Pourquoi Issa Tchiroma a élu la Gambie, terre de la résistance africaine aux dictatures

Tchiroma Sale Temps Issa Tchiroma Bakary

Mon, 24 Nov 2025 Source: BBlaise Etongtek

Alors que la crise post-électorale au Cameroun s'intensifie, le choix d'exil de l'opposant Issa Tchiroma Bakary, qui revendique la victoire à la dernière présidentielle, intrigue et interpelle. Refusant les destinations traditionnelles, c'est vers la Gambie qu'il s'est tourné. Un geste fort, directement inspiré par l'épisode historique de 2017 où ce petit pays ouest africain devint le théâtre d'une rare victoire de la démocratie portée par la solidarité régionale.

La leçon gambienne de 2017 : quand l'Afrique disait "non" à la confiscation du pouvoir

Pour décrypter ce choix, un retour en arrière s'impose. Janvier 2017 : Adama Barrow, victorieux de l'élection présidentielle face à Yahya Jammeh – au pouvoir depuis 22 ans –, prête serment à l'ambassade de Gambie à Dakar. Le président sortant refuse de céder le pouvoir. La crise se noue.

Mais dans un mouvement inédit, la CEDEAO, sous l'impulsion de dirigeants comme le Nigérian Muhammadu Buhari et le Sénégalais Macky Sall, passe de la diplomatie à l'action. L'organisation régionale déploie une pression multiforme et crédible, culminant avec l'entrée des troupes de la force régionale en Gambie dans le cadre de l'opération « Restore Democracy ». Contraint et forcé, Yahya Jammeh quitte le pouvoir et le pays le 21 janvier 2017. La souveraineté du peuple gambien était rétablie, non par une guerre civile, mais par la fermeté assumée de ses voisins africains.

Banjul, sanctuaire politique et phare symbolique

C'est cette mémoire, vive, que convoque aujourd'hui Issa Tchiroma Bakary. En choisissant la Gambie, l'opposant camerounais ne cherche pas seulement un refuge géographique ; il s'installe dans un symbole.

« La Gambie est bien plus qu'un pays d'accueil. C'est la démonstration tangible qu'une transition démocratique est possible en Afrique grâce à la détermination collective. C'est un sanctuaire politique pour ceux qui croient encore en la souveraineté des urnes », explique Me Constant François Nepinbong, juriste et analyste politique.

Un message stratégique aux instances régionales

Ce choix d'exil est un acte politique à part entière, un message codé adressé à plusieurs acteurs. Au pouvoir camerounais, il rappelle la précarité des régimes qui défient la légitimité populaire. À la CEDEAO et à l'Union africaine, il lance un appel silencieux mais éloquent : « Vous l'avez fait en Gambie, vous pouvez le refaire ailleurs. »

En inscrivant son combat sous l'égide du précédent gambien, Tchiroma Bakary tente d'internationaliser sa cause et de lui offrir une résonance panafricaine. Il espère sans doute que la solidarité qui a contraint Jammeh à partir pourra, d'une manière ou d'une autre, s'exercer en faveur de sa propre lutte.

Si les réalités politiques du Cameroun, avec ses spécificités et ses complexités, sont différentes de celles de la Gambie de 2017, le geste n'en reste pas moins significatif. Il place la petite nation ouest-africaine, une fois de plus, au cœur du récit de la résistance démocratique sur le continent. Banjul n'est plus seulement une capitale, elle est devenue une idée.

Auteur: BBlaise Etongtek