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Irrecevabilité des dossiers de Fogue et Bibou : retour sur l'audience scandaleuse des prisonniers politiques ce jeudi

Jean Bonheur Résistant raconte le film de la journée du 17 novembre

Fri, 18 Nov 2022 Source: Jean Bonheur Résistant

Tout commence très tôt ce matin du jeudi 17 novembre 2022 par l'élévation comme lors des précédents procès, des barrières à toutes les entrées qui mènent au palais de justice créant ainsi des embouteillages monstrueux au niveau de la poste centrale. Bloqués avec Serge Aimé Bikoi, et Jean Calvin Nounkeu en face du palais de justice, nous parvenons par l'entregent d'un avocat à accéder dans l'enceinte du palais qu'il convient de qualifier de palais de l'injustice.

L'épouse de Olivier Bibou NISSACK est, elle aussi empêchée d'accès au tribunal pour suivre le procès de son époux. Il a fallut qu'un avocat du collectif de la défense intervienne pour que finalement l'accès lui soit accordée.

La sécurité a été suprenamment renforcée par rapport aux précédents procès. Des pickups de police et de militaires font des allers et retours sans cesse. Mais de quoi ont-ils peur ?

Une fois dans l'enceinte du tribunal, nous rencontrons le 2e Vice-Président du MRC, Me Emmanuel Simh entrain d'échanger avec Me Hippolyte Meli Tiakouang Coordonateur du Collectif Sylvain Souop. Nous les rejoignons et un échange est alors engagé. Me Meli nous informe de ce qu'il a assisté (et parfois même intervenu) aux procès de certains hommes politiques de ce pays qui « ont voulu prendre le pouvoir » tout en étant même encore en fonction (ndlr: membre du gouvernement) et il n'ya jamais eu ce ramdam auquel nous assistons honteusement. Que ce soit le procès de l'état du Cameroun contre le Pr. Titus Edzoa, Marafa, Mendoze, Engo etc, la presse couvrait pourtant ces différents procès et il n'y avait aucune restriction ressemblant à ce qui nous est servie aujourd'hui. Au contraire dit-il, les FMO encadraient simplement les populations qui venaient assister au procès et il n'y avait aucun débordement.

Au Président Me Emmanuel Simh de rajouter : à la vérité, il faut reconnaître que tous les FMO ainsi déployés ne sont pas tous toujours contents d'être là quand bien même ce sont des missions pour lesquelles ils gagnent un peu d'argent mais aussi des missions pour lesquelles leurs chefs empochent généralement la grande partie de ce qui est débloqué. C'est alors que Me Simh nous raconte une scène qui s'est déroulée dans un commissariat de la capitale politique après les arrestations du 22 septembre 2020. Les militants et sympathisants du MRC étaient passés à tabac dans ce commissariat en plus d'être insultés. Bref, on leur infligeait des traitements inhumains et dégradants. Et un policier lança à ses collègues : mais bon sang pourquoi vous maltraitez ces gens ? J'ai des gaillards à la maison qui sont diplômés et sans emplois. Ils n'ont pas seulement eu le courage de descendre eux aussi dans les rues. Ces gens ont marché pour demander qu'on donne du travail à ces enfants. Laissez les tranquilles.

Après ces quelques échanges, Serge Aimé Bikoi et moi nous nous rendons donc en salle d'audience autour de 09h16.

09h25 : Nous entendons au loin les prisonniers politiques chanter. C'est ainsi (toujours en chant) qu'ils arrivent au tribunal depuis leur incarcération. On peut les entendre chanter « béré, béré, béré di sofa (x2), pobiya di tchop moni » ensuite,

« Maurice KAMTO arrive, pobiya doit partir (x2) oooh ho ho ho pobiya doit partir (x2).

09h30 : Me Fabien Kengne fait son entrée en salle et prend place auprès de Me Meli et de Me Emmanuel Simh, déjà assis dans le box réservé aux avocats de la défense.

09h35 : Arrivée des prisonniers politiques dans la salle d'audience. Me Simh s'empresse d'aller échanger une accolade avec Pascal Zamboue, Coordonateur National à l'implantation du MRC. Olivier Bibou Nissack est le dernier à entrer en salle, drapé d'un magnifique costume croisé et se dirige vers le box du collectif des avocats de la défense pour leur serrer la main.

09h49 : Entrée du Président du Tribunal et de sa suite et c'est le début de l'audience. Le Président du Tribunal en résumé a dit ceci :

«.. La cour statuant contradictoirement (ndlr : une grosse blague) à l'égard des parties déclare IRRECEVABLE les appels interjetés pour dépôt de mémoires d'appel hors du délai légal et les condamne aux dépens (plus d'un million de FCFA. » Le Président du Tribunal a prononcé la recevabilité de 4 dossiers pour lesquels il a renvoyé l'affaire au 15 décembre.

Il faut que l'opinion publique nationale et internationale soit informée de ce que le Président du Tribunal s'est basé sur un faux document pour prononcer l'irrecevabilité des dossiers en appels des prisonniers politiques. En effet, comme je l'expliquait dans un précédent post relatant le déroulé du procès du 20 octobre dernier, Le greffier en chef avait produit un document signifiant que les prisonniers politiques avaient comparu par devant lui le 21 janvier 2022. Les prisonniers politiques, surpris avaient écrit au Régisseur de la prison de Kondengui pour lui demander si effectivement ils (les prisonniers politiques) avaient été extraits de la prison le 21 janvier 2022 pour comparaître par devant le greffier en chef. Par une lettre qu'il avait signée de ses mains, le Régisseur de la prison centrale de Kondengui leur avait alors répondu qu'ils (les prisonniers politiques) n'avaient jamais été extraits en date du 21 janvier 2022 pour comparaître par devant le greffier en chef. Me Emmanuel Simh avait d'ailleurs donné lecture de cette lettre à la barre le 20 octobre dernier. le 02 février, les prisonniers politiques avaient écrit au Président du Tribunal Militaire de Yaoundé pour réclamer les pièces leur permettant de faire appel. Il était donc impossible de chez impossible qu'ils (les prisonniers politiques) aient été notifiés le 21 janvier 2022 d'une quelconque décision les concernant.

Me Meli avait par ailleurs brillamment expliqué devant la cour que le greffier en chef avait bien fait son travail lorsqu'il avait fallu qu'il (le greffier en chef) demande aux prisonniers politiques de payer certains frais relatifs aux dossiers des prisonniers politiques. Mais en ce qui concerne la notification des documents relatifs aux mémoires d'appels, personne ne peut retrouver la trace de la notification du greffier en chef. Les avocats de la défense avaient donc établi de manière claire et sans qu'il n'ait été possible de les contredire que, l'acte posé par le greffier en chef était constitutif de l'infraction de FAUX EN ÉCRITURE PUBLIQUE. Et c'est malheureusement sur la base de cet acte frauduleux dans un tribunal que le Président du Tribunal a prononcé ce jour l'irrecevabilité des mémoires en appels des prisonniers politiques. La justice se meurt.

Les dossiers jugés irrecevables sont ceux de : Fogue, Bibou, Zamboue Pascal, Sibiap, Mathurin, Djoufo Brice, Ntifalia Oben, Ewodo Wandelin, Tsi Chia Napoléon, Nounemo André, Ngahan, Tefobeau Gérard, Fouomouo, tchuitcha, Fossi Kamdem, Kate Jean, Wamba Bosco, Kengne, Meli, Foueye Xavier, Ouafo, Kopwa, Kapnang, Bamou, Takam, Mbe, Souop Kamdoum, Lontsi, Tamekoue Charles, Fossouo Zacharie, Djontu Serge Honoré, soit 35/39

Les dossiers jugés recevables sont ceux de : Awasum Mispa, Kessouo Mbevo, Tapiele Youda, Tapiele Dongho, soit 4 /39.

Le Président Élu Maurice KAMTO a tenu à serrer la main de chacun des prisonniers politiques avant leur retour en prison.

Le Cameroun n'est donc pas un pays de droit. Un pays de droit est un pays dans lequel l'état lui-même se soumet au droit en respectant les décisions de justice notamment les décisions rendues par des juridictions internationales, le Cameroun ayant ratifié des traités internationaux en s'engageant de les respecter. L'avis du groupe de travail de l'ONU sur la détention arbitraire (GTDA) rendu il y a déjà quelques jours est sans appel : tous les prisonniers politiques doivent être libérés et sans condition.

Pour rappel, à la page 15 (Catégorie III) de l'Avis no 63/2022 adoptés par le Groupe de travail sur la détention arbitraire à sa quatre-vingt-quatorzième session

(29 août-2 septembre 2022), il est expressément écrit : Le droit à un tribunal impartial et indépendant est protégé par l’article 10 de la Déclaration Universelle des Droits de L’Homme et l’article 14 du Pacte14. Le Groupe de travail a affirmé dans sa jurisprudence que LES TRIBUNAUX MILITAIRES NE PEUVENT ÊTRE COMPÉTENTS QUE POUR JUGER DU PERSONNEL MILITAIRE, POUR DES INFRACTIONS MILITAIRES, ET NE DOIVENT PAS JUGER DES

CIVILS, QUELLES QUE SOIENT LES CHARGES RETENUES. Un tribunal composé de militaires, comme dans le cas actuel, ne peut être considéré comme « un tribunal compétent, indépendant et impartial », comme l’exige le droit international des droits humains.

L'état du Cameroun a donc fait fi de l'avis du GTDA et pourtant cet avis devrait avoir une force exécutoire, le Président Élu Maurice KAMTO ayant expliqué hier dans une conférence de presse que ce n'est pas parce-que la décision du GTDA est qualifiée d''AVIS'' que son application est laissée au bon vouloir des états. Il s'agit juste d'une appellation choisie unanimement par les états parties. De même que la saisine du GTDA par un plaignant n'est pas appelée ''plainte'' mais plutôt ''communication''. Bienvenue donc au pays du non droit, un état qui refuse de se soumettre aux décisions de justice. C'était pourtant une porte de sortie Honorable pour les bourreaux des prisonniers politiques de saisir la perche à eux tendue par le groupe de travail de l'ONU sur la détention arbitraire.

[Petite scène insolite : Alors que je prenais en vidéo les prisonniers politiques qui sortaient de la salle d'audience de la cour d'appel du centre en direction du camion devant les ramener à Kondengui, j'ai été pris à parti par un inspecteur de police. Le Porte-parole du Président Élu Maurice KAMTO, Olivier Bibou Nissack pour ne pas le nommer, ayant observé la scène a surgit pour dire à cet inspecteur que j'ai tout à fait le droit de filmer à l'extérieur de la salle d'audience et qu'aucune loi ne m'interdit de le faire. Et il me dit : Jean Bonheur, dis donc sors ton téléphone et on se filme. Le Professeur Alain Fogue venu aussi pour s'opposer aux agissements de l'inspecteur ne décolère pas et lâche à l'inspecteur : « goh-goh et schantal detournent l'argent du contribuable en milliards vous êtes incapables de broncher. C'est sur un modeste citoyen que vous voulez montrer les muscles parce qu'il a filmé ses camarades en train de rentrer en prison où ils sont détenus illégalement. Vous avez des droits qui ne sont pas payés à la DGRE, vous êtes incapables d'indignation et vous mourrez à l'étouffé. A un moment il faut arrêter avec l'excès de zèle. Il faut continuer avec la provocation. Lorsque le peuple sera dos au mur et ne pourra plus reculer, il sera obligé de charger et vous serez les premiers à détaler. C'est ainsi que le NoSo a commencé. Ils ont commencé avec la fronde et ensuite avec les armes artisanales. Dès qu'ils ont tiré sur un BIR et qu'il est tombé, ils se sont dits ékié, on avait même peur de quoi ? et conséquences, on assiste à la crise du NoSo depuis 6 ans.]

Auteur: Jean Bonheur Résistant