Depuis des décennies, le pouvoir de Yaoundé clame à qui veut l’entendre et même à ceux qui ne veulent pas l’entendre que « le Cameroun c’est le Cameroun ». Ce concept n’est pas anodin, c’est une formule inventée pour marquer la spécificité du Cameroun qui en fait de façon subtile témoigne de la caution accordée par le pouvoir à tous les abus, magouilles, passe-droits, corruption et toutes formes de crimes : népotisme, favoritisme, affairisme, tribalisme, qui caractérisent ce pays décidément bien singulier.
Le conditionnement est-elle qu’il y a de forte chance que Biya remplace Biya sans trouble. J’entends ici, un successeur dénué de toute compétence et avide de pouvoir. Ce constat nous emmène à nous interroger profondément sur la question de l’alternance tant recherchée depuis l’avènement du renouveau. Mais comment parler de l’alternance sans faire allusion au renouvellement de la classe politique au Cameroun. Parce qu’à la vérité seul ce renouvellement, avec des Hommes nouveaux aux méthodes nouvelles est susceptible de faire bouger les lignes.
J’ai lu au cours de la l’année dernière plus de 30 ouvrages sur l’histoire politique du Cameroun, sur les leaders politiques qui ont animé la scène politique au Cameroun depuis l’indépendance. Je profite de l’actualité tumultueuse au SDF pour revenir sur cet ouvrage magnifique de J.H Tingueu Sepo, Multipartisme et démocratie au Cameroun, Les grandes occasions manquées pour l’alternance. Si vous lisez ce livre, vous comprenez en filigrane pourquoi il est incongru en 2023 au Cameroun de parler encore d’élection comme un moyen d’alternance au sommet de l’état. Pas que l’élection soit mauvaise en soi, mais plutôt parce que le contexte ne sied pas. D‘un côté un pouvoir résolument tourné vers la conservation du pouvoir à tout prix et de l’autre côté une opposition fébrile, laxiste et sans ressources.
Si un passage pouvait résumer ce grand ouvrage ce serait incontestablement celui-ci (P.143)
« Si les hommes et les femmes politiques de l’opposition camerounaise avaient le courage et l’honnêteté de se regarder les yeux dans les yeux pour faire le point des vingt-six années de vie commune, ils se rendraient vite compte qu’à bien des égards, ils ont fait le lit du pouvoir, à force d’œuvrer et de manœuvrer maladroitement et de courir après leurs ambitions personnelles sans rapport avec la cause nationale. Et John Fru Ndi, le président national du Social Democratic Front est incontestablement de ceux-là ».
Sans faire le procès de l’opposition, en conclusion on peut dire sans risque de se tromper que si l’opposition dite électoraliste envisage de prendre le pouvoir dans le cadre des institutions, il est plus que temps de s’y prendre différemment. Procéder différemment, c’est surtout regarder la réalité en face et cette réalité nous impose de considérer avant tout le Cameroun comme une véritable DICTATURE.
Il est aussi impératif de tirer des leçons du passé. Ayant fait l’expérience électorale depuis plus de 40 années, il est peut-être temps de tenter autre chose. C’est John Kennedy, en son temps président des Etats-Unis d’Amérique qui disait que "ceux qui rendent impossibles les révolutions pacifiques, rendent inévitables les révolutions violentes".