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Vie politique : Sur le chemin de la beauté

Leopold DassiVie politique

Tue, 20 Sep 2022 Source: Leopold Dassi

Qu’est-ce que le beau ? Je pense sincèrement, comme le philosophe Emmanuel Kant, que le beau est ce qui plaît universellement sans concept. On ne peut pas en soi dire comment et pourquoi, ceci ou cela est beau. Il est question d’une appréhension sensationnelle et ce de manière globale, de ce qui est. Pour autant, dire le beau, saisir le beau, ne dit pas qu’il n’existe pas une face lugubre à l’envers. C’est ainsi dit, pour mieux illustrer une photographie des acteurs dans le système politique. Derrière l’étage public, la belle face des lustres et de tous les éclats du pouvoir, se joue régulièrement – là j’exagère un peu- des scènes les plus cocasses et des plus incroyables, qui une fois révélées à la grande opinion, sèment la panique ou la psychose dans la conscience collective, au point où on se demande qui en réalité à travers la planète gouverne les peuples. Le monde actuel est-il dirigé par des hommes qui ont perdu ou vendu toute leur honorabilité ? « Travaillons à la beauté des choses », disait toujours Laurent Sardoux de regrettée mémoire, présentateur vedette d’Afrique midi sur Rfi. « La beauté des choses », devrait tenir par-dessus tout, les hommes de première ligne dans leur déploiement au quotidien. L’arrestation de Guy Nzouba-Ndama de retour du Congo Brazzaville à la frontière de son pays ce samedi 17 septembre 2022, lui l’ex-président de l’Assemblée nationale du Gabon de 1997 à 2016, interroge de manière pressante l’opinion sur au moins deux points. Les portes de la politique sont-elles fermées aux hommes intègres ? Et pourquoi donc chez nous en Afrique, c’est lorsqu’un acteur bascule dans l’opposition que ses péchés les plus immondes sont révélés au grand public ?

Sur la première question, rappelons-nous du roman, « Les mains sales » de Jean Paul Sartre. Faut-il avoir nécessairement les mains sales, comme un crime dans la mafia, pour gage d’une entrée validée dans l’ordre politique stricto sensu ? Ça commence à bien faire ! La France qui se donne et est perçue sous les tropiques comme le modèle de la beauté, de la fluidité politique, étale ces dernières décennies avec concupiscence le sort fou des anciens chefs d’Etat et même parfois ceux en fonction. Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et des accusations infâmantes convergent déjà vers l’actuel locataire de l’Elysée, sont quelques exemples frappants de cet état des choses. François Fillon avec « les boules puantes » qui ne l’étaient pas du tout ; Pierre Bérégovoy qui se suicida le 1er mai 1993, sont des exemples de chefs de gouvernement en France, saisis par les mains sales. Aujourd’hui chacun sait le verdict de la traque lancée depuis l’Hexagone contre les biens mal acquis par les chefs d’Etat africains. Au Cameroun, la prison de Kondengui fourmillent des hautes personnalités de l’Etat, déchus pour des faits avérés de corruption ou de détournement des deniers publics. Comment est-ce que cela se fait ? On est fondé à se demander si tous ces coupables arrivent aux affaires les mains toutes propres et une fois installés, le système les corrompt. Comment comprendre que Guy Nzouba-Ndama, pendant longtemps deuxième personnalité de l’Etat du Gabon, soit arrêté et menotté comme un vulgaire brigand avec 1 milliard et 180 millions de Fcfa en liquide dans ses valises ? L’homme qui pendant longtemps a été perçu sur la place librevilloise comme Monsieur propre, vient de dilapider en une fraction de seconde ce capital de crédit, construit inlassablement pendant des décades. Tout homme politique est-il écartelé entre deux faces, deux personnalités, interdit de ce fait à l’intégrité comme nous le percevons de manière simpliste ? Jean-Bertrand Aristide en Haïti, Fulbert Yolou au Congo Brazzaville, sont par exemple des prêtres qui ont pris les rênes de leur pays, l’histoire sait qu’ils sont partis du pouvoir par des coups d’Etat ! Si même des hommes de Dieu supposés intègres sont pris au dépourvus dans l’exercice du pouvoir, n’est-il pas temps d’ériger des lois inviolables, établies avec un maximum de consensus, comme le directeur de conscience des acteurs politiques ? Au Cameroun par exemple, le pouvoir traque les bandits à col blanc dans le vide de l’article 66 de la Constitution qui aurait été à la base de toute poursuite saine. Seules les lois encastrées dans du marbre, peuvent nous aider à mieux arrêter les éventuels errements des hommes politiques ou les hommes aux affaires. Socrate disait que l’homme naît bon, mais l’environnement le corrompt. En politique, cette maxime vaut tout son pesant d’or.

Que c’est laid, d’être opposant !

La deuxième question soulevée au début de ce papier est de savoir pourquoi chez nous en Afrique, c’est lorsqu’un acteur bascule dans l’opposition que ses péchés, ses fautes, les plus immondes sont le plus souvent révélés au grand public ? De ce point de vue, il convient de noter que l’infortuné Guy Nzouba-Ndama est en entré en dissidence avec le pouvoir d’Ali Bongo Ondimba depuis 2016 et est aujourd’hui à la tête du parti politique « Les démocrates ». C’est donc d’office reconnaître que par cette posture, il se tenait déjà sur l’autoroute des flèches, la cible du pouvoir. Afficher publiquement ou ouvertement ses ambitions pour la quête du pouvoir revient en quelque sorte de s’attirer tous les ennuis du monde. Une sorte de bête noire et pourquoi pas la vermine qu’il faut écraser au plus vite ? Et dans ce sillage, c’est épris par le sentiment de beauté et d’humanisme que nous appelons de tous nos vœux de moraliser, de civiliser les mœurs en politique. Il est désormais question d’aménager des lois qui fondent les prédispositions pour les tenanciers du pouvoir à accepter sans encombres la saine concurrence en politique, en d’autres termes, il est question d’intégrer une fois pour toute que la démocratie, la matérialisation des divergences et donc des oppositions. C’est donc là, une urgence pour les hommes qui tiennent le pouvoir, de se laisser gagner par l’esprit de gentlemen ou gentlewomen, comme on l’a vu ces derniers temps en Grande Bretagne avec le départ de Boris Johnson. Il s’en est allé, je voulais dire qu’il est parti du pouvoir pour une question d’honneur ou d’éthique en politique. L’homme politique, comprend-on aujourd’hui, est in office. Il est un sacrificateur qui œuvre en faveur du peuple. Toute trahison est impardonnable. Boris Johnson a organisé juste une fête avec les amis en plein Covid-19, au moment où mourraient les britanniques. Cela a été une indécence insupportable pour l’opposition et les siens qui l’ont lâch& sans aucune faoblesse. Voici l’esprit, voici la beauté des choses ! Ce beau-là, il est encore si éloigné de nous, car chez nous, c’est à qui couvrira mieux les errements du pouvoir, c’est à qui assénera mieux les coups de grâces aux opposants du prince ! Bien sûr, il arrive que ces opposants prêtent eux-mêmes le flanc à leurs multiples douleurs, comme c’est le cas pour Guy Nzouba-Ndama actuellement. On sait pour terminer, l’ostracisme ambiant qui frappe Jean Ping au Gabon, Martin Fayulu en Rdc, Maurice Kamto au Cameroun ou Agbéyomé Kodjo au Togo, pour ne citer que ces exemples. Ils étalent à suffisance l’inélégance, la laideur de la pratique politique. Et c’est ici le lieu d’un cri d’appel à un travail commun pour la beauté des choses, pour une élévation au-dessus des considérations alimentaires, pour céder la place aux rayons de beauté de luire dans le noir de nos penchants égoïstes et individualistes.

Auteur: Leopold Dassi