Au temps où ‘‘la guerre était encore froide’’ la nomenklatura prenait des allures de caste dans les Etats du bloc de l’Est. Des privilégiés des régimes, potentats et faiseurs de droits. Le bloc de l’Ouest où l’administration publique fût conçu et élaborée avec un parti pris pour la rationalité, il faut l’avouer, n’a pas organisé sa classe dirigeante de cette façon là. Dans les démocraties occidentales, la nomenklatura n’est pas une destination ou un piédestal sur lequel on s’installe parce que bénéficiaire d’une désignation consentie par les gestionnaires de la magistrature suprême.
C’est l’aboutissement d’une formation, c’est le point culminant de l’école d’administration des institutions publique qui permet d’y prendre part. Dès lors, selon l’acception occidentale, l’intégration du rang des décideurs dans un Etat ne saurait être le produit du hasard (un choix dans un champ ouvert d’éventualité ). Non plus l’expression seule de l’inclination du décideur (selon le sacro-saint principe du choix discrétionnaire).
Il s’agit d’une entrée légitimée, d’une compétence avérée dans un espace que lui sied. Du coup, l’instance qui désigne n’a pas une grande marge de manoeuvre. Sa préférence est prise en otage par une critériologie plus forte que sa seule volonté. Ce système a l’avantage de ne pas transformer les relations de complémentarité dans la gestion de l’Etat, supposées unir la tête de l’exécutif et le gouvernement, en ridicules liens de suzerain à vassaux propres aux Etats féodaux. Ce sont malheureusement ces liens préjudiciables, d’obligés à bienfaiteurs, qui sont érigés en règle d’or chez nous. Entre le Chef de l’Etat, ses ministres et autres grands commis, s’exprime au quotidien la trame de la dialectique hégélienne du maitre et de l’esclave.
Le Chef de l’Etat n’est pas (aux yeux de nos ministres, assimilés et autres directeurs généraux) un simple patron, ni le défenseur des idées produites par le même courant de pensée qu’eux. Il n’est pas un camarade du parti ni un promoteur d’une vision de l’Etat qu’ils partagent : c’est un bienfaiteur. Il les a sorti du lot. Il les ‘‘a mis en haut’’. Ceux qui pensaient que cela ne leur arrivera jamais vont en pâtir. Voilà où nous sommes rendus. Une classe dirigeante composée à 70 % d’arrivistes. Des personnes qui n’ont pour compétence au service du rôle qui leur est dévolu que celles que les chantres de l’arrivisme leurs reconnaissent. S’en suit, une haine viscérale pour les intellectuels de rang, systématiquement rétrogradés et traqués ; disséminés loin des sphères centrales de décisions.
La participation matérielle à la prospérité des organes de presse à scandale et à l’espionnage criminel dont la charge principale est de torpiller les carrières qui affectent des courbes ascendantes autour de soi. Surtout celles de jeunes cadres issus de la même région que soi. Il ne reste plus qu’à cette catégorie de monstre froid de boucler la boucle.
Se mettre nconditionnellement au service du bienfaiteur et subjuguer les foules villageoises qui peuplent nos villes majoritairement, à travers l’apparat vaniteux des attributs de rangs. Ripailles gargantuesques quotidiennes, agrandissement du parc de voitures, voyages fréquents en occident et d’innombrables chantiers de constructions jamais achevés. On comprend pourquoi nos petites pistes de campagne sont encombrées pendant les périodes préélectorales de grosses cylindrées dans la nuit, surtout les petites servitudes qui conduisent aux hameaux des guérisseurs, enchanteurs et diseurs de bonne aventure.
Le bienfaiteur doit rester au pouvoir par tous les moyens. Le contrat de l’arriviste est rempli, celui de l’Etat non. Les dépassements budgétaires ainsi que les détournements sont fragrants. Les allures de chef sont sans équivoques, visibles, mais le vrai boulot n’est pas fait. Pauvre bienfaiteur ! Beaumarchais disait avec raison que vanité et sottise sont compagnes inséparables. Doit-on remettre çà aujourd’hui à l’orée de sixième mandat présidentiel ? Le choix des hommes et des armes pour la réalisation des grandes ambitions et l’émergence prochaine dicte d’emblée ses exigences. La gérontocratie a montré ses limites. Les équilibres régionaux nous on fait stagné. Aujourd’hui il faut mettre du vin nouveau dans de nouvelles outres.