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Etoudi: ce que cache réellement le discours de Paul Biya

Biya Sisiku Ultimatum Cameroon Ambazonie Paul Biya s'est adressé aux jeunes le 11 février dernier

Mar., 13 Févr. 2018 Source: Marie-Claire NNANA

Il y a deux manières pour un homme d’Etat d’aborder un exercice aussi délicat que le message à la frange la plus jeune de la population. La première, c’est une approche quantitative et prosaïque, consistant en une énumération quasi arithmétique des réalisations de l’Etat au profit des jeunes, à l’image d’un Etat-réservoir qui remplirait consciencieusement et péniblement une grande « citerne des désirs ». Cette manière de procéder est toujours plébiscitée, surtout lorsqu’elle s’accompagne de quelques effets d’annonce.

La seconde, qui n’exclut pas le bilan, car il est toujours utile de mentionner les acquis, est une exhortation qui a une tout autre portée, celle de réarmer moralement les jeunes, de toucher l’inconscient collectif, de mettre notre monde en perspective et d’y projeter la place du Cameroun. C’est la voie qu’a choisie le président de la République en s’adressant à ses jeunes compatriotes samedi dernier à la veille du 11 février, fête de la jeunesse.

Dans une ambiance de conversation au coin du feu, Paul Biya a entretenu ses jeunes interlocuteurs presque d’égal à égal. Certes, dans le passé, il avait eu à déclamer ses messages sur le mode cœur à cœur. Ainsi, a-t-il souvent engagé les jeunes à l’audace et à la créativité, au culte de l’effort et à l’intégrité. Mais jamais encore, l’on n’avait ressenti son discours comme la leçon d’une vie pour une autre vie, comme le dévoilement des enseignements tirés de sa riche et longue expérience au service de la nation. Ces enseignements inspirent eux-mêmes cette exhortation à la jeunesse à la fois intimiste et solennelle que nous analysons en trois volets :

Le premier : la résilience d’une nation.

On peut toujours ergoter, comme le font à longueur de journée les intellectuels médiatiques et les polémistes, sur les fêlures du tissu social d’un pays aussi complexe que le Cameroun, véritable patchwork humain, linguistique et culturel. Mais la solidité de l’édifice national se mesure aussi à sa capacité de résistance aux crises multiples qu’il traverse, qu’elles soient endogènes ou exogènes.

Et de fait, comme l’analyse avec justesse Paul Biya, trois secousses majeures ont remué le pays à des degrés divers en cinq ans : la guerre insensée contre les extrémistes de Boko Haram, le ralentissement économique né de la chute des cours du pétrole et des prix des matières premières, sans oublier la situation qui prévaut dans les régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest. Ces menaces touchaient à l’économie, à la sécurité et à la stabilité politique et sociale, domaines névralgiques s’il en est. Et pourtant, le pays, quoiqu’ébranlé, est resté debout. Grâce à la solidarité des Camerounais, au professionnalisme des forces de maintien de l’ordre et de défense.

Ce qui permet au premier Camerounais de délivrer une première leçon à ses jeunes concitoyens : la solidité des fondements de notre nation est une réalité. Et la résilience des Camerounais, un fait établi. D’ailleurs, pour les jeunes, il ne s’agit pas seulement de s’extasier devant l’esprit solidaire et résilient, il faut le construire et le conforter en prenant toute leur part aux combats que mène le Cameroun contre l’ennemi, ou contre lui-même.

Le second : l’appel à la lucidité.

Sur ce point, il est de bon ton d’évoquer les réseaux sociaux et leur puissance mortifère, mais aussi tous les canaux plus ou moins identifiés par lesquels des individus, des institutions, des lobbys ou des puissances prétendent formater l’inconscient de notre jeunesse et orienter sa vision du monde. Le président de la République entend attirer l’attention des jeunes sur la nécessité de garder présent à l’esprit l’essentiel : l’amour du drapeau. Seules une vigilance et une lucidité à toute épreuve leur permettront de ne pas se trouver à leur corps défendant en porte à faux avec les intérêts du Cameroun.

De manière concrète, si l’Internet peut constituer une formidable opportunité humaine et professionnelle pour la jeunesse, il est aussi le lieu de tragiques dérives et d’impostures grossières, les fameux « fake news ». Dans ce média sans autorité ni responsabilité, la conscience individuelle et le patriotisme doivent constituer des phares et des garde-fous. Mais ce n’est pas tout.

Dans le village planétaire traversé par la violence, les bouleversements idéologiques et climatiques, la volatilité des positions et des alliances, les jeunes doivent intégrer qu’il y a une myriade d’enjeux stratégiques.

Ce qui explique un irrépressible désir d’influence chez certains acteurs. Qui s’exerce à travers les réseaux sociaux, mais surtout par le biais des médias traditionnels, la télévision, la radio, la presse écrite. Toute une vision du monde, calquée sur la culture occidentale y est développée, dans le but d’uniformiser la pensée et les comportements. Au mépris du droit à la différence et d’autres droits fondamentaux comme le droit des peuples à l’autodétermination. Vigilance !

Le troisième : l’appel à l’action.

Le chef de l’Etat, au terme d’un discours qui apparaît à tous égards comme fondateur, exhorte les jeunes à regarder lucidement le présent et à aborder l’avenir avec une sereine espérance. Ils devront savoir saisir les multiples opportunités que l’Etat a mises au jour, malgré les difficultés du moment.

Le Cameroun peut en effet se targuer d’avoir un système scolaire et universitaire performant qui met résolument le cap sur la professionnalisation des enseignements et le partenariat universités/entreprises. Un classement international récent distinguait en ce début d’année, quatre universités camerounaises parmi les dix meilleures universités du continent noir. Ce résultat suppose une vision ambitieuse et des moyens pour en dessiner les contours, en construire la substance.

Les jeunes Camerounais ont donc les armes, notamment une bonne formation académique et civique pour affronter le milieu de l’emploi et le monde des adultes. L’appel qui leur est lancé ici est de ne pas se murer dans un attentisme indolent, en sacralisant le rôle de l’Etat-providence et la politique d’assistanat. Mais plutôt de s’emparer avec volontarisme, de toutes les possibilités existantes dans l’administration et le privé, de capitaliser les facilités créées par le gouvernement pour rendre l’environnement économique propice à l’auto-emploi et de se montrer curieux en ce qui concerne les projets et les financements dédiés aux jeunes dans le Plan d’urgence triennal.

Il s’agit là en réalité d’opérer une transformation des mentalités : offrir à son pays, plutôt que d’attendre de lui prendre. Cultiver les valeurs, vivre pleinement sa citoyenneté. C’est à ce prix que les jeunes se feront les dents et prendront le relais des adultes, avec en prime une certaine idée du Cameroun dessinée par le chef de l’Etat : un pays uni, pluriel, fier, conquérant, qui met un point d’honneur à tracer sa propre voie. Ils devront la défendre avec ferveur !

Auteur: Marie-Claire NNANA