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Crise ethnique: qui sommes-nous ?

Monument Reunification Cameroun Camou Le monument de la réunification

Lun., 13 Nov. 2017 Source: Roland TSAPI

La crise anglophone qui secoue deux régions du Cameroun depuis un an est aussi et surtout une crise identitaire, née de l’impression que les uns sont différents des autres. Les replis identitaires amènent alors les uns et les autres à considérer les prochains comme des étrangers, tout cela encouragé par des politiques officielles. Depuis 1996, la notion d’autochtone a été introduite dans la loi fondamentale qu’est la Constitution, dans son point 2 du préambule où on peut lire que « l’Etat assure la protection des minorités et préserve les droits des populations autochtones conformément à la loi ». Autochtone désignant ceux qui résident dans une localité donnée depuis longtemps, par opposition à allogène qui désigne ceux qui sont arrivés par la suite et s’installent progressivement. Il faut rappeler que cette notion fut adoptée en 96 quand certains leaders politiques dans la ville de Douala, qui organisaient les marches contre le multipartisme en 1990 ont ouvertement appelé les ressortissants de certaines régions des envahisseurs. L’introduction de cette notion fut critiquée comme étant les germes du tribalisme et de la division, sans changer grand-chose.

Avant la Constitution, le repli identitaire était déjà entretenu au Cameroun dès la naissance, quand il fallait préciser dans l’acte de naissance la « race » du nouveau-né. Et comme il n’y avait ni blanc ni jaune, tous étant des Noirs, on remplissait cet endroit avec des termes comme Bamiléké, Beti, Eton et autres… Depuis quelques années, le vocable « race » a disparu de ce document, mais le repli identitaire continu d’être entretenu dans certains documents administratifs comme les fiches des concours officiels, quand il faut préciser la région d’origine. Ce qui rend parfois confus un candidat qui est né à Douala par exemple, département du Wouri Région du Littoral, qui n’a jamais mis pied à Bakou dans le département du Haut Nkam Région de l’Ouest d’où est originaire son père, ni à Nitoukou dans le département du Mbam et Kim Région du Centre, où est née sa mère et à qui son père demande de mettre comme Région d’origine l’Ouest. Parfois le père qui se réclame de Bakou est en réalité née à Kumba dans le Sud-Ouest quand son père y était en fonction et y a rencontré une femme elle-même née quelque part dans l’Extrême Nord et d’un père beti.

«Arrêtez ce faux débat !»

D’où venons nous en réalité, la question se pose tous les jours quand chacun essaie de regarder un peu plus loin en arrière, pour constater que son village a été fondé par un homme qui avait migré de tel village suite à un malentendu pour s’installer, par tel fils de tel autre village qui avait été écarté de la succession de son père, ainsi de suite. C’est le lieu pour nous de partager cette interpellation d’un confrère journaliste à la Crtv, Dania Ebongue, qui s’adresse au Camerounais lambda et l’invite à faire un arrêt pour scruter ses origines, il risquera d’être bien surpris. Il dit : « Arrêtez ce débat stérile de l’axe Nord-Sud au Cameroun. Arrêtez ce faux débat ! De quel sud parlons-nous ? De quel Nord parlons-nous ? De quelle tribu êtes-vous ? Vous seriez donc de l’ethnie Bafia, précisément chez les Mbiamou ? Et vous ignorez que les Bafia sont des descendants des Goulfié dans l’Extrême-Nord du Cameroun ? Vous oubliez qu’à 10 km de Makari dans le département du Logone et Chari, se trouve un village qui s’appelle Mbiamou aussi ? Les Goulfié de Makari sont-ils donc différents des Goulfié de Bafia ? De quelle ethnie me parlez-vous donc ? Les Pongos de Dibombari dans le Littoral, et les Fong de Zoétélé dans le Sud, n’ont-ils pas le même ancêtre nommé PONGO ZONGO ? Demandez à l’anthropologue ABOUNA, il vous le dira.

De quelle ethnie parlez-vous ? J’ai découvert une fille Moundang qui s’appelle Poka. J’ai découvert qu’il y’a également des Tchuinté, des Djabou, des Foka chez les Moundang. Vous savez pourquoi ? Parce que les Moundang de l’Extrême-Nord et les Bangangté de l’Ouest, c’est le même peuple. Oui, de quelle tribu êtes-vous ? Vous dites que vous êtes Yambassa ? Demandez aux Yambassa du village Kananga dans le Centre, pourquoi il existe un peuple Kananga en RDC, et pourquoi ce peuple parle la même langue que le Gunu ? Demandez aux Yambassa pourquoi il existe des Yambassa déportés en Sierra Léone ? C’est parce que, pendant la traite Négrière, beaucoup de Yambassa se sont retrouvés vendus en esclaves en Sierra Léone. As-tu oublié tes frères Nanga Eboko qui vivent actuellement en Namibie ? C’est parce que la Namibie était une colonie allemande comme le Cameroun, et beaucoup de Nanga Eboko ont été déportés en Namibie. Demandez au Professeur Eloundou Eugène, l’historien.

«Tu es tribaliste parce que tu es ignorant»

Ne soyez pas surpris de retrouver des Ndongo en Namibie, et ne soyez pas surpris de trouver des Obam au Gabon, des Obamè en Ouganda, ou des Obama au Kenya. De quelle ethnie êtes-vous alors ? Tu détestes l’Eton, toi le Yambassa, c’est parce que tu ignores que tous les Yambassa sont des Eton. Tu détestes les Tikars, toi le Bamoun, pourtant, tous les sultans et héritiers du trône Bamoun, sont initiés jusqu’à présent chez les Tikars. Vous me dites que vous êtes anglophone ? Un anglophone Bali est-il différent d’un Tikar ? Un anglophone Bakweri ou Bakossi est-il différent du francophone Duala ? Tu as tout faux !!! Tu es tribaliste parce que tu es ignorant. Tu es tribaliste parce que tu ignores que tu appartiens à la même histoire que ton camarade du village ou du département voisin. Tu appelles les gens du sud Gadamayo ? C’est-à-dire ceux qui ont traversé le Mayo ? Mais c’est justement la preuve qu’ils étaient avec toi avant, et qu’ils ont traversé le Mayo. Toi de l’Adamaoua, tu as oublié que tu as appelé un cours d’eau Mayo Mbam ? Pourquoi, parce que le Mayo Mbam est la source de tous les Mbamois, y compris les Baboutés, ancêtres des Bétis, des Sanaga, des Etons, des Yemandés, des Banen, des Yambassa, etc. Arrête de m’appeler étranger ! C’est toi qui es étranger à ta propre histoire. Demande au professeur KOUM A NDOUMBE III et tu verras qu’il existe une seule Afrique… »

Auteur: Roland TSAPI