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Un Professeur refuse de soutenir la grève de ses collègues enseignants et il donne ses raisons

Un fait peu commode à souligner

Jeu., 3 Mars 2022 Source: Dr Louis Marie Kakdeu

Au Cameroun, malgré les discussions entre autorités et enseignants, la grève se poursuit. La primature annonce un terrain d'entente. Mais les enseignants déplorent que plusieurs de leurs revendications ne sont pas prise en compte. Autre fait peu commode, c’est le fait qu’un de leur pair, un professeur d’université puisse déclarer ouvertement ne pas les soutenir et ce dernier s’explique.

Lisez ci-dessous les explications de l’universitaire.

Tout d’abord, je vais vous mettre à l’aise. Je suis enseignant moi-même et l’ensemble des 20 revendications portées par OTS pourrait me profiter à moi-aussi. Mais, deux raisons m’empêchent de les suivre :

Je ne vais pas à la pêche : mon niveau d’expertise en tant qu’enseignant m’empêche de jeter le filet dans l’eau sans savoir ce que je vais attraper. Je ne peux plus me jeter dans l’eau alors que j’ai la tête pour réfléchir. Je ne saute plus dans le vide. Je m’explique mieux: Le problème avec nos revendications politiques et même de la société civile est qu’elles se font à contretemps et en décalage avec le mode de fonctionnement d’un Etat.

Un Etat fonctionne avec un budget et on ne mélange pas les lignes budgétaires. Si le Président de la République le fait régulièrement, ce sont des fautes de gestion qu’une opposition ou société civile éclairée devrait dénoncer. On doit se battre pour améliorer les choses chez nous et non, comme c’est toujours le cas, pour profiter du dysfonctionnement du système.

Nous ne pouvons plus porter des revendications qui poussent le gouvernement à ajouter des fautes de gestion sur ses propres fautes de gestion (mauvaise gouvernance). Je veux dire que c’est lorsque le gouvernement dépose son projet des lois de finances que l’on devait voir l’ensemble des groupes de pression se lever pour défendre leurs intérêts. Or, ce n’est pas le cas. Le budget passe comme une lettre à la poste au Cameroun. Il n’y a qu’en novembre 2021 que l’on a eu un débat identitaire autour de la « taxe sur les tontines ». Nous ne sommes intéressés que par les questions ethniques/ communautaires et nous attendons à ce que les choses marchent bien chez nous.

Dans le forum de ma promo à l’université, j’avais l’habitude d’initier ce genre de débat. Ce sont mes collègues, pauvres enseignants, qui m’ont rappelé que j’étais contre le « Chef de l’État » qui, du haut de sa magnanimité, avait bien voulu nous recruter. Mes chers collègues, lorsque vous réfléchissez ainsi, ce n’est pas l’opération « craie morte » qu’il faut lancer ou soutenir. Dans votre logique clientéliste, il faut plutôt initier une motion de déférence au chef de l’État afin que du haut de sa magnanimité il ordonne une augmentation, non?

Et s’il le fait, je serai le premier à dénoncer parce que ce serait une catastrophe économique et financière: non seulement ce n’est prévu nulle part dans la loi des finances 2022 mais aussi et surtout, la conjoncture économique est morose. Les indicateurs économiques du pays sont au plus bas. Mon action à moi ne consiste à ajouter les charges de l’État. Je propose des pistes de création des richesses supplémentaires et je suis contre le gouvernement en place, contrairement à beaucoup d’entre vous qui sont dans le réseau de clientèle, parce qu’il ne saisit pas ces opportunités qui se présentent à nous aujourd’hui notamment dans la production nationale au Cameroun.

Les enseignants camerounais ont choisi le chemin de la clochardise: Ils ne veulent pas entreprendre dans cet océan d’opportunités entrepreneuriales qui nous entoure. Vous dites que c’est vous qui formez celles ou ceux qui s’enrichissent en transformant notre environnement.

Dites-moi! Pourquoi vous n’utilisez pas vous-mêmes ces connaissances scientifiques et techniques-là pour créer la richesse? Quelle loi dans la République vous interdit d’entreprendre ? Vous formez les marketistes ou autres cadres qui travaillent chez MTN, Orange, et autres grandes entreprises.

C’est écrit où qu’un Dr ou Pr ne peut pas être directeur commercial dans une entreprise afin de gagner dignement sa vie ? Bougez-vous ! Car, le monde bouge! Vous voulez que j’aille manifester pour qu’on ajoute FCFA 10 000 ou 20 000 sur mon salaire? Cela me servira à quoi? Mieux, je pars planter ou arroser mes citronniers, non ? Come on !! En tout cas, que ceux qui veulent se faire clochardiser continuent sans les gens comme moi !

Dr Louis Marie Kakdeu

Auteur: Dr Louis Marie Kakdeu