Opinions

Actualités

Sport

Business

Culture

TV / Radio

Afrique

Pays

Préparation à la succession, quand Biya piège les généraux de l'armée - Valère Bessala

Paul Biya a 89 ans

Tue, 12 Apr 2022 Source: Valère Bessala

Pour le leader du parti politique "Jouvence", la mort du Contre-Amiral Nsola a été utilisé comme un test de loyauté de l'armée par le chef de l'Etat Paul Biya. Ci-dessous la tribune de l'Administrateur civil.

---



"Il s'appelait NSOLA Jean-Pierre. Un marin. Contre-Amiral dans l'Armée Camerounaise. 39 ans de service sous les drapeaux. Originaire du village Nkol Enyeng, arrondissement de Meyomessala, le même que Paul BIYA, département du Dja et Lobo. Région du Sud. Son dernier poste: Attaché de Défense du Cameroun en Chine. Premier et seul général radié de l'armée. Mort à l'âge de 71 ans. Enterré par sa seule petite famille nucléaire sans aucun honneur militaire. Sans la présence de ses pairs généraux.

Pour qu'on se comprenne rapidement...

Je viens de dépeindre le sujet. Pour qu'on se comprenne rapidement et que nous allions droit à l'essentiel.

Pas besoin de rappeler ce qu'est un Général dans notre pays. Pour le pouvoir en Hauts lieux, il est plus important qu'un ministre de toutes les façons. Pas besoin de rappeler les égards que le Chef des Armées voue à ses troupes en termes de traitement, d'avantages et de privilèges, pour comprendre que c'est le premier pillier de son maintien au Trône.

Pas besoin de rappeler qui était le Contre-Amiral Nsola pour Paul BIYA...un homme fidèle et loyal...UN FILS pour faire bref.

Quelques faits d'armes du Grand Soldat Nsola …

Pas besoin de rappeler la contribution majeure de ce ''fils'' du Président dans la consolidation et la matérialisation de la Réforme des Armées de 2001. Pas besoin de rappeler ses alertes majeures sur les nombreuses surfacturations sur les acquisitions en matériels militaires divers, des bâtiments de la Marine Nationale, et des forces spéciales comme la célèbre affaire du Rio del Rey et autres en Chine, au temps de l'ancien ministre de la Défense embastillé.... ce qui lui a valu d'être inscrit au tableau de la disgrâce par le réseau des surfacturateurs et des rétrocommissionnaires de la grande muette.... besoin de rappeler les conditions dans lesquelles il a été radié ou révoqué de l'Armée par les manœuvres de sa hiérarchie ministérielle, pour avoir dénoncé ces faits... Pas besoin de rappeler comment il a vécu jusqu'à sa mort, ce retrait en toute humiliation, en toute humilité, en tout effacement, sans créer de vagues, sans se plaindre. Pas besoin...pas besoin...

Décryptons notre fresque....

Je viens de repeindre le sujet. Décryptons notre fresque.

En interdisant les honneurs militaires et des obsèques officielles dûes à son rang, Paul BIYA a frappé un grand coup dans la fourmilière sourde et hypocrite de l'armée. BIYA a refusé les honneurs a ce serviteur de longue date, un fils de son propre arrondissement d'origine, que lui même a fabriqué de ses propres mains..., mais il n'a pas interdit à ses paires généraux d'aller EN CIVIL à la morgue ou à son inhumation au village. Tous lui ont tourné le dos parce que le Chef lui a refusé des honneurs.

Tous...sauf UN...

Tous sauf un. Le Contre-Amiral NJINE DJONKAM. Le seul qui a compris le Code BIYA. Le seul qui a compris que c'est dans la douleur, le malheur ou la tristesse que l'on reconnaît ses VRAIS AMIS. Le seul qui a fait mentir l'adage qui dit qu' on est avec le chef parce qu'il est chef et tant qu'il est chef . Le seul qui a démontré à Paul BIYA qu'il lui restera fidèle et loyal même si demain tous les hauts gradés de l'armée venaient à l'abandonner... Et pourtant le seul arrondissement de Meyomessala compte deux(2) autres généraux en activité. Ils auraient même pu prendre pour prétexte d'aller se reposer le temps d'un week-end au village pour accompagner leur frère à sa dernière demeure...mais NON. C'est le général NJINE DJONKAM qui n'est ni son cousin, ni son frère de sang, d'ethnie ou de tribu, qui est parti de de son Ouest natal...pour faire le dernier chemin jusqu'au Sud du pays, avec ce vieux serviteur de la République et du Chef des Armées...

Abandonner NSOLA aujourd'hui...c'est abandonner BIYA demain...

C'est bien de cela qu'il s'agit. Avec cette situation, BIYA a testé et éprouvé la loyauté de ses généraux. Quand on sait qu'il a toujours éprouvé la loyauté et la fidélité de ses ministres...et Dieu seul sait qu'ils ne font pas les doigts d'une seule main qui donneraient pour lui ce qu'ils ont de plus cher...il a profité de cette occasion rare de mettre les hauts gradés de l'armée à l'épreuve. Et tous son tombés...sauf un seul. Il ont démontré en lâchant NSOLA aujourd'hui... qu'il feraient la même chose au Chef des Armées demain. Le Président leur a-t-il interdit de se rendre à la morgue ou d'aller à Meyomessala ? Le Président a-t-il donné permission uniquement au Général NJINE DJONKAM ?...Quelques questions stupides comme celles-là... suffisent à faire constater le niveau fermentation de la fragmentation au sommet de notre Armée.

Que recherchait Paul BIYA ?

Soyons concret. Qu'est-ce-que BIYA recherchait? Ce n'est pas chose aisée, mais rentrons dans le cerveau de L'Homme LION et essayons d'en tirer quelques chose. BIYA voulait avoir des réponses à quatre(4) principales questions:

1° L'armée et les hauts gradés sont-ils toujours suffisamment embourgeoisés au point de manquer de solidarité ?

2° Les hauts gradés peuvent-ils faire bloc en toutes circonstances ?

3° Le Haut commandement de l'Armée et les hauts gradés ont-ils une capacité d'auto initiative ?

4° Les Hauts gradés peuvent-ils rester fidèles au Président au cas où...ou si le 6 avril 1984 se répétait?

Le Président ne fait plus confiance aux hauts gradés de son armée

A chacun de répondre. Mais ils sont tous tombés...sauf un seul. Il y a longtemps que le Président ne fait plus entièrement confiance aux Hauts gradés de son armée. Pour le comprendre, l'on n'a qu'à étudier en profondeur la réforme de l'armée de 2001.

Le Chef des Armées a créé des micros armées dans l'Armée. Il a renforcé et étendu la capacité d'intervention de certaines forces spéciales telles le BIR et la Garde Présidentielle qui d'ailleurs ne dépendent que directement de lui. Il a multiplié les régions militaires et fait des généraux des petits rois. Il a subtilement coupé ces hauts gradés du reste des troupes qu'il gère par d'autres canaux. La conséquence étant que les hauts gradés n'ayant pas une véritable mainmise sur les troupes, soit se contentent de leur confort, soit passent le clair de leur temps à des batailles de positionnement. Ce qui permet à BIYA de lire les ambitions et la dangerosité des uns et des autres.

BIYA se délecte de la migraine de l'armée !

L'armée camerounaise est donc en migraine.

Cela est d'autant plus vérifiable à ce jour. Car BIYA peut assister avec un sourire narquois au bal de connivence que tissent certains de ses proches collaborateurs ministres avec certains Hauts gradés pour percer le mystère et s'installer au cœur du dispositif de maîtrise des forces spéciales acquises au seul contrôle du Président. En d'autres termes les comploteurs ont compris qu'un coup d'Etat ne peut être réussi tant que l'on n'a pas dans la combine la Garde Présidentielle, le BIR, et certaines autres forces spéciales excentrées, dont le fonctionnement reste nébuleux et hors de leur atteinte.

Pour terminer...

En quelques mots et pour en finir...BIYA prépare sa succession. Et il a marqué un grand coup avec la déchéance du Contre-Amiral Nsola. Le PRINCE ne paie pas de mine quand il est question de tirer au clair les affaires de la Cité . Pour les besoins de la cause...il sacrifie même ce qu'il a de plus cher... même ceux qu'il porte dans son Cœur.

Ce sera sans surprise...

Qu'on ne soit donc pas surpris...et c'est mon souhait à moi...que le Contre-Amiral Nsola renaisse plus grandi sous les drapeaux, à travers sa progéniture qui y est déjà...mais surtout...que le Général NJONKAM soit récompensé pour sa loyauté et sa fidélité à un grand ami, un frère d'armes. Une loyauté qui rassure Paul BIYA de ce qu'ils ne sont pas tous hypocrites. Une fidélité qui rend compte de ce que tous ne suivent pas l'odeur du fumet".

Auteur: Valère Bessala