Issa Tchiroma joue la carte du vieux sage repenti qui veut 'se racheter'

Issa Tchiroma Repenti .png Issa Tchiroma

Thu, 21 Aug 2025 Source: Arthur Fotso

ISSA TCHIROMA, LE REPENTI

À la lecture de la dernière interview du leader du FNSC et candidat à la présidentielle, j'ai fait l'analyse suivante point par point

1. La mise en scène personnelle : “Je n’ai pas faim”

Issa Tchiroma insiste à plusieurs reprises sur son confort matériel et celui de sa famille. Cela vise deux objectifs :

Se démarquer des “opposants affamés” souvent accusés de courir après le pouvoir pour manger à la table du régime.

Désamorcer les critiques selon lesquelles il chercherait encore des privilèges. Il veut apparaître comme un homme rassasié, donc désintéressé, mû par une seule cause : “le peuple”.

Mais ce discours peut paraître cynique, car il reconnaît implicitement avoir profité du système qu’il dénonce aujourd’hui.

2. La confession et le mea culpa

Il admet que sa génération, dont lui-même, a trahi le peuple en ne remplissant pas son “devoir patriotique”. C’est une posture rare chez un homme politique camerounais : reconnaître ses erreurs.

Cela peut séduire certains électeurs en quête de sincérité.

Mais cela soulève aussi un paradoxe : pourquoi se réveiller seulement à 79 ans, après des décennies de collaboration avec un régime qu’il dit désormais nocif ?

Le mea culpa ressemble autant à un calcul politique qu’à une prise de conscience réelle.

3. La stratégie du rachat moral

Issa Tchiroma cherche à donner un sens à sa candidature : pas une ambition personnelle, mais une quête de rédemption.

Il se présente comme un homme au crépuscule de sa vie, qui veut “laisser une trace honorable”.

Il mobilise l’imaginaire du “sage patriarche” qui, après avoir tout connu, veut transmettre une dernière mission.

Mais on peut y voir une instrumentalisation de la vieillesse et de la culpabilité pour rallier la sympathie populaire.

4. La rupture avec le régime

Il martèle sa “rupture” avec le pouvoir qu’il a longtemps servi. Problème :

Son départ du gouvernement est récent (à peine deux mois).

Les Camerounais ont une mémoire longue : ils se rappellent ses multiples retournements d’alliances et sa loyauté passée envers Paul Biya.

Sa “rupture” peut sembler opportuniste, d’autant plus que d’autres opposants plus constants paient cher leur radicalité (répression, prison, exclusion).

5. Le paradoxe du discours

Il dit n’avoir “rien à perdre”, mais s’engage dans une course où il a beaucoup à prouver.

Il appelle à ne pas le juger sur son passé, mais ce passé reste indissociable de son identité politique.

Il parle de “valeurs, unité, prospérité”, mais son bilan politique passé est marqué par la défense du régime et des attaques virulentes contre ses adversaires et ses mensonges dans certaines affaires qui ont secoué le pays

6. Impact possible sur l’opinion

Son discours peut séduire une partie de l’opinion fatiguée des clivages, sensible aux récits de confession et de sagesse tardive.

Mais beaucoup verront en lui un caméléon politique, qui cherche à sauver son image et se repositionner dans un contexte électoral incertain.

In fine

Issa Tchiroma joue la carte du vieux sage repenti, qui veut “se racheter” en servant enfin le peuple. Mais ce discours, s’il a une force rhétorique indéniable, souffre d’un énorme déficit de crédibilité : trop tard, trop opportuniste, trop lié à un long passé de collaboration avec le régime. Pour beaucoup, cela sonnera comme une confession stratégique, plus que comme une conversion sincère.

Auteur: Arthur Fotso