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FECAFOOT : On prend les mêmes et on recommence

Footballfan.jpeg Photo d'archive utilisée juste a titre d'illustration

Thu, 1 Oct 2015 Source: Nadine Bella

Des visages que l’on soupçonne depuis plus d’une décennie de conduire le football camerounais dans l’abîme sont maintenus aux affaires. 26 mois de normalisation pour rien. Des milliards en fumée. Des reports inutiles…

Iya Mohammed, l’empêcheur de tourner en rond étant désormais au frais à la prison centrale de Yaoundé, la descente aux enfers du football camerounais peut se poursuivre inexorablement. Ces fossoyeurs qui hier, ont tout fait pour pousser l’ancien président de la Fecafoot au gnouf, ont à nouveau le champ libre et vont continuer à piller les caisses de la fédé.

Le nouveau bureau exécutif, avec comme président Sidiki Tombi à Roko, Alioum Alhadji 1er vice-président, Mbella Moki 2e vice, Luc Koa 3e vice et Pierre Batamack comme 4e vice-président, a officiellement pris ses fonctions hier mercredi 30 septembre 2015. Au cours de la cérémonie de passation de service à l’immeuble siège au quartier Tsinga, l’ancien secrétaire général a reçu des mains du désormais ancien président du comité de normalisation, Joseph Owona, les clés de la maison qu’il doit diriger pour les quatre années à venir.

Avec 59 voix pour contre 2 pour son challenger Robert Atah, Sidiki Tombi à Roko, 15e président du comité exécutif de l’instance faîtière du football camerounais a été élu deux jours avant, au cours d’une assemblée générale élective, tenue au Mont Febe.

Le sacre du 28 septembre 2015 intervient au terme d’un processus électoral qui aura duré deux ans. Un processus électoral qui, au fil du temps, a pris les relents d’un feuilleton digne d’un polar américain, avec son lot d’intrigues, de conciliabules, d’alliances, de trahisons, de messes basses, de guerres entre réseaux, de manipulation… Mais qui paradoxalement, n’a fait que faire revenir au-devant de la scène, ces mêmes personnes qui gèrent le football dans l’anarchie totale depuis plus d’une décennie.

Au bout du compte, l’on se demande ce qui va fondamentalement changer car, les mêmes visages que l’on soupçonnait depuis des lustres de conduire le football camerounais dans l’abîme reviennent aux affaires ? A quoi aura servi les 26 mois de normalisation si au finish, ces personnes tant critiquées hier reviennent dans la maison ? À quoi auront servi les multiples reports de l’élection et surtout tous les milliards dépensés pour assainir le milieu ?

Dictée préparée, copier-coller, reconduction de la mafia, nomination de Tombi à Roko… l’assemblée générale élective de la Fédération camerounaise de football (Fecafoot) du 28 septembre a été traitée de tous les noms, surtout pas élogieux. En effet, c’est sans grande surprise que l’ancien secrétaire général a été porté à la tête du comité exécutif de l’instance faîtière du football camerounais. Pour ceux qui suivent de près l’actualité sportive, sa victoire était inéluctable et assurée.

700 millions pour une mascarade de 4h de temps

Il est pratiquement 8h ce lundi 28 septembre, lorsque les délégués conviés à l’Assemblée générale élective de la Fecafoot commencent à arriver sur les hauteurs du Mont Febe. Les entrées sont minutieusement filtrées. La presse attend impatiemment.

Première étape, enregistrement des différents délégués au check-point aménagé au hall de l’hôtel. Passé cette étape, l’on se regroupe en petit comité entre dirigeants du football Cameroun. Ça discute beaucoup. L’ambiance est bon enfant. L’on s’adresse de petits sourires. Peu après 10h, les deux candidats à l’élection fédérale font leur apparition. C’est d’abord Robert Atah Behazah qui s’annonce.

Arborant une veste de couleur claire, l’homme est décontracté et se livre même à quelques interviews. Quant à son adversaire, Sidiki Tombi à Roko, il se veut un tout petit discret. Seuls les membres de sa liste affichent fièrement leur présence. Mais au fur et à mesure que le temps avance, la pression augmente aussi. Les visages se crispent. L’heure de vérité approche.

11h, le président du comité de normalisation de la Fecafoot, Joseph Owona, fait son entrée au pas de course. Il s’engouf-fre immédiatement au Salon Mfoundi où l’élection fédérale doit se tenir. Il est suivi quelques minutes après par les membres de la com-mission électorale. Les émissaires de la Fédération internationale de football et association (Fifa) et de la Confédération africaine de football (Caf) sont également là.

Puis, les choses s’accélèrent. Les délégués gagnent la salle. La presse n’a le temps que de faire quelques clichés pendant que l’on procède à la lecture du récépissé de déclaration de manifestation. Dans la même foulée, on fait l’appel des candidats. «Le quorum est largement atteint», annonce le Pr Joseph Owona. Il poursuit «73 délégués sont présent, sur les 76 attendus». Les travaux peuvent se poursuivre en huis clos.

Les hommes de médias sont priés de vider les lieux. Il est à peine 11h 30. Mais une curiosité se dégage toute de même. Contrairement aux précédentes élections fédérales où tous les délégués répondaient toujours présent, cette fois, on a quand même enregistré trois absents.

Aux environs de 13h, alors que l’Assemblée générale élective se déroule encore à huis clos, la nouvelle circule déjà dans le hall de l’Hôtel: Tombi à Roko est vainqueur. On lance même des youyous. Ce n’est donc pas la grande effervescence lorsque la porte du Salon Mfoundi s’ouvre vers 13h20 pour laisser sortir les délégués. Néanmoins, le président élu sera très acclamé à son apparition. Il est encadré par une haie de pandores. Avec 59 voix sur 73, il a largement devancé Robert Atah qui n’a obtenu que 2 voix. On dénombre 8 bulletins nuls et 4 abstentions.

Tout de suite après, d’autres tractations sont entamées entre membres du nouveau comité exécutif nouvellement élu. Il s’agit de constituer le nouveau bureau devant accompagner Tombi à Roko dans la gestion du football camerounais. Le conciliabule dure plus d’une heure. Il en ressort que Alioum Alhadji est le 1er vice-président, Mbella Moki 2e vice, Luc Koa 3e vice et Pierre Batamack est 4e vice-président. Tous des visages bien connus du paysage sportif camerounais et considérés comme des prébendiers.

Selon des informations parvenues à La Météo, l’organisation des élections à la Fecafoot aura couté 700 millions Fcfa. D’ailleurs, de lourds soupçons de corruption pèsent sur certains membres du collège électoral, au point où le président de la Ligue de football professionnel Pierre Semengue a parfois menacé de «saisir le procureur de la République».

Et si la Primature était au centre de la mafia ?

Selon des informations parvenues à La Météo, c’est à l’immeuble Etoile que s’est jouée l’Assemblée générale élective de la Fecafoot. Selon des sources concordantes, le Secrétaire général des services du Premier ministre, Louis-Paul Motaze aurait été la cheville ouvrière de la liste consensuelle qui a été portée à la tête de l’instance faîtière du football camerounais.

Les mêmes indiscrétions rapportent que l’ancien ministre de l’Economie du Plan et de l’Aménagement du territoire, à qui le ministre des Sports et de l’Education physique, Fernand Adoum Garoua, rend compte de la gestion du foot, aurait lui-même constitué le nouveau bureau exécutif. C’est lui qui aurait décidé du retour aux affaires de ceux-là même qui ont pillé pendant longtemps le football.

Il est en effet difficile de comprendre comment la bande à David Mayebi, Antoine Essomba Eyenga, Alioum Aladji, Samuel Wembe et Francis Mveng…, que les Camerounais considèrent comme les principaux fossoyeurs du football camerounais de ces dix dernières années, ont fait volte-face pour se rallier à Sidiki Tombi A Roko qu’ils ont traité de tous les noms d’oiseaux. Ils ont, maintes fois, accusé le secrétaire général sortant de la Fecafoot, de détournements de fonds. Difficile de répondre à ces questions.

Tout comme il n’est pas facile de comprendre ce qui a bien pu se passer et motivé le retrait du passeport de Tombi à Roko par le Délégué général à la sureté nationale (Dgsn) Martin Mbarga Nguélé, puis sa convocation plusieurs fois devant le Tribunal criminel spécial (Tcs), compétent en matière de détournements de deniers publics dont le montant est supérieur ou égal à 50 millions Fcfa.

In fini, l’on s’accorde à reconnaitre dans certains salons huppés de la capitale que ce sont les pouvoirs publics qui ont organisé la mascarade du 28 septembre. Robert Atah Behazah n’aura donc servi que de caution au plébiscite programmé de la bande à Tombi. Comme lors du scrutin annulé le 25 février 2015, après un premier renvoi intervenu le 29 novembre 2014, Robert Atah, sans véritable conviction, a challengé Tombi A Roko Sidiki, au poste de président de la Fecafoot.

Brigitte Mebande, Robert Penne, Céline Eko Mendomo, Jules Nyongha, autres candidats, ayant été recalés par la commission électorale le 23 septembre pour manque de parrainages ou non-paiement de la caution exigée. Pour sa part, l’ancien gardien de but des Lions indomptables, Joseph Antoine Bell, a refusé de déposer un nouveau dossier.

Portraits : Les sales gosses de la Fecafoot

On les croyait à jamais hors-jeu. Pourtant, au terme du processus électoral, plusieurs personnes donc l’image a été écornée dans des scandales ont encore été plébiscitées pour diriger la Fédération camerounaise de football durant les quatre prochaines ans.

Sidiki Tombi à Roko, un personnage énigmatique

Son mentor Iya Mohammed mis aux arrêts, il a le devoir de protéger le système, d’en assurer la survivance. L’arrivée de Joseph Owona ne sera pas une menace de longue durée. L’ancien ministre des Sports devient même l’avocat le plus irréductible du secrétaire général de la Fecafoot, à qui il trouve beaucoup de vertus et de mérite. Il le considère dorénavant comme indispensable au bon fonctionnement de la fédé. C’est malheureusement un homme sur lequel pèsent de graves soupçons de corruption et de pillage des ressources du football camerounais.

En effet, Bouba Ngomna ancien présentateur de «Sports on The Hertz» sur Radio Tiémeni Siantou (Rts), Ernest Obama journaliste de la chaîne de télévision Vision 4 et Théophile Awana, directeur de publication de Chrono sport, ont révélé le 25 septembre 2010 que Tombi à Roko Sidiki avait détourné 30.000 euro (20 millions de Fcfa environ), issus de l’organisation du match amical Cameroun - Italie à Monaco, le 3 mars 2010, du transfert de Stéphane Mbia et de l’acquisition d’un véhicule de service.

Le journaliste de Chrono Sports était même allé jusqu'à affirmer que Tombi A Roko Sidiki était responsable de la plupart des transferts frauduleux de joueurs à la Fecafoot. C'est donc tout ceci qui a poussé M. Tombi à Roko à déposer une plainte à la Direction de la police judiciaire à Yaoundé. Dans les milieux du football depuis 1978, il a été footballeur amateur, président de club, trésorier de la ligue régionale du Littoral, 1er vice-président de ladite ligue, président par intérim, membre et ensuite président de la Commission des arbitres, membre du Comité exécutif de la Fecafoot et pendant près de cinq ans, secrétaire général de la fédération.

Pierre Batamak, le scandale du football jeune

L’actuel 3e vice-président de la Fecafoot a pourtant un profil de hors-la loi. En effet, de réels soupçons de détournement de fonds pèsent sur lui. En 2006, il avait été accusé d’avoir distrait 71 millions de Fcfa destinés au fonctionnement de la commission de football jeunes dont il était le président, selon les résultats d’un audit rendu public par le cabinet Bekolo Partners, à la demande de la Fecafoot. En 2013, pendant la bataille électorale à la Fecafoot, Pierre Batamak a été humilié par Marlène Emvoutou, présidente de la ligue de football du Sud.

Celle-ci affirmait mordicus qu’il avait reçu ses pots de vin, comme tous les membres de l'Assemblée générale élective de la Fecafoot, contre leurs votes lors du scrutin tenu le 19 juin 2013 à Yaoundé. Il aurait ainsi perçu 2 millions de FCFA. Marlène Emvoutou avait ensuite nié, affirmant que son compte facebook, sur lequel elle avait précisé les différents montants perçus par tous les membres de l’Ag de la Fecafoot, avait été «piraté».

Néanmoins, l’image de M. Batamak reste écornée. Cet ancien employé de laverie automobile est également poursuivi par le secrétariat d'Etat à la Défense pour «détention illégale d'arme à feu», à la suite des incidents de Pouma où, au cours d'un match organisé sans aucune autorisation en 2013, des échauffourées avaient éclaté entre les membres de la ligue régionale du football du Littoral.

David Mayebi, au cœur de plusieurs affaires de détournement

Il était devenu l’un des maillons essentiels du comité exécutif de la Fédération camerounaise de football entre 2000 et 2010. Mais, ses rapports se sont considérablement dégradés avec l’ancien président Iya Mohammed. Ce dernier, qui aimait le travail bien fait, ne supportait plus ses écarts de comportements et sa mauvaise renommée. David Mayebi a finalement été révoqué en 2012 de toute activité au sein de la Fecafoot avec effet immédiat pour insubordination caractérisée et propos injurieux à l’encontre de la Fecafoot, de son président et de ses dirigeants.

De plus, en application de l'article 16 des statuts de la Fécafoot, l'Association des footballeurs du Cameroun (Afc) dont il était alors le Président a été exclue de la Fecafoot pour violations graves et répétées de ses obligations prévues à l'article 15 alinéa 1. Comme pour conforter ses allégations, un rapport de la Police judiciaire transmis au vice-Premier Ministre en charge de la Justice par les soins du Procureur général près la Cour d'Appel du Centre, M. Jean-Pierre Mvondo Evezo’o révèle un trou de plus de trois milliards de Fcfa dans les comptes de la Fécafoot entre 2000 et 2004.

Le Procureur note que «les nommés Mayebi David, Alioum Alhadji, et Jombi Doff sont susceptibles d'être poursuivis pour détournement de deniers publics et complicité». En plus, Mayebi aurait empoché plus de 143 millions de Fcfa chaque année versés par la Fifpro durant 7 ans, soit près d'un milliard de Fcfa.

Francis Mveng, de la pharmacie au football

Il a relégué au second plan sa profession de base, notamment la pharmacie, pour consacrer l'essentiel de son temps au football, activité très lucrative. Et, en bon profane, il ne manque pas l'occasion de couvrir d'injures et de propos diffamatoires les journalistes dont le seul crime est souvent d'enquêter sur la gestion des retombées des compétitions internationales et des partenariats avec diverses entreprises (Pmuc, Orange, Mtn, Brasseries du Cameroun) et l'équipementier Puma.

Francis Mveng, selon des informations puisées au cœur de la Fécafoot, se trouve à la tête d'un véritable empire financier, qu’il a pris soin de bâtir, non pas avec les revenus de la pharmacie, mais des nombreuses missions effectuées à l'étranger, de la gestion des compétitions locales, Mtn Elite one, Mtn Elite two et football féminin.

Alioum Alhadji, le Sénateur sauvé par le consensus

L’ancien trésorier de la Fecafoot et Sénateur du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) du Diamaré a réussi son retour à Tsinga où il va occuper le poste de 1er vice-président. Sans base électorale, il doit cette ascension au consensus imposé par la Primature. Figure de proue de la faction dissidente dans les négociations pour une sortie de crise à la Fecafoot (il a mobilisé de nombreux membres de l’Ag pour les amener à voter contre ces nouveaux textes et ainsi paralyser le processus), le Sénateur Alioum Alhadji a contre toute attente changé d’avis lors du point de presse qui a suivi l’Assemblée générale d’adoption des textes de la Fecafoot, le 5 août dernier à Yaoundé.

Au cours de l’échange avec les hommes de médias, il a dit toute sa satisfaction des modifications apportées à ces dispositions statutaires, et croit savoir que la voie pour les élections est enfin ouverte. «Tout le monde est fatigué, il faut qu’on avance.

On s’est concerté, on a accepté ce qui a été proposé. Tout de même, certaines de nos propositions ont été acceptées. Chacun a fait un petit sacrifice. Ces textes sont bons», va-t-il préciser face à la presse. Un revirement spectaculaire à 190°, qui vient davantage discréditer le dirigeant sportif d’opérette. Tous les délégués du Grand Nord estiment d’ailleurs que le sieur Alioum Alhadji n’a pas de base pour pouvoir remplacer valablement Iya Mohammed.

Comme pour dire que ceux qui ont tué la Fecafoot ne peuvent se prévaloir aujourd’hui du titre de sauveur du football camerounais. Le Sénateur Alhadji qui a dirigé sans succès un collège privé de l’Espoir de Maroua de 1990 à 1996 et créé le Centre de formation des footballeurs du Sahel devenu Académie des sports du Sahel, passe pour un homme en manque de charisme et de popularité, qui a terni son image dans des scandales financiers à répétition.

M. Essomba Eyenga, moteur des tripatouillages à la Fecafoot

Il a été suspendu de toutes les activités liées au football pour une durée de trois ans en 2004. Le principal grief fait à l'ancien président du Tonnerre kalara club de Yaoundé, est d'avoir roué de coups l'arbitre du match aller des demi-finales de la coupe du Cameroun qui a opposé, son équipe à Coton Sport de Garoua. Dans son livre, Jean-Lambert Nang fait un portrait peu flatteur de M. Antoine Essomba Eyenga.

Pour l'auteur de «Desperate Football House», l'enfant terrible du football camerounais est un des moteurs du tripatouillage du fichier informatisé de la Fecafoot. L'ancien président du Tkc a jeté en pâture de nombreux jeunes footballeurs partis en aventure dans des destinations exotiques comme l'Indonésie, la Chine, le Mexique, etc.

Ceci après avoir «facilement» obtenu des lettres de sortie «complaisamment» signées par ses «complices» de la Fécafoot. Jean-Lambert Nang écrit qu'Essomba Eyenga vit aux crochets du football qu'il pressurise, suce et ponctionne à souhait. Et que des preuves patentes témoignent de son indescriptible cupidité et des sommes mirobolantes qu'il tire de ses innombrables forfaitures. Et de constater que, à force de parler plus fort que tout le monde, le patron du Cabinet Essomba, Conseils et études fiscaux, se forge une image de «monsieur propre» du football camerounais.

Source: Nadine Bella
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