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Lettre ouverte au President Paul Biya

LeprésidentBiya Paul Biya Yaoundé Paul Biya

Mar., 17 Janv. 2017 Source: KUNGABA FONGOH Leonel

Excellence, Monsieur le Président de la République,

La situation sociopolitique que traverse le Cameroun depuis quelques années est très critique et potentiellement chargée de risque de déflagration violente malgré cette apparente sérénité que les éléments de la secte extrémiste BokoHaram ont fortement ébranlé en particulier dans la région de l’Extrême-Nord. La région de l’Est a connu de violents soubresauts liés en partie aux débordements de la longue crise politique et militaire en République Centrafricaine. Elle en est encore sérieusement marquée avec ces hordes de réfugiés qu’elle est obligée d’accueillir et de nourrir malgré ses très faibles ressources. De nombreux faits que nous banalisons en les traitants de faits divers contiennent une charge de violence psychologique, morale, physique et symbolique qui tend à éloigner vos concitoyens de leur humanité la plus banale.

Je ne citerai que cette jeune femme médecin qui est décédée à Douala dans des conditions épouvantables, cette autre femme abandonnée à l’hôpital Laquintinie et éventrée en plein jour par une parente désespérée dans l’espoir de sauver quelque progéniture.

Je citerai aussi ces crimes rituels devenus banals, ce terrible accident de train d’Eséka dont je suis l’un des rescapés qui a brisé toutes ces vies (par la faute et l’impunité de quelques personnes investies de vos pouvoirs discrétionnaires), ainsi que tous ces accidents quotidiens de routes. Je citerai aussi ces violences policières et administratives qui sont devenues le lot des Camerounais qui veulent s’exprimer sur le devenir de leur pays. Je citerai ces musiques et ces images violentes, dégradantes et déshumanisantes que vous laissez diffuser dans ce pays que vous avez promis dès 1982 à la rigueur et à la moralisation.

Enfin et dans cette même veine, je citerai ces milliards volés par tous ces bien-pensants qui vous entourent et qui sont en train de nous pousser à une autre austérité financière et économique après celle qu’on a connue dans les années 90. Ces milliards sont autant de richesses, d’emplois et d’avenir volés en particulier à la jeunesse désespérée de ce riche pays et paupérisé par une élite compradore. Savez-vous que certains ministres de votre gouvernement se vantent de se faire voler régulièrement des centaines de millions de francs cfa stockés dans leurs domiciles privés (et non en banque) ? Ils viendront ensuite nous parler de morale, de patriotisme et peut-être d’austérité.

Monsieur le Président,

Votre pays est devenu très dangereux malgré vos 34 ans de règne sans partage. Même les éléments symboliques d’unité nationale sont en train de voler en éclats. La situation de crise sociopolitique profonde qui prévaut actuellement dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-ouest le montre à suffisance. Cette situation se reproduit sous diverses formes et manifestations dans les memoranda qui sont devenus le principal mode d’expression des replis communautaires et identitaires que votre régime a encouragés sous les oripeaux d’une démocratie unipersonnelle.

La situation sociopolitique et économique de notre pays est très chaotique et frappée d’inertie et de kleptocratie légendaires que vous reconnaissez vous-même sans rien y changer, malheureusement. En avez-vous encore les moyens et la volonté ? Notre pays est en danger par la faute du mensonge, de l’arrogance, de la condescendance, de l’inertie, de l’impunité dont fait preuve votre gouvernement et votre administration. Ceux qui y officient sont peut-être à votre image, l’image du créateur qui les a investis.

Depuis très longtemps, il y a eu du mensonge à Bamenda et à Buea, comme à Tiko ou à Messamena, à Pouma comme à Figuil. Votre régime provoque et laisse prospérer des crises et des frustrations individuelles et collectives qui vont exploser de façon lente ou brutale. Un de vos ministres, trop repu, a cru dire qu’il n’y a pas de problème anglophone au Cameroun. Nous y sommes !

Ne me demandez pas s’il y a un problème Béti. Mais s’il existe comme l’insinuait de son vivant le très regretté citoyen Charles Ateba Eyene, il faudrait l’affronter objectivement et de façon républicaine. Il en serait pareil pour les autres communautés qui font du Cameroun cette belle Afrique en miniature. Il en est de même pour ce processus de décentralisation qui est jusqu’à nos jours paralysé par votre gouvernement et donc les effets néfastes sont sensibles et visibles dans la gouvernance de nos collectivités territoriales décentralisées. Que viennent d’ailleurs faire vos « Délégués de Gouvernement » dans ce processus de décentralisation dont l’essence est la représentation démocratique à suffrage direct ou indirect. La seule existence de ces « Délégués du Gouvernement » à la tête de nos plus grandes métropoles est une véritable hérésie démocratique doublée d’une escroquerie politique. Toutes choses qui poussent aux velléités fédéralistes qui ne peuvent être interdites dans une prétendue démocratie dans que vous vantez. La forme de l’Etat peut être interrogée à tout moment par les citoyens, y compris par voie référendaire comme le consacre la constitution de notre pays.

La forme du Cameroun moderne a déjà évolué plus de 04 quatre fois. Pourquoi pas une 5ème fois si les nécessités l’imposent dans sa trajectoire vers la modernité ? La constitution doit-elle seulement modifiée pour vous maintenir à vie au pouvoir ? La question de sécession que nous reprouvons est malheureusement la réponse que ses tenants présentent face à l’incurie et à l’arrogance de votre régime. C’est même cela qu’il faut le plus interroger et regretter dès qu’on sort des fibres émotionnelles d’un patriotisme débridé de circonstance. Pourquoi pensez-vous, Excellence, que ceux de vos compatriotes qui manifestent un mécontentement (quand c’est possible) sont des « extrémistes » et des « manipulés » ? Les auriez-vous dépouillés de bon sens, de raison et de conscience républicaine ? Si c’est le cas, il s’agit donc d’un aveu d’échec de vos trop longues années de pouvoir.

On a trop menti dans ce pays, et ce, depuis les accords de Foumban 1961 que nous avons peur de revisiter avec franchise. Quand des citoyens se rendent compte d’un tel niveau de frustrations et d’escroquerie que les faits et les statistiques démontrent de façon aussi violente, ont-ils besoin d’être manipulés pour le faire savoir. Dites-nous, monsieur le Président, combien de ministres anglophones, (de vrais ministres et non des garçons de courses gouvernementales) compte votre dernier gouvernement ? Si je ne prends que cet élément de perception populaire, aucun anglophone n’a besoin d’être manipulé pour crier son ras-le-bol dans un pays où vous avez enfermé les libertés dans ce carcan administratif et policier foncièrement répressif. La façon dont vos bidasses ont traité ces jeunes étudiants protestataires contre une mesure injuste et inique à l’Université de Buea est scandaleuse et honteuse. Nous avons prié et travaillé pour que la situation se rétablisse dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-ouest ce lundi 09 janvier, jour de rentrée scolaire du 2nd trimestre.

La situation est bloquée et se détériore du fait principal d’un déficit de confiance. J’avoue que votre discours du 31 décembre 2016 ne nous a pas beaucoup aidés, encore moins les sorties manquées de vos ministres et médiateurs officiels qui ne sont pas préparés à ce type de négociation. Ils sont habitués à la chicote coloniale, mais les temps ont changé.

Excellence,

Si l’unité du Cameroun et la paix ont réellement pour vous un sens, saisissez donc cette occasion pour le montrer aux yeux du Cameroun et du monde. Sortez de votre confort douillet du Palais du Peuple d’Etoudi pour enfin aller vers ce peuple qui vous a donné un mandat pour veiller sur lui et sur son destin. Etre Président n’est pas une sinécure, mais un travail en temps plein. Cessez de vous faire représenter en ces moments critiques qui engagent l’unité de notre pays. Vous n’êtes grand que pour ce peuple qui vous a confié un mandat. Voici une autre occasion de vous montrer et de démontrer que vous n’êtes pas le Président d’une république figée dans l’inertie. Ailleurs, vos homologues se mettent en branle pour des situations moins graves que cette crise que traverse notre pays et dont les conséquences seront incommensurables si rien n’est fait d’urgence. Il s’agit des problèmes réels et légitimes que vous avez enfin accepté d’admettre, après que le sang innocent ait encore coulé. Monsieur le Président, secouez enfin cette inertie au sommet de l’Etat, mettez fin à cette arrogance qui caractérise vos collaborateurs.

Ce qui se passe dans les régions dites anglophones exige votre implication personnelle en espérant qu’elle sera enfin entourée de franchise et de bonne foi. Il s’agit de la survie d’une culture, d’une unité, du vivre-ensemble entre les communautés anglophone et francophone et au-delà entre toutes les communautés qui font la fierté de ce pays dans leur diversité.

Excellence, sauvez l’Education, sauvez la République !

Très patriotiquement, Excellence.

Auteur: KUNGABA FONGOH Leonel