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Les mille péchés du cinéma camerounais

Sat, 11 Jun 2016 Source: Ecclésiaste DEUDJUI

L’un de mes meilleurs amis est comédien. Pas humoriste hein, mais acteur. Parce que dans notre pays-ci, les gens ne font même pas bien la différence entre les comédiens et les acteurs.

Donc, mon meilleur ami est un acteur. C’est même lui qui m’a expliqué que le cinéma camerounais a encore beaucoup de choses à apprendre…

D’ABORD :  IL FAUT ÉCRIRE DE BONNES HISTOIRES

Ce n’est pas que je critique hein, mais beaucoup de films camerounais manquent encore de consistance. Parce que quand je regarde certains courts métrages, je me demande même à quoi ça sert ! Quand je visionne certains films camerounais du début à la fin, je ne sais même pas finalement ce que le cinéaste voulait me dire ! Parfois c’est incohérent, souvent c’est sans suites logiques entre les intrigues, et en général ça se termine d’une manière qui est totalement décousue et qui frise même le non-sens…

Pour faire un bon film, il faudrait d’abord avoir une histoire à raconter et bien sûr savoir écrire ! Il faudrait que le scénario ait un bon commencement, un développement qui soit cohérent et une fin qui ne soit pas illogique. Il faudrait que les personnages soient bien « personnifiés ». Parce que pour vous dire vrai, ça ne sert à rien de mobiliser votre argent pour raconter une histoire que les gens vont rapidement jeter à la corbeille.

IL FAUT FAIRE PASSER UN MESSAGE

Le message dans les films camerounais, c’est même quoi au juste ? Franchement ! Parce que tout ce que je retiens lorsque je regarde Canal 2 Movies, c’est uniquement la dépravation, la sorcellerie, la dénaturation et j’ajouterai aussi les obscénités…

Par exemple, tu ne peux pas voir deux films camerounais sans qu’il n’y ait un fou qui soit en train de manger dans la poubelle (et c’est même lui le héros principal). Tu ne peux pas voir un court métrage camerounais sans que les actrices ne partent consulter les marabouts et les faux pasteurs. Tu ne peux pas t’asseoir devant un long-métrage du mboa, sans voir un figurant qui est en train d’empoisonner un autre figurant. Hein ? J’aimerais bien savoir quel est le message qu’on veut véhiculer à travers ces thématiques … que veut-on dire au spectateur ?

IL FAUT ÊTRE SÉRIEUX QUAND MÊME

Je ne dis pas que tous nos réalisateurs ne sont pas sérieux hein, il y a quand même des gars comme David Whisper et Jean-Jacques Nyock qui font du très très bon travail. Mais… ils sont combien à faire du bon cinéma ?

Être sérieux, ça signifie que tu as un bon scénario et un bon message que tu as envie de faire passer aux gens. Mais ça veut aussi dire que tu dois choisir de bons acteurs, en tous cas, tu dois les diriger de manière à ce qu’ils essaient de rendre ton film le plus crédible possible ; la direction d’acteur est en effet essentielle pour la qualité et la cohérence du film.

Si vous êtes sérieux comme Régis Talla Kamga, on ne verra jamais les bras du perchiste dans le cadrage ! Il n’y aura plus jamais de fautes d’orthographe comme je vois dans tous les génériques ! Et aussi, il n’y aura plus jamais de mauvais raccords dans le résultat du montage ! Ça veut dire que, si un acteur est en pantalon sur un plan, il ne faut qu’il se retrouve en pantacourt sur un autre plan qui est censé être de la même scène…

IL FAUDRA ÉDUQUER LES SPECTATEURS

Paradoxalement, c’est à cause du public camerounais que le cinéma camerounais a encore « beaucoup de choses à apprendre ».

Quand tu pars tourner une scène à l’extérieur, les badauds s’agglutinent autour du plateau comme s’ils n’avaient jamais vu une caméra ! Il faut les écarter, ou à défaut il faudrait les utiliser comme des figurants passifs.

Le public camerounais ne connaît pas encore le cinéma. Il confond encore ça avec le théâtre (normal, il ne connaît pas le théâtre !). Le public croit que quand un acteur parle fort, ça veut dire que c’est un très bon acteur. Il croit que dans un film de violence, l’action se résume à des bagarres générales. Il est persuadé que dans une œuvre comique, il faut absolument que les comédiens marchent avec des habits déchirés-déchirés. Il est amusé quand les gens parlent le faux français, quand les protagonistes se chamaillent ou quand les personnages sont des manchots, des idiots, des bègues, des ivrognes, des boiteux, des prostituées et quelquefois des esprits fantomatiques…

LES MILLE ET UN PÉCHÉS DU CINÉMA CAMEROUNAIS

Donc, comme je disais, mon ami Pierre La Paix est comédien. Mais ce n’est pas un humoriste hein ! Il voulait seulement m’expliquer que les cinéastes camerounais ont encore beaucoup de travail à faire et beaucoup à apprendre …

Premièrement, ils ne doivent plus demander d’argent aux acteurs lorsqu’ils veulent organiser un casting, sinon ce ne sont plus des cinéastes, ce sont tout simplement des commerçants !

Deuxièmement, ils ne doivent plus confondre la bouffonnerie avec l’humour. L’humour, le vrai, c’est du cinéma, c’est un art, mais la bouffonnerie ce n’est pas du cinéma, c’est juste de la lourdeur.

Troisièmement, il ne sert à rien de vouloir à tout prix mettre des effets spéciaux dans votre film, si vous n’êtes pas capable de mettre correctement les effets spéciaux dans votre film.

Et puis quatrièmement, cinquièmement, sixièmement, je ne comprends pas comment quelqu’un peut être à la fois un bon réalisateur et un bon monteur. Je ne comprends pas pourquoi dans tous nos génériques qui défilent, il y a un type qui est la fois le scénariste, le producteur et l’éclairagiste ! Le cinéma c’est avant tout une séparation et un assemblement de nombreuses compétences. Tous ces métiers sont différents, et un métier ça s’apprend ! Au cinéma il faut savoir utiliser du matériel technique au service d’une vision esthétique, puisqu’au fond le cinéma intègre à la fois l’image, le langage, le mouvement, le son et dorénavant l’interactivité.

Ce n’est pas pour rien que les spécialistes l’ont appelé le « 7ème art ».

Auteur: Ecclésiaste DEUDJUI