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Cameroun : Les limites de la politique de l'équilibre régional

Yaoundé

Mer., 4 Mai 2022 Source: Louis Marie-Kakdeu

Beaucoup d'entre nous en parlent et s'y accrochent sans comprendre ce que c'est en réalité. L'équilibre régional est en principe une politique de discrimination positive appliquée en compensation pour régler une situation d'inégalité sociale causée par la mise en œuvre d'une politique publique jadis en vigueur. C'est une politique qui croit pouvoir permettre de faire le rattrapage de l'écart causé injustement entre les communautés nationales par les pouvoirs publics. En Côte d'Ivoire, l'on a même parlé de politique de "rattrapage ethnique".

Pour le cas du Cameroun, l'État s'est rendu coupable d'abandonner certaines régions du pays dans la sous-scolarisation par exemple ou encore dans l'enclavement. Dans tous les cas, la colonisation occidentale était entrée par la Côte Atlantique, ce qui a favorisé le concept d'arrière-pays (enclavé). Par conséquent, si l'on passait à la libre compétition, alors les enfants de ces régions enclavée n'allaient jamais réussir, non pas parce qu'ils sont moins doués que les autres, mais parce que l'État n'avait pas créé les conditions de la libre compétition dans leurs régions.

Où est le problème ?

La politique de discrimination positive n'est efficace pour régler une injustice sociale que lorsqu'elle est ponctuelle. Ce n'est pas une politique permanente comme au Cameroun. Cela veut dire quoi? Qu'au lieu de travailler pour régler le problème de l'inégalité qui la justifiait, les politiciens véreux ont travaillé à aggraver les inégalités pour justifier leur éternisation au pouvoir et à certains postes de responsabilité. Ainsi, en 2022, on parle toujours de ZEP (Zone d'éducation prioritaire) au Cameroun, ce qui est absurde. En clair, c'est dans ces régions que vous avez depuis près d'un demi-siècle des présidents de la République, des premiers ministres et autres présidents de l'assemblée nationale ou du Conseil économique et social.

La question est de savoir comment les régions d'origine des principaux décideurs du Pays sont des ZEP depuis les années 1960? La réponse est que c'est leur fonds de commerce puisque, lorsqu'ils le veulent, ils dirigent le pays à travers les plans d'urgence de reconstruction que l'on aurait pu adopter pour effacer l'image hideuse des ZEP du paysage éducatif dans notre pays. Quelle idée de maintenir des écoles en tige de maïs pour rester au pouvoir ! Dès que vous tentez de critiquer leur bilan, ils instrumentalisent le tribalisme. Ils arrivent à expliquer aux fanatiques que c'est parce que vous êtes privilégié que vous "osez parler". Le problème est que beaucoup d'entre-nous jouent encore ce jeu consciemment ou inconsciemment. Nous animons les affrontements artificiels entre Nordistes et Sudistes, Bamileke et Betis, Francophones et Anglophones, Chrétiens et Musulmans, etc. Certains ont même créé des groupes comme Ekang, La'akam, Essigan ou d'autres histoires comme ça qui n'ont qu'une valeur politicienne.

Moi, né à Banka par la volonté de la Providence, la société m'explique que je dois automatiquement détester un Beti alors qu'il ou elle ne m'a rien fait. Et vous voyez des gens qui font ce jeu. Vous avez aussi des Betis qui trouvent que les Bamilekes sont une menace. Quel genre de menace que l'on ne peut pas valablement repousser ? L'affaire des terrains? Parlons-en ! Il ne s'agit pas d'un problème ethnique ! Il s'agit plutôt d'une mauvaise politique d'urbanisation appliquée par notre gouvernement depuis les années d'indépendance ! Nous subissons partout à travers le pays l'urbanisation anarchique ! Au lieu de régler ce problème depuis longtemps, les politiciens véreux en avaient fait une affaire de Bamilekes jusqu'à ce que la réalité nous rattrape en 2022. Le Mincaf vient de suspendre la vente de terrain dans 22 départements du pays non pas pour lutter contre les Bamilekes mais, pour stopper les appétits des autochtones eux-mêmes ! Qui avait acheté toute la Vallée de Ntem? Néo Industry? Non! Dieu seul sait pourquoi les politiciens véreux n'ont pas médiatisés la liste des prédateurs fonciers du Sud!

Mes chers amis, le pays se meurt et nous n'avons aucun intérêt collectif à perpétuer ce jeu. C'est le Président Ahidjo qui avait instrumentalisé l'affaire de Nord musulman et de Sud chrétien pour asseoir son pouvoir. C'est le fameux lobby islamo-peuls dont parlait Valère Bessala sur le plateau de Club d'élites dimanche dernier. Mais, Ahidjo n'est plus là. Pourquoi perpétuer cette politique injuste dans la mesure où tout le monde sait aujourd'hui que le Nord n'est pas essentiellement musulman ? Il ya des Anglophones de la vieille école qui veulent être Président de la République. C'est légitime. Le problème est qu'ils ne se rappellent pas que Ni John Fru Ndi avait été voté par l'ensemble des Camerounais en 1992. Ils ont plutôt opté pour l'instrumentalisation de l'Ambazonie en vue de gagner ce poste autour d'une table des négociations et ce, après avoir engendré tous ces dommages que nous connaissons. Que proposent-ils pour sortir le Sud-Ouest du ZEP? Rien du tout ! Est-ce le chemin du développement que nous choisissons ? Et certains lobbies nocifs de la même vieille école veulent reproduire ce schéma au Nord avec cette histoire de 10 millions de Nordistes. Des gens qui veulent gagner le pouvoir sans convaincre ni les Nordistes ni la communauté nationale. Que propose le mouvement 10 millions pour désenclaver le Nord? Rien du tout! Ils se contentent d'instrumentaliser nos différences identitaires. Quel dommage !

Bref, mes chers amis, nous avons les cartes entre nos mains et nous avons le droit de choisir. C'est la démocratie !

Pour ma part, je ne pense pas que le chemin de notre bonheur collectif passe par l'équilibre régional sous sa forme actuelle. C'est depuis plus de 30 ans que nous faisons la politique politicienne qui ne permet pas de créer la richesse dont nos populations locales ont besoin pour vivre. Nous allons crever Tous si nous continuons à faire ce jeu identitaire. Le FMI n'aura pas pitié des populations locales lorsqu'il nous imposera très bientôt une nouvelle politique d'austérité. Nous devons nous mobiliser pour produire maintenant ou pour crever à jamais !

Si vous êtes mon frère Beti, Nordiste ou Anglophone, embrassez-moi à chaque fois que nous nous rencontrons car, je ne sais pas pourquoi je dois faire une guerre par procuration et détester des gens qui ne m'ont rien fait. Je suis concentré à réfléchir pour la production nationale. Depuis que le Bamileke Niat est Président du Sénat, cela n'a pas encore fait pousser un seul grain de maïs chez moi à Banka. Par conséquent, s'il était candidat, il n'aurait pas mon vote! Soyons raisonnables!

Auteur: Louis Marie-Kakdeu