.

Auteur: Aziz Salatou