‘Camerounais, le pire est devant !’

Dieudonné Essomba revient à la charge

Tue, 22 Mar 2022 Source: Dieudonné Essomba

Dieudonné Essomba revient à la charge en pleine grève des enseignants camerounais. Pour l’expert économiste, le Cameroun est endetté et ne dispose pas des fonds pour payer les dettes des enseignants. Dans sa nouvelle tribune, il revient de fond en comble sur le sujet et les différentes pistes à envisager.

CAMEROUNAIS, PRIEZ DIEU, CAR LE PIRE EST DEVANT !

Très souvent, les peuples agissent sur la base d’une colère brute, sans comprendre exactement ce qui se passe, d’où les déceptions qui suivent un grand nombre de révolutions, notamment en Afrique. Il est en effet tentant de croire que le changement des individus dans les affaires d’Etat suffit à instaurer une nouvelle ère, alors que les choses sont plus profondes. Lorsqu’un peuple se lève contre un régime juste pour changer Paul par Pierre, cela aboutit toujours au remplacement d’un groupe oppressif par un autre groupe oppressif.

Il est donc très important que dans le débat citoyen, le peuple soit édifié de la vérité et des vrais enjeux de tel ou tel combat, afin d’identifier ce qu’il faut exactement faire.

1. COMPRENDRE LE COMMERCE INTERNATIONAL

Pour bien comprendre le problème posé au Cameroun, il est important de savoir comment notre pays s’insère dans le commerce international qui a des règles précises que personne ne peut voler.

La première règle est qu’on ne peut acheter à l’extérieur au-delà de ce qu’on a vendu, car les autres pays ne sont pas nos esclaves. C’est un échange pur.

Maintenant, prenons le réseau routier du Cameroun. Pour le construire, il faut des bulldozers que nous ne fabriquons pas. Nous devons donc les importer, en échange d’une valeur équivalente du cacao.

Cela signifie que notre réseau routier ne dépend pas du nombre d’administrateurs civils formés à l’ENAM, des discours pompeux du Gouvernement ou des votes de Parlement. Seul, le nombre des sacs de cacao déterminent le nombre de bulldozers et par suite, la longueur du réseau routier.

Quand nous parlons de bulldozers, le lecteur a dû comprendre les importations de machines telles que les camons, les avions, les turbines, les transformateurs, les machines –outils, etc. Et quand nous parlons de sacs de cacao, nous entendons naturellement nos exportations : cacao, café, con, pétrole, bois, etc.

Pour un pays comme le Cameroun, le revenu n’est que la traduction sur le territoire national des usages que nous faisons de ces machines.

Quand on a bien compris ce mécanisme, on voit quelle est l’orientation de la gouvernance macroéconomique dans une Nation :

1. Réduire, autant que possible, l‘importation de biens de consommation finis, car c’est autant de ressources qu’on enlève au système productif. D’où la nécessité d’une véritable politique d’import-substitution

2. Optimiser l’allocation des ressources matérielles, financières et humaines de la Nation, à travers :

a. Une organisation étatique optimisée, mobilisant la population

b. un bon choix des investissements

c. Un entretien optimal de l’appareil de production et des infrastructures, etc.

3. Assurer le maintien des équilibres macroéconomiques du pays, et surtout, ses équilibres extérieurs que sont : la balance courante, le niveau d’endettement et les réserves de change.

Un pays qui ne respecte pas ces règles cardinales sombre dans une spirale d’endettement extérieur qui en fat un bon client du Fond Monétaire International.

2. LE ROLE DU FMI

Quand un pays est endetté vis-à-vis de l’extérieur, il doit se soumettre au FMI. Le FMI a été conçu en 1945 pour jouer l’interposition entre les pays débiteurs et les pays créanciers, dans le but d’empêcher les guerres. Avant sa création, les choses étaient simples : si le Cameroun devait l’argent au Nigéria, le Nigéria pouvait venir nous occuper, arracher nos bateaux de pétrole ou prendre nos citoyens et les vendre comme esclaves. Ces pratiques ayant abouti à un certain Adolf Hitler et une sanglante Guerre Mondiale, la Communauté Internationale a décidé de créer un acteur institutionnel qui joue au niveau des Etats le même rôle qu’un huissier de justice, un commissaire priseur et un liquidateur.

Et comme tout huissier, le FMI commence par saisir le patrimoine du pays endetté, à savoir ses entreprises publiques qu’il vend aux enchères. Même si, pour des raisons diplomatiques, on dissimulera cette saisie-vente sous le nom moins humiliant et plus hypocrite de « privatisation ».

Si cela ne suffit pas, le FMI saisit le budget qu’il met sous son contrôle. Il prélève d’abord la part qu’il doit affecter aux remboursements des créanciers, puis impose l’usage du reste d’argent à des besoins que lui-même juge prioritaires. Bien entendu, le Parlement va toujours siéger, et voter le budget pour donner une apparente souveraineté, mais en réalité nous sommes mis en tutelle. Et si le FM demande de baisser la masse salariale, nous allons la baisser, que cela nous plaise ou non. S‘il nous dit d’abandonner certains chantiers, nous abandonnons, sans hésitation, ni murmure…

Face à cela, certains citoyens gorgés d’un nationalisme orgueilleux dénoncent les ventes des entreprises comme la SONEL devenue ENEO qu’ils qualifient de braderie. Bien sûr que c’était une braderie ! Le FMI avait saisi la SONEL et l‘avait vendue au plus offrant ! C’est exactement ce que font les huissiers !

Maintenant, ces patriotes fanfarons pouvaient-ils empêcher la saisie ? C’est de la pure rigolade ! Si un huissier de justice vient saisir la télévision de la famille parce que le père s’est endetté en allant boire dans les bars sans payer, l‘épouse ou le fils aîné peuvent faire quoi ? Celui qui regimbe et entrave le travail de l’huissier sera arrêté par les gendarmes armés qui l’accompagnent et dormira dans une cellule !

Et c’est exactement le même cas pour un pays, mas en pire : si le Cameroun rechigne à appliquer les instructions du FMI, l sera immédiatement déclaré en cessation de paiement, et sera ms au ban des Nations du monde !

Donc, il n’y a rien d’autre à faire que suivre docilement le FMI, en frétillant la queue comme un toutou !

Tel est le fonctionnement du FMI

3. OU EN EST LE CAMEROUN ?

Le Cameroun est sorti de la crise en 2006, après 19 années d’un ajustement structurel dont les Camerounais gardent de sinistres souvenirs. C’état une occasion en or pour que notre pays se relance sur de nouvelles bases…

Malheureusement, la gouvernance macroéconomique s’est retrouvée entre les mains d’une bande d’imposteurs qui assimilaient leurs illusions empiriques à la science économique.

Prétendant réaliser l’Emergence à coups de déclarations d’une banalité magistrale et d’une sottise présomptueuse, ils ont embarqué le pays dans un loufoque programme économique, articulé autour des fameux Grands Projets, et dont le terme aujourd’hui est un endettement abyssal de 11.110 Milliards, dont 8.000 Milliards de dette extérieure !

Avec des recettes extérieures n’atteignant pas 2.500 Milliards, nous allons faire comment pour rembourser une telle dette ?

Et si au moins, les projets engagés avaient été réalisés ! Le Cameroun n’est parcouru que de demi-projets, demi-projets, demi-projets !

Et pourtant, ce n’est pas faute des mises en garde ! Depuis 2011, j’ai annoncé que la démarche du Cameroun nous plongeait tout droit vers la crise, et le seul Economiste qui m’a soutenu était le feu Professeur Pius OTTOU qui devait malheureusement décéder peu après.

Les autres, c’était le ricanement.

Bien plus, quand j’ai alerté depuis au moins 10 ans que la politique économique du Cameroun nous conduisait vers l’abîme, des pseudo-Economistes soutenaient le contraire, sur la base des critères de convergence de la CEMAC !

Quelle folie ! Est-ce que le Cameroun doit l’argent la CEMAC pour que celle-ci fixe le niveau de soutenabilité de sa dette extérieure ? Où est le lien ?

Et c’est justement dans cette ambiance d’amateurisme et d’imposture que la gouvernance du Cameroun a été menée depuis 2006, jusqu’au gouffre où nous nous retrouvons aujourd’hui.

4. ET MAINTENANT, QUE FAIT-ON ?

Le Cameroun dot l’argent aux étrangers et il doit payer. C’est cela la règle et c’est pour cette raison que le FMI est là : nous devons payer.

Lors de la crise qui a éclaté en 1987 et qui a duré 20 ans, le Cameroun avait encore un grand nombre de sociétés que pouvaient saisir le FMI et régler au moins une parte de la dette. Aujourd’hui, de telles entreprises n’existent plus et le seul mécanisme de remboursement est le budget qui a déjà été saisi.

Il est donc techniquement impossible que le Cameroun échappe à une basse de la masse salariale dans els jours à venir. Cette basse pourra prendra deux formes possibles :

-soit une basse nominale, auquel cas celui qui gagnait 100.000 FCFA va désormais gagner 60.000 dans le meilleur des cas

-soit de manière monétaire, à travers une dévaluation du CFA de la CEMAC.

Hélas ! Les agents publics, plutôt que d’attendre une amélioration de leurs conditions de vie et de travail, devraient plutôt prier Dieu que la base soit la moins élevés possible.

C’est à cela que nous mène une gouvernance de l‘imposture.

Et pourtant, il y avait 2 solutions, toutes rejetées e leur temps :

-la Binarisation, qui consistait à dupliquer le Franc CFA avec une version locale, sur le modèle de la Susse, de manière à créer un système productif local moins dépendant des importations et à assouplir la contrainte extérieure ;

-la Fédéralisation du pays, qui aurait permis d’extraire des mains du pouvoir central le contrôle total de notre Econome, tout en mobilisant au maximum les Camerounais. Dans un Etat fédéral, les Etats Régionaux auraient continué à fonctionner souverainement avec leurs entreprises, leurs budgets et leurs salaires, même si l’Etat Fédéral entrait dans la prison du FMI.

Maintenant, tout l’ensemble du Cameroun s’engouffre dans le trou béant.

Sans la moindre possibilité de résistance… Et sans la moindre espérance

Le pire est devant nous !

Dieudonné ESSOMBA

Auteur: Dieudonné Essomba