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La question de la nationalité au RDPC

Wed, 4 Nov 2015 Source: Dieudonné Ngomou

J’ai la nationalité française alors même que sera exigée la présentation d’une carte nationale d’identité, le jour du scrutin de renouvellement des organes de base.

Comme moi, de nombreux cadres et militants du RDPC à l’extérieur ont pris une autre nationalité. Contournement des textes ? Un sujet tabou pour ces camerounais d’origine qui s’investissent.

A la veille du renouvellement, il faut penser à sortir de ce flou qui cause tant de malaises.

Dans une circulaire du 27 juillet 2015, le président national du RDPC a mis fin aux spéculations au long cours, face à l’attente inlassable des militants relative aux opérations de renouvellement des organes de base du parti et de ses organisations spécialisées.

L’expiration de la mandature des responsables élus en 2008, faisait craindre une crise de légitimité. Tout comme elle semblait conforter des conservatismes, le risque de baronnie locale, et l’exercice routinier des fonctions, source de démotivation et d’inertie.

Renouvellement de la légitime et dynamisme

La lettre et l’esprit de la circulaire ont le mérite de siffler la fin de cette récréation, affirmant sans ambages qu’il s’agit de doter le RDPC « de responsables jouissant d’une légitimité renouvelée ou renforcée ». En insistant, point essentiel touchant au redéploiement, sur la « promotion de la nouvelle dynamique impulsée au Troisième Congrès Ordinaire ». Laquelle, mettait en perspective, la nécessité de doter le parti « d’hommes, de jeunes et de femmes loyaux, fidèles, convaincus, voués avec abnégation à son service dans l’intérêt de la nation », selon les termes de la circulaire.

En traçant le cadre général du déroulement des opérations, elle a énoncé la question de la reconstitution du sommier politique, dans sa colonne statutaire, les spécificités relatives aux sections extérieures, et l’impératif d’un toilettage visant à l’expurger d’organes fictifs, héritage d’années de pratiques malencontreuses.

Sur ces questions à savoir la relégitimation, la récapitulation de l’ensemble des structures de base et le cadre organisationnel des opérations, les notes de satisfaction sont indéniables. La clarification est venue à point nommé, fixant ces opérations dans la période comprise entre le 1er aout et le 10 décembre 2015.

Toutefois, au risque de déroger à l’impératif de fidélité, de courir le risque d’atteinte à l’image du parti et de fouler les exigences requises aux militants, énoncés notamment dans les conditions d’éligibilité, ces deux importants textes, restent silencieux voire confus sur des points clés.

Situation confuse sur la nationalité

Le plus crucial, concernant les sections extérieures, a trait au respect scrupuleux des directives contenues dans la circulaire du président national du RDPC portant en premier lieu sur les conditions d’électeur, en second lieu sur les conditions d’éligibilité et enfin sur le déroulement matériel des opérations à l’extérieur.

En attachant du prix au respect des règles, le président national du RDPC, a assorti à la reconstitution du sommier politique, l’établissement de la liste électorale, dont la clôture est fixée quatre jours avant le scrutin.

Dans le cadre de sa confection, des conditions d’électeur sont précisées. Elles établissent en toute logique qu’il faut être membre du RDPC ou de l’une de ses organisations spécialisées ; être à jour de ses cotisations et être inscrit sur une liste électorale.

De ces conditions, l’une est fondamentale. Elle renvoie aux textes de base du Parti qui dispose dans son Titre II relatif aux MEMBRES : ADMISSION DROITS ET OBLIGATIONS et en son article 6 que pour être membre du Parti, il faut : · être camerounais de l’un ou de l’autre sexe, · n’appartenir à aucun autre Parti ou Association dépendant d’une autre formation politique, · accepter les statuts et le règlement intérieur du Parti · s’acquitter de son droit d’adhésion.

De façon plus précise, la circulaire du Président national relative aux opérations de renouvellement et la note subséquente du Secrétaire général du Comité central qui en précise les modalités d’application, exigent la présentation d’une carte nationale d’identité. Dans le cas d’espèce, il ne s’agit pas uniquement d’une modalité d’identification mais d’un dispositif en cohérence avec la lettre des textes de base.

Par conséquent, à s’en tenir à la condition de nationalité, il serait pertinent d’admettre que les opérations de renouvellement à l’Etranger, sans d’une part, un exercice de vérification rigoureuse, et d’autre part, une clarification salutaire, contreviendraient d’une part aux statuts du Parti et plus significativement, en l’état actuel du droit positif camerounais, à la loi sur la nationalité.

De fait, depuis la création du Parti sur les cendres de l’UNC en 1985 à Bamenda, les sections extérieures dont celles de France ont fonctionné selon un régime de tolérance.

La volonté de rassemblement, matrice de la fondation du RDPC y a certainement prévalu. De nombreux responsables, figures de la diaspora, militants de longue date, ayant acquis la nationalité française ou d’autres, ont par leur dynamisme, leur fidélité au Parti, entretenu le flambeau.

Engagement au service du cameroun

Dans l’avant-garde des exigences sociales, morales et politiques et du profil de campagne que trace la note du Secrétaire général, ces « camerounais », cadres ou militants de base du RDPC, ont contribué au rassemblement autour des idéaux du Parti, à la promotion et à la valorisation de son image et de façon plus globale au développement local, à travers la coopération décentralisée, la contribution à la lutte contre le chômage et à la promotion de l’emploi des jeunes, la défense des Institutions de la République et la promotion de l’image et du rayonnement extérieur du Cameroun.

Comme l’a rappelé l’ouvrage du Professeur Antoine Ahanda sur la participation politique des camerounais de l’extérieur, l’éloignement géographique et les contraintes de la loi sur la nationalité n’obstruent pas durablement la volonté d’implication des camerounais de l’extérieur dans la vie politique nationale.

Nous concernant, au sein de la sous-section Paris Nord, depuis 2002, bien qu’ayant obtenu la nationalité française, diverses contributions s’inscrivant dans cette dynamique d’appui à l’effort national, à la maximisation des performances, au renouvellement des énergies novatrices, ont été enregistrées.

Elles ont trait à l’intermédiation dans le domaine de la coopération décentralisée, de la valorisation du patrimoine et du rayonnement extérieur, de l’organisation de débats et d’échanges sur des sujets d’intérêt : la double nationalité, le soutien et l’accompagnement des projets d’infrastructure et la stratégie nationale de réduction de la pauvreté, l’appui à la stratégie d’émergence, etc.

Ces états de service sont l’apanage de plusieurs autres militants et cadres des sections extérieures. Ces militants, ayant la nationalité française, sont ceux qui, lors de la dernière élection présidentielle en 2011, en étaient réduits à accompagner leurs camarades dont ils avaient oeuvré pour l’inscription sur les listes électorales, à l’entrée des bureaux de vote à l’Ambassade du Cameroun en France, cadre du déroulement des opérations électorales.

Présidents de section, membres de bureaux des deux sections de France-Nord et France-Sud ou d’organes inférieurs, ils n’ont pu, en s’en tenir au Code de nationalité, à la différence des femmes ayant acquis une autre nationalité par la voie du mariage, bénéficier de l’ouverture du vote aux camerounais de la diaspora, rendue possible par un décret de juillet 2011.

La necessité de tenir parole

Ce sont les mêmes, qui deux ans plus tôt, s’étaient massivement mobilisés au Pavillon Dauphine à Paris, invités à la rencontre avec le Chef de l’Etat, président national du RDPC, pour écouter un discours aux airs inédits.

Cette adresse à la diaspora contenait en effet deux annonces fortes : l’ouverture du vote lors des élections présidentielles aux camerounais de l’extérieur et la mise à l’étude de la question de la double nationalité, traduction de la prise en compte des doléances exprimées par des milliers de bi et pluri-nationaux.

En attendant, retour à la « normale », dans les prochains jours, dans le cadre du renouvellement des organes de base, ces français du RDPC postuleront à différents postes. Suivant la coutume établie, ils seront inscrits sur les listes électorales, ayant satisfait le cas échéant aux conditions d’adhésion et de mise à jour des cotisations.

Leurs candidatures éventuellement validées, ils se présenteront le jour du scrutin, pour la grande majorité sans carte nationale d’identité. Mais, mystère du système, parmi ceux qui ont pris une autre nationalité, certains présenteront une carte d’identité acquise par divers moyens.

Dans les deux cas, la volonté d’exemplarité, de clarification, de modernisation sera prise en défaut. Car à la différence du cas des diplomates et assimilés, des chefs traditionnels, militants du Parti, dont la candidature est clairement proscrite dans la note du Secrétaire général, les militants du RDPC d’origine camerounaise, restent dans le flou, une situation de fait qui ne résiste plus aux exigences de l’éthique, du respect scrupuleux des textes.

La note du Secrétaire général ne précise t-elle pas qu’il faut avoir « toujours à coeur de préserver le statut du RDPC, premier parti républicain et parti de référence sur l’échiquier politique national, qui doit demeurer exemplaire en toute circonstance » ?

Il est exigé, entre autres pièces du dossier de candidature, la signature d’une déclaration sur l’honneur. Celui des militants, du Parti, serait de ne pas multiplier les fausses déclarations, de voir au moment où le Cameroun s’investit dans la sécurisation de la nationalité, proliférer au cours des opérations de renouvellement à l’extérieur, des cartes nationales d’identité détenues par ceux qui ont pris une autre nationalité. L’investissement du Secrétariat national aux relations internationales et aux droits de l’homme, en charge de la coordination de l’activité des sections extérieures, sur la question de la nationalité aurait permis de clarifier de façon pertinente cette situation qui prend des allures kafkaïennes.

De façon plus déterminante, la question de la nationalité au sein du RDPC va au-delà des dispositions relatives au contentieux électoral dont la circulaire énonce les modalités. Elle est fondamentale et exige une impérieuse clarification au sommet. Le président national l’a dit : « le RDPC ne cesse de se réformer, de s’ajuster et de s’adapter aux réalités du monde qui l’entoure ». Il est temps qu’elle le fasse de manière cohérente, juste, intelligente et claire sur la question de la nationalité de ses militants.

Auteur: Dieudonné Ngomou