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Gicam: 'on regretterait presque Batongue'

Célestin Tawamba avait fait le choix, à dessein, d’informer le moins de personnes possible

Fri, 5 May 2023 Source: Jean-Michel Bios

Au Groupement inter-patronal du Cameroun (Gicam) demandez qui est Aline Valérie Mbono. la directrice exécutive de l’organe permanent de l’organisation patronale la plus représentative du pays.

Elle est sous les feux de la rampe depuis que le dossier sur la fusion entre le Gicam et Entreprises du Cameroun (Ecam) essuie de nombreuses critiques dans l’opinion à cause d’une campagne de communication « foireuse » et « complètement bâclée », si on en croit une source proche de ce dossier ayant requis l’anonymat pour l’instant.

Cette source révèle que c’est pour éviter toute fausse note que Célestin Tawamba, le président du Gicam à l’initiative de cette fusion, a choisi de confier la communication à Aline Valérie Mbono, celle qui chuchote à l’oreille du patron des patrons. Un choix qui laisse songeur puisque, de jure, la directrice exécutive du Gicam, de par ses attributions, doit être impartiale, et par conséquent ne pas s’immiscer dans les questions politiques comme c’est le cas dans cette opération de fusion. Cette prérogative est entièrement dévolue au conseil d’administration. Mais contre toute attente, c’est Aline Valérie Mbono qui est montée au créneau pour assurer le service après-vente de cette opération qui, techniquement, n’est qu’à la phase de projet. Et à l’exception d’une apparition, mal maîtrisée sur la chaine Canal 2, la directrice exécutive du Gicam se fait de plus en plus rare. Elle était pourtant prévenue que cette tâche n’allait pas être une sinécure à cause du grand secret qui a entouré la conception de ce projet de fusion.

Célestin Tawamba avait fait le choix, à dessein, d’informer le moins de personnes possible, quitte à – en réalité dans le but de - prendre de cours les membres du conseil d’administration. Beaucoup se méfiaient déjà de ce projet fusion dès son annonce. Et il faut préciser qu’ils ont été informés par voie de presse, comme tout le monde. De même, au sein du Gicam, plusieurs patrons ne comprennent toujours pas pourquoi Célestin Tawamba a opté pour une fusion-création et non pour une fusion-absorption qui serait logique au regard des forces en présence : Ecam et ses 400 PME déclarées est un petit poucet devant les 1 000 patrons du Gicam.

Limiter les dégâts

« Elle [Aline Valérie Mbono] avait pour rôle dans ce scénario d’un autre temps de rassurer les membres du Gicam en essayant de faire passer la pilule en interne. Ce qui n’a pas été le cas. En effet, « beaucoup de patrons ruminent encore leur colère », relève notre source.

Si certains patrons se concertent encore en silence, Emmanuel Wafo, lui, a pris ses responsabilités, à visage découvert, en apportant un éclairage qui révèle les véritables enjeux de cette opération. Ce capitaine d’industrie, par ailleurs président de la Commission économie et développement de l'entreprise au Gicam, s’oppose énergiquement à la forme et au timing imprimés à ce projet de fusion qu’il présente comme « la mise à mort du Gicam ».

Dans le camp Tawamba, sans répondre aux questions que soulève Emmanuel Wafo, on tente de noyer le poisson en faisant croire qu’il s’agit d’une position isolée et que tous les membres du conseil d’administration sont favorables à la fusion-création. Cependant les documents qui attestent de cela sont toujours attendus et doivent être présentés.

On observe en tout cas que depuis la signature, le mois dernier, du traité de fusion – qui reste illégal à cause d’innombrables violations des dispositions statutaires du Gicam -, aucun membre du conseil d’administration du Gicam n’a pris la parole pour défendre publiquement ce projet. Encore moins le porte-parole du président du patronat, l’avocat d’affaires Jacques Jonathan Nyemb. Ce dernier était pourtant en première ligne lors de la campagne de communication mise en place pour la présentation du Code de bonne gouvernance des entreprises, un document stratégique élaboré par le seul Gicam, pour renforcer la compétitivité des entreprises.

Et dire que quand Célestin Tawamba et Protais Ayangma paraphaient le fameux traité de fusion le 5 avril dernier à Douala, ils étaient loin de s’imaginer qu’ils ouvraient là les portes de l’enfer. La preuve, les deux hommes annonçaient, en grandes pompes, la création d’une nouvelle centrale patronale plus forte, plus puissante, plus influente et surtout moderne. Un chapelet de bonnes intentions embuées dans le flot des critiques qui fusent à l’intérieur comme à l’extérieur du patronat. Car des articles de presse relaient la rancœur des patrons et des indiscrétions indiquent même que cette fusion ne rassure pas encore le gouvernement pour qui le Gicam représente incontestablement une force de propositions et un allié sûr dans des batailles en temps difficiles.

C’est donc à se demander comment cette communication a pu faire pschitt et produire l’effet inverse. Ce n’est pourtant pas la première fois qu’une telle mission est confiée au principal responsable de l’organe permanent du Gicam. La raison tient certainement au fait qu’Aline Valérie Mbono a un profil différent de celui de ses deux prédécesseurs, Martin Abega et Alain Blaise Batongue, tous deux journalistes, qui jouissaient d’un bon lobbying et d’un entregent avéré dans les milieux de la presse et du pouvoir. Ce qui est loin d’être le cas de l’actuelle directrice exécutive, engluée dans les intrigues et les règlements de compte.

Faits d’armes

Il faut avouer que l’arrivée de cette dernière au Gicam en février 2021 avait surpris plus d’un. Certains avaient vu en cette nomination, le choix pour Célestin Tawamba de s’acoquiner d’un collaborateur plus docile… Le président Tawamba laissait augurer, dans un message qu’il a publié à l’époque de cette nomination, la volonté de marquer la fin d’une époque. Pour trois raisons au moins : Aline Valérie Mbono,

est une femme (la toute première à prendre le contrôle de l’organe permanent),

n’est pas journaliste,

porte le titre de directrice exécutive contrairement à ses devanciers qui étaient des secrétaires exécutifs.

Pour rassurer tout le monde, Célestin Tawamba la présentait comme une « professionnelle expérimentée du monde de l’entreprise ». Après un Diplôme d'études supérieures spécialisées (DESS) en droit international des affaires passé à l’université de Yaoundé II, elle passe dix ans (de 1999 à 2009) à travailler pour le cabinet Okalla Ahanda & Associés, notamment comme conseil juridique et fiscal. Entre 2009 et 2020, elle est directrice des affaires juridiques à l’Agence nationale des technologies de l’information et de la communication (Antic). En tout 24 années pendant lesquelles elle n’a pas chômé, mais aussi 24 années qui ne la prédisposaient pas forcément à atterrir à un poste aussi stratégique, qui demande un minimum de connaissance du fonctionnement des organisations patronales : ce qui lui fait largement défaut et qui étale quotidiennement ses limites et ses insuffisances au grand jour.

En effet tous ceux qui la côtoient depuis son arrivée au Gicam ne décrivent pas un professionnel de l’entreprise, mais plutôt le chien de garde pour la fin de mandat de Célestin Tawamba, voire « un pitbull » prêt à bondir sur tous ceux qui contestent les décisions du patron des patrons. « Pendant les réunions il lui est souvent arrivé de menacer ses collaborateurs de représailles », confie notre source citée plus haut.

Notre interlocuteur indique encore que la directrice exécutive, dont l’étroite intimité relève désormais du secret de polichinelle, montre ses crocs avec une extrême férocité lorsqu’il s’agit de balayer tout obstacle qui se dresserait sur la route de Célestin Tawamba vers un nouveau bail à la tête du patronat camerounais actuel ou celui en gestation virtuelle. Il fait sans doute allusion à cette purge initiée au patronat dont le directeur exécutif adjoint, Vincent Kouete, a fait les frais. En coulisses, il est reproché à Vincent Kouete d’être trop proche de Emmanuel Wafo, qui ne cache plus son ambition de briguer un mandat de président lors de l’élection de décembre prochain. Dans les couloirs feutrés du Gicam, on annonce que d’autres têtes vont tomber. « Un management exécrable », s’indigne notre source, impuissante.

Aline Valérie Mbono ou l’âme damnée de Célestin Tawamba.

Auteur: Jean-Michel Bios