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Hayatou nouveau patron de la FIFA sans blague !

Issa Hayatou FIFA President Photo d'archive utilisée juste à titre d`illustration

Thu, 8 Oct 2015 Source: Patrick Juillard

Suspendu pour 90 jours par la Commission d'éthique de la FIFA, Sepp Blatter va céder la présidence de la FIFA à Issa Hayatou. Une nomination qui prêterait à sourire si elle n'était pas significative de toutes les dérives d'un système à bout de souffle.

Non, non, ce n’est pas une blague : Issa Hayatou est bien le nouveau patron de la FIFA. Suite à la suspension de Sepp Blatter par la Commission d’éthique, le Camerounais, vice-président du comité exécutif de la FIFA et président de la Confédération africaine (CAF), se retrouve bombardé président intérimaire de la FIFA.

S’il fallait fournir une nouvelle preuve de la gouvernance aberrante du football mondial, on trouverait difficilement mieux. Comme Sepp Blatter dont il est devenu un indéfectible soutien après avoir un temps contesté son pouvoir, Issa Hayatou répond « bénéfices » quand on lui dit « corruption » et parle de « continuité » quand on le taxe d’« autoritarisme ».

Sous son règne, entamé en 1987, la CAF a vu son chiffre d’affaires exploser. La CAN, son navire amiral, est devenu un événement mondial, avec un beau jackpot à la clé pour les droits TV. Une évolution parallèle à celle de la Coupe du Monde de la FIFA.

Comme au niveau mondial, cette explosion financière ne s’est nullement accompagnée d’une évolution de la gouvernance. Sous sa présidence, l’opacité et le clientélisme règnent en maîtres. Les choses se sont même aggravées : comme Sepp Blatter à la tête de la FIFA, Issa Hayatou a fait évoluer les règles à son avantage, au point d’exercer aujourd’hui un pouvoir absolu.

Un pouvoir autocratique

Et pourtant… Agé aujourd’hui de 69 ans, Issa Hayatou était guetté par la limite d'âge, fixée initialement à 70 ans, pour occuper la présidence de la Confédération africaine de football. Ce n'est désormais plus le cas. Ladite règle a été supprimée en avril dernier lors de l'assemblée générale de l’instance, au Caire.

Fait significatif, la raison officielle de ce changement évoque une « mise en harmonie » des statuts de la CAF avec ceux de la FIFA. En réalité, la levée de cette contrainte constitue l'ultime étape d'un renforcement des prérogatives du grand boss, plus que jamais en course pour sa propre succession.

Avant ce changement à son profit des textes sur la limite d'âge, le natif de Garoua (nord du Cameroun) s'est évertué à écarter tous ses adversaires potentiels, qu'ils soient déclarés ou non. Quitte à monter les uns contre les autres.

Pour asseoir son pouvoir, Issa Hayatou a d’abord mis fin à toute velléité rebelle du Sud-Africain Danny Jordaan, fort de la bonne organisation du Mondial 2010 dans son pays, puis a écarté Jacques Anouma. L’ancien président de la Fédération ivoirienne de football souhaitait se présenter contre le sortant aux élections présidentielles de 2013.

Une manœuvre de l’équipe en place va l’en empêcher. Le 3 septembre 2012, la CAF, réunie en congrès extraordinaire aux Seychelles, adopte une motion prévoyant notamment que tout candidat souhaitant briguer le poste de président devait être « membre (ou ex-membre) du comité exécutif ».

Une condition non remplie alors par Jacques Anouma, de facto mis hors-jeu. Enfin, l’Algérien Mohamed Raouraoua, son complice dans l'éviction d'Anouma, va tomber en disgrâce au fur et à mesure qu’il s’affirme comme un successeur potentiel d’Hayatou. Avec le total manque de transparence dont elle est coutumière, la CAF attribue l’organisation de la CAN 2017 au Gabon, alors que, de l’avis général, l’Algérie présentait de très loin le meilleur dossier.

Corrompu par le Qatar ?

Conscient de l’importance de son poids à la FIFA pour son prestige continental, Hayatou y a toujours placé des hommes à lui. Exit là aussi Jacques Anouma, place au Tunisien Tarek Bouchamaoui et au Congolais Constant Omari. Des fidèles du moment… Mais jusqu’à quand Issa Hayatou tiendra-t-il sans être éclaboussé par le « FIFAgate » ?

Le volet suisse du scandale, qui porte sur l’attribution des Mondiaux 2018 et 2022, a de quoi inquiéter les dirigeants du football africain. Dix personnes ayant participé au processus d’attribution en qualité de membres du comité exécutif de la FIFA auraient déjà été auditionnées dans ce dossier. Parmi elles, trois dirigeants africains : l’Ivoirien Jacques Anouma, l’Egyptien Hany Abo Rida et un certain Issa Hayatou.

Soutiens sans faille de Sepp Blatter, les dirigeants africains ont depuis les oreilles qui sifflent. Dans un documentaire diffusé par la chaîne allemande ARD, la lanceuse d’alerte Phaedra Almajid, ancienne membre du comité de candidature du Qatar, avait accusé nommément Anouma mais aussi le Nigérian Amos Adamu et…

Issa Hayatou (encore et toujours lui !) d’avoir touché chacun un million et demi de dollars en échange d’un vote en faveur du Qatar lors de l’attribution de la Coupe du monde 2022. Une raison supplémentaire de trouver absurde la nomination, même à titre intérimaire, d’Issa Hayatou à la présidence de la FIFA.

Source: Patrick Juillard