Très touchant : un message de réveil émis à tous les Camerounais

Hilton Hotel Yaounde City Sens de la famille

Thu, 25 Dec 2025 Source: Alain Kenfack

État d'âme. "Famille" où es-tu ? Il fut une époque – qui paraît aujourd’hui bien lointaine – où le Cameroun construisait, lentement et péniblement, son unité nationale. Au début des années 1980, on commençait à y croire. À l’université de Yaoundé, sur le campus de Ngoa Ekellé, un mot transcendait les appartenances ethniques et tribales : "famille", c'était le terme générique qui permettait d'oublier noms et prénoms.

L’équipe nationale de football, les Lions Indomptables, incarnait alors ce rêve collectif. Elle était le symbole vivant d’une nation en train de se rassembler, de se reconnaître, de se projeter.

Puis, imperceptiblement, le ver est entré dans le fruit. Corruption érigée en système. Cynisme assumé. Repli identitaire encouragé. Rejet de l’autre banalisé. Année après année, le Cameroun s’est enfoncé dans une spirale infernale et nauséabonde. À chaque fois que l’on pensait avoir touché le fond, les détenteurs du pouvoir – et leurs soutiens – démontraient qu’ils pouvaient creuser encore plus profond.

Aujourd’hui, plus rien ne semble pouvoir arrêter ce train de l’horreur, sinon sa propre collision avec la réalité. Le Cameroun s’apprête à entrer dans une Coupe d’Afrique des Nations avec un peuple divisé. Une partie importante de la population souhaite une élimination précoce de l’équipe nationale, tant la fracture sociale, politique et économique est béante. Le football ne suffit plus à masquer l’effondrement moral.

La torture et le meurtre se sont banalisés chez ceux supposés assurer la sécurité du peuple. Pire encore : ils suscitent parfois sarcasmes et moqueries de la part d’autres Camerounais. Pour ces derniers, de prétendues institutions valent davantage que des vies humaines.

Silencieux face à des pillages qui se chiffrent désormais en milliards de dollars, ils s’indignent avec une sévérité sélective pour quelques bouteilles de gaz arrachées par des manifestants. Manifestants qui protestaient contre ce qui restera comme l’une des plus grandes fraudes électorales de l’histoire contemporaine – fraude assumée, ironiquement, par celui-là même qui était censé être le garant de la justice. Sans scrupules ils se disent fiers du rôle qu’ils ont joué dans ce braquage en direct, dans l'espoir de quelque récompense.

Mais il y a pire encore : ceux qui se drapent dans une pseudo-neutralité morale. Ceux qui, la main sur le cœur, accusent systématiquement l’opposition d’être responsable de ses propres échecs, au nom de son incapacité à s’unir. Les mêmes ne dénoncent jamais les dérives, les violences, les exactions du pouvoir. Jamais.

Ce ventre mou de la nation – ajouté à ceux qui disent vouloir simplement « voir grandir leurs enfants » – incarne la tropicalisation cynique de l’adage : mieux vaut un lâche vivant qu’un héros mort. Ils regardent, dans l'indifférence, la lente agonie du peuple, tant qu’eux-mêmes parviennent à s’en sortir.

Le passage de "famille" à des qualificatifs moqueurs ou stigmatisants – ntalibans, Ekangs, Babanas et autres appellations – traduit cette déliquescence sociale. Le Cameroun n’est plus uni par le rêve ou l’espoir, mais divisé par le soupçon, la haine et la dérision.

Tout le monde reconnaît que la situation est désastreuse. Tout le monde sait que le pays est en ruine. Et pourtant, dans un renversement de responsabilité aussi commode qu’indécent, ce serait l’opposition – qui n’a jamais gouverné ce pays – qui porterait la plus lourde part de la faute. Voilà où nous en sommes. Bonnes fêtes.

Auteur: Alain Kenfack