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Affaire Fécafoot-Etoile filante de Garoua: l'impossible retour au droit par la Justice

Tombi A Roko Sidiki, Président De La FECAFOOT Le recours entrepris par étoile Filante de Garoua ne sera pas discuté au fond

Fri, 3 Mar 2017 Source: Charly NOAH

Le Tribunal arbitral du sport (TAS), dans un communiqué rendu public lundi à l’heure du soir, clos définitivement le débat sur le litige lié à l’élection contestée de Monsieur Tombi A Roko à la présidence de la Fécafoot et relance, indirectement, la question sur l’effectivité des décisions de justice en terre camerounaise.

La sentence entreprise à juge unique qui dit que l’appelant est débouté, succombant sur un motif pris pour non-respect des délais de procédure au sens des dispositions contenues dans les Statuts du Cnosc, ne fait que confirmer ce que nous disions déjà dès l’annonce de cette saisine, surtout après le sacre des Lions indomptables lors de la dernière édition de la CAN qui s’est tenue au Gabon, à savoir que TOMBI doit restera à la FACAFOOT au moins jusqu’à la fin de son mandat.

Ainsi, le recours entrepris par étoile Filante de Garoua ne sera pas discuté au fond, l’affaire étant classée. Dite sentence remet en jeu la question que j’ai soulevée dès l’annonce de la saisine de la Chambre arbitrale des recours alors même que le grief, à l’appui dite saisine, avait préalablement été vidé dans la décision entreprise le 12 novembre 2015 par la CCA qui faisait ainsi donc droit à l’appelant. Et la question se posait sur l’opportunité de contester une décision qui vous est favorable.

En effet, on se rappelle que l’appelant (Etoile filante de Garoua) a saisi, en date du 27 octobre 2015, la CCA aux fins d’instruire et cas échéant statuer valablement sur le recours contre le processus qui avait alors amené Monsieur TOMBI à la tête de la FECAFOOT et cette demande a été satisfaite. L’opportunité de contester cette décision auprès du TAS perdait donc tout sens dès lors qu’il n’y avait plus, au plan objectif, de litige à proprement parlé. Tout au plus pouvait-on admettre les questions soulevées devant l’absence de l’exécution de dite décision. Mais là, c’est un autre débat.

A cette question, a été opposée l’idée que l’appel soumis à la sagesse du juge de la CCA comportait, non seulement la demande principale tendant à l’annulation du processus électoral ayant conduit à l’élection de Monsieur TOMBI à la tête de la FECAFOOT, mais il était également question, subsidiairement, de demander à la CCA d’examiner le grief lié à la réintégration dans ses fonctions le Comité exécutif de la FECAFOOT issus de l’élection du 24 mai 2009. Or, effectivement, dans la décision du 27 octobre 2015, la CCA ne tranche que la demande principale et cela peut laisser croire que le juge a statué par « infra petita » (omission à statuer).

Cependant, peut-on réellement inférer que la CCA a statué par « infra petita » alors même que la demande initiale (principale) est satisfaite ? Le doute m’habite. Généralement, « le juge n'a pas omis de statuer si on peut déduire des dispositions du jugement qu'une prétention a été implicitement rejetée ou, au contraire, que le tribunal l'a implicitement admise », Lindon, Perfection et imperfections de la décision judiciaire, Dalloz 1973.

Dans la présente espèce, sachant que la CCA a fait droit au recourant quant à sa demande principale, on peut dès lors déduire, au sens de la doctrine, que les conclusions liées à la demande subsidiaires ne figurent pas dans le dispositif de la décision querellée tout simplement parce que le juge l’a aussi IMPLICITEMENT admise. Sous cet angle, le moyen pris pour constatation et, cas échéant, de réparation de l’omission à statuer (infra petita) n’était manifestement pas fondé. D’où qu’il ressort que le TAS ne pouvait raisonnablement pas l’accueillir.

A - SUR LA COMPETENCE DU TAS

A supposer que le moyen pris sur l’Omission à statuer (infra petita) ait été accueilli, se serait posée la question pertinente sur la compétence de l’instance à saisir et le TAS, en l’espèce, n’est clairement pas habileté, en tous cas, n’aurait pas été habileté à réparer l’omission à statuer entreprise par la CCA qui est alors, du moins qui était alors la seule compétente pour procéder à la rectification de cette « supposée » erreur matérielle.

En outre, la réparation de l’omission à statuer « permet une réparation portant sur une demande non suivi dans le dispositif du jugement prononcé originellement ». Elle peut subir réparation par devant un juge d’appel en raison de l’effet dévolutif, certes mais au cas présent, il ne me semble pas que la Chambre des recours ait qualité pour constater une omission à statuer qui, soit dit en passant, n’ouvre pas d’instance nouvelle et ne peut dès lors pas à elle seule constituer un moyen autonome à l’appui du recours, ce d’autant que la CCA a fait droit à la demande principale en annulant notamment le processus qui a conduit Monsieur TOMBI à la tête de la FECAFOOT. D’où qu’il ressort que c’est en bonne intelligence que la CCA a trouvé IMPLICITEMNT « sans objet » l’examen du moyen querellé, la solution retenue pour satisfaire la demande principale déployant un effet transversal sur la demande subsidiaire. En sorte qu’on ne peut dès lors pas, au regard des circonstances, parler d’omission à statuer.

Sous cette suite, il convient d’observer que statuant au contentieux, la Chambre arbitrale des recours a commis une « méprise » (erreur) en fondant sa compétence « rationae materiae » dans l’art R47 du Code d’arbitrage qui prévoit que le TAS « … ne connait que des recours contre des décisions finales ». Une sentence prise sous l’angle ce qui précède brimant les intérêts de l’intimée (FECAFOOT) aurait été exposée à la censure de la 1ere Cour de droit civil du Tribunal fédéral saisi d’un recours dans les fondements prévus à l’art 190-2 LDIP.

B - SUR LE RECOURS AU TF

Le TAS (Tribunal arbitral du sport) est composé de deux Chambres :

> La Chambre Ordinaire qui est compétente pour statuer sur les litiges résultant de relations contractuelles, d’actes illicites ou des querelles résultant de sanctions disciplinaires (dopage…)

> La Chambre arbitrale des recours connait quant à elle des contestations relatives à celles des décisions prises par des instances d’organismes sportifs (Cnosc, Fécafoot, en l’occurrence). Elle est aussi compétente pour accueillir des contestations émanant d’une sentence rendue par la Chambre ordinaire des recours.

Au cas présent, l’affaire Etoile Filante de Garoua ne bénéficie plus d’aucune voie de recours ordinaire au TAS dès lors qu’elle succombe d’une sentence émanant de l’autorité du dernier ressors. Ladite sentence est donc, par déduction, insusceptible de recours, en tant qu’elle est une décision FINALE. Voilà d’ailleurs pourquoi le dispositif n’indique pas les voies de droit.

Sauf si le grief d’incompatibilité avec l’ordre public, entre autres, est soulevé, par exemple. C’est dans ce cadre, et seulement dans ce cadre qu’une voie de droit extraordinaire est ouverte au TF, au sens de l’art 190-2 de la Loi sur le droit international privé (LDIP) et de l’art 77-1 de la Loi sur le Tribunal Fédéral (LTF).

La compétence du TF est cependant extrêmement limitée, d’une part parce que le recours est de droit civil, conséquence de la modification de la Loi sur le Tribunal fédéral intervenue en 2007 (de mémoire) et, d’autre part, les motifs qui appellent le contrôle du TF sont eux-mêmes très limités.

Voilà pourquoi la fièvre du doute m’envahit quant à l’opportunité de saisir le TF aux fins d’annuler cette sentence. Mais à supposer que l’affaire soit portée devant le TF, elle sera préalablement soumise à l’épreuve de recevabilité à l’aune de l’art 190-2 de la Loi sur le Droit international public (LDIP), relativement aux griefs déployés à l’appuis du recours, notamment :

1 la Let a sur la constitution de la Chambre arbitrale des recours du TAS ayant entrepris dite sentence (art 190-2, Let a LDIP) ;

2 la Let b sur la compétence du Tribunal arbitral (art 190-2, Let b LDIP) ;

3 la Let c sur le déni de justice ou des sentences prises par ultra petita (art 190-2, Let c LDIP) ;

4 la Let d sur La violation de la procédure (art 190-2, Let d LDIP) ;

5 la Let e sur l’incompatibilité avec l’ordre public matériel (art 190-2, Let e LEDIP).

A supposé donc que l’Etoile Filante de Garoua aille au bout de sa logique et entreprenne un recours par devant le TF, il sera frappé d’irrecevabilité s’il n’est pas fixé sur l’un des griefs ci-haut cités.

1 - Sur la constitution de la Chambre des recours du TAS ayant entrepris dite sentence (art 190-2, Let a LDIP) ;

L’art 190-2, Let a LDIP, prévoit qu’une sentence du TAS peut être valablement combattue par devant le TF si «l’arbitre unique a été irrégulièrement désigné ou le tribunal arbitral irrégulièrement composé».

Dans l’hypothèse où l’Etoile Filante de Garoua fonderait son recours sur la violation manifeste de la lettre a de l’art 190-2, Let a LDIP, il sera forclos dès lors que la jurisprudence du TF engage chaque partie à récuser tout arbitre qu’elle ne souhaite pas voir participer à un arbitrage, et cette démarche doit s’effectuer avant la sentence. Or, il ressort du dossier de la cause que le recourant avait jugé favorable la possibilité de procéder à l’arbitrage par juge unique. Elle y trouvait là le moyen de priver à l’intimée (FECAFOOT) de sélectionner, en tant que partie, un juge arbitre. Partant, Sur ce moyen, le recours sera déclaré irrecevable.

2 - Sur la compétence du Tribunal arbitral (art 190-2, Let b LDIP) ;

L’art 190-2, Let b LDIP, prévoit qu’une sentence du TAS peut être valablement combattue par devant le TF si «le tribunal arbitral s’est déclaré à tort compétent ou incompétent ».

En l’espèce, on imagine mal l’Etoile Filante de Garoua aller au TF combattre cette sentence au motif que le TAS n’est pas (plus ?) compétent pour connaitre des litiges en matière de sport , étant surtout donné qu’il est le recourant et que de ce fait la convention d’arbitrage ou le Code d’arbitrage qui le lie à l’intimée (FECAFOOT) gouverne l’ensemble des aspects liés à la compétence du TAS. Ainsi, à supposer que l’Etoile Filante de Garoua fonde son recours sur la violation manifeste de la lettre a de l’art 190-2, Let b LDIP, son action n’aura aucune chance de prospérer. De sorte que sur ce moyen, aussi, le recours sera déclaré irrecevable.

3 - sur le déni de justice ou des sentences prises par ultra petita (art 190-2, Let c LDIP) ;

L’art 190-2, Let c LDIP, prévoit qu’une sentence du TAS peut être valablement combattue par devant le TF lorsque « le tribunal arbitral a statué au-delà des demandes dont il était saisi ou lorsqu’il a omis de se prononcer sur un des chefs de la demande»

La sentence du TAS, datée du 27 février 2017, sanctionne le retard de l’appel, retard qui résulte d’une mauvaise appréciation par l’appelant des délais matériels disponibles à cet effet.

En effet, les Statuts du Cnosc, dans l’art 37, prévoient un délai de 20 jours à compter de la date de notification de la décision de la CCA pour faire appel auprès du TAS. Il aurait ainsi donc fallu, pour que l’appelant soit en règle, saisir le TAS au plus tard le 8 décembre 2015 à minuit, la décision lui ayant été notifiée le 18 novembre 2015. Or, le dossier de la cause ayant été déposé auprès d’un office postal camerounais le 9 décembre 2015, il est constant que le délai d’appel prévu à l’art 37 des Statuts du Cnosc est périmé.

Cependant, le non-respect d’un délai étant un moyen d’ordre public à peine d’irrecevabilité, cette question aurait dû être traitée différemment. En sorte que le raisonnement retenu par la Chambre arbitral est critiquable.

Les délais prévus aux arts R49 du Code d’arbitrage, 37 des Statuts du Cnosc et 31 du Code de procédure d’arbitrage ne sont pas des délais de procédure comme le retient la Chambre arbitrale des recours. Les délais en questions sont bel et bien des délais matériels qui obéissent au « principe de la réception absolue », et partant sont d’ordre public et leur restituions un principe (…)

Le dossier de la cause dévoile que l’appelant (l’Etoile filante de Garoua), se fondant, non seulement sur l’art 31 du code de procédure de la CCA, mais également sur le R49 du Code d’arbitrage qui prévoient chacun un délai de 21 jours, a déposé son dossier en temps utile, au regard notamment desdites dispositions.

Voilà pourquoi on peut raisonnablement déduire que l’appelant a fait face à une erreur pratiquement invincible pour laisser périmer un délai qui fonde le début d’action. Cette erreur parait d’autant invincible que de bonne foi, l’appelant a cru les délais prévus à l’art 31 du Code de procédure CCA et l’art R49 Code d’arbitrage sont les délais matériels applicables dans la saisine du TAS.

Ce d’autant plus que cette erreur est clairement le résultat de la contradiction entre les Statuts du Cnosc qui prévoient un délai de 20 jours et ceux du Code de procédure de la CCA renvoient à 21 jours.

Ainsi, une demande de restitution du délai aurait dû être déposée auprès de la Chambre arbitrale des recours du TAS à l’effet de permettre, cas échéant, à l’appelant de réparer son erreur.

Cela étant, l’autorité inférieure n’ayant pas été saisie de cette demande en restitution du délai, ce moyen ne peut toutefois pas être accueilli.

4 - sur La violation de la procédure (art 190-2, Let d LDIP) ;

L’art 190-2, Let d LDIP, prévoit que «la sentence peut être attaquée lorsque l’égalité des parties ou leur droit d’être entendues en procédure contradictoire n’a pas été respecté».

La jurisprudence du TF, sur le moyen de violation des règles de la procédure, repose essentiellement sur l’art 182-3 LDIP et pose le principe du « strict respect des principes de la procédure ». Au cas présent, il ne ressort pas dossier un élément qui permet de déduire que la procédure ait été entachée de façon extrêmement insupportable et de manière à influer sur l’issu de l’arbitrage. Partant, ce moyen sera renvoyé.

5 – L’art 190-2, Let e LDIP, prévoit qu’une sentence arbitrale peut être combattue «lorsqu’elle est incompatible avec l’ordre public».

La Chambre arbitral des recours fonde sa sentence à l’art 37C des Statuts du Cnosc qui prévoient que : « le délai d’appel est de 20 jours dès réception de la décision faisant l’objet de l’appel ». Le Juge unique prétend en outre que faute par lui de pouvoir définir le délai à retenir comme étant le délai impératif, compte tenu notamment de la contradiction entre les Statuts du Cnosc et le Code de Procédure de la CCA, il convenait, pour fixer le délai matériel, de faire application du principe de la hiérarchie des normes.

Ce raisonnement est critiquable dans la mesure où le délai matériel, en l’espèce, est clairement celui retenu à l’art R49. Il eut été raisonnable de solder la confusion entre le délai du Cnosc et celui de la CCA par l’application du délai retenu à l’art R49 du Code de l’arbitrage. En conséquence, la sentence rendue par la Chambre arbitral est incompatible avec l’ordre public, en tant qu’il est évident qu’elle a constaté de façon erronée un point de fait.

Cependant, selon la jurisprudence du TF, «l’application manifestement erronée d’une règle de droit ou la constatation évidemment fausse d’un point de fait ne suffisent pas à justifier l’annulation d’une sentence», les arbitres ayant en cette matière de larges pouvoirs d’appréciation. Et donc là aussi, le recours au TF est d’emblée voué à l’échec.

En tout état de cause, La sentence à Juge unique du TAS met fin au litige né de la décision du 12 novembre 2015 sans l’avoir examiné au fond et pause, au demeurant, la question sur l’effectivité des décisions de justice au Cameroun et sauf une annulation, très improbable, par un recours au TF, Monsieur TOMBI restera en poste jusqu’aux nouvelles élections à la FECAFOOT.

Source: Charly NOAH