Je ne vis pas au Cameroun, donc je ne crains pas le SED ou le tribunal militaire pour "déstabilisation" ou encore "hostilité contre la patrie". Je suis déjà interdit de séjour dans mon pays et condamné à faire à distance le deuil des membres de ma famille qui périront demain sur l'axe Yaoundé-Douala, et à souffrir de ne pas pouvoir venir à leur enterrement. Autrement dit, comme beaucoup d'autres concitoyens de la Diaspora, je n'ai plus grand-chose à perdre.
Toutefois comme dit le proverbe, "À quelque chose malheur est bon". Car cela présente aussi un sacré avantage, c'est que je peux parler sans langue de bois et dire tout haut ce que vous pensez tout bas, car vous craignez de subir le même sort. Et ce que je dis aujourd'hui, c'est que l'homme qui a tué Cabrel Nanjip s'appelle Emmanuel Nganou Djoumessi.
Je le dis, je l'affirme, je persiste et signe.
Il est Ministre des Travaux Publics depuis 2015, et membre éminent du Gang de Malfrats qui gouverne à Yaoundé et qui tue les jeunes depuis des décennies, sous le haut commandement de Paul Biya, le Malfrat en chef, celui qui se fait soigner chez les autres à Genève et se fait protéger par des Israéliens, pendant que son pays ne dispose pas de services de secours professionnels pour sortir un homme accidenté de la voiture, en plein XXIe siècle, et alors qu'il se prétend "émergent".
UN JOUR SANS FIN
Commençons d'abord par une histoire drôle, celle du nouveau tronçon qui relie Yaoundé à son aéroport international. En effet, je suis toujours amusé d'entendre les gens dire : "Au moins l'autoroute Yaoundé-Nsimalen est terminée, et les 11 km sont désormais praticables". D'une part, sachez qu'il s'agit là d'un chantier commencé en mai 2014 et qui a duré... 8 ans !!! Il n'a été inauguré qu'en janvier 2022, trois jours seulement avant le début de la CAN mortellement sucrée, et il a englouti plus de 100 milliards de francs CFA (soit environ 10 milliards par kilomètre, un taux 3 à 4 fois plus élevé que la moyenne mondiale !).
D'autre part (et c'est là que ça devient véritablement amusant), c'est que vous pensez que ces 11 km sont la longueur initialement prévue à cet effet. Or c'est faux et archi faux ! La réalité, c'est que l'autoroute Yaoundé-Nsimalen est prévue pour faire 25 kilomètres de long ! C'est-à-dire qu'elle doit se terminer beaucoup plus loin au cœur de la ville, plus exactement au pied du Palais des Congrès, afin de se connecter au Boulevard Jean Paul II, qui mène au rond-point Bastos. En d'autres termes, Nganou Djoumessi et sa clique de vampires ont utilisé 100 milliards pour moins de la moitié du tronçon prévu ! Et ceci en 8 ans !
Conséquence, si vous partez d'Emana ou de Nlongkak pour l'aéroport, vous avez affaire aux mêmes embouteillages et à leurs corollaires (accidents, retards etc...), puisque jusqu'à la sortie de la ville, vous empruntez les mêmes cordes de terre qui existent depuis les années 90, et que tout le monde sollicite (benskineurs, taxis, gros porteurs, vendeurs à la sauvette, etc...). Tous ceux qui voyagent par là savent qu'il faut prévoir au moins 5 heures d'avance en partant de chez soi, pour être sûr de ne pas louper son avion !
Si vous arrivez à l'aéroport en vie, bien sûr !
Entre-temps, est-ce que Nganou Djoumessi vous a encore parlé un jour de la suite du chantier ? Vous ne saviez même pas qu'il n'en était qu'à 40%, n'est-ce pas ?
LE FANTÔME DE CABREL
Quant à l'autoroute Yaoundé-Douala, c'est le même scénario : les premiers versements ont débuté en 2013 et les travaux effectifs ont démarré en début 2014. Elle devait se dérouler en deux phases : la Phrase 1 couvrait les 60 premiers km, puis la phase 2 elle-même se découpait en deux sections : Bidodi-Edéa (70 km) et Edéa-Douala (66 km). C'est sur ce seconde secteur - encore non travaillé - que le pauvre Nanjip a trouvé la mort, parce que les dépassements sur une corde de terre sont mille fois plus dangereux que sur une autoroute, aussi bien pour celui qui dépasse que pour le conducteur lambda qui passe par là à cet instant.
Mais revenons d'abord à Djoumessi et à sa horde de cannibales : les fameux 60 premiers kilomètres ont mis 10 ans à être achevés (au lieu des 3 ans et demi prévus à la base), et ont coûté plus de 450 milliards de CFA. D'ailleurs, quand je dis "achevés", c'est un abus de langage, puisqu'à l'instant même où j'écris ces lignes, les voies de raccordement (juste 25 km de bretelles) avec le tronçon actuel sont encore en cours de réalisation ! Pire encore, comme l'a reconnu Djoumessi lui-même en 2020, les entreprises qui s'en occupent ont démarré le chantier alors que l'Etat ne leur avait toujours pas versé l'argent qui leur est dû !
Comment est-ce possible d'avoir des impayés alors que l'on a dépensé plus de 110 milliards au-delà du budget initialement prévu (336,7 milliards) ? Où est passé l'argent ?!
Quand on vous dit que c'est un Gang de Malfrats vous pensez qu'on fait de la littérature. C'est une caste de monstres sans humanité aucune dont le sport favori est de sacrifier la jeunesse sur l'autel de leur cupidité. Le simple fait que cet énergumène de Djoumessi soit en liberté alors que nos frères continuent de perdre la vie dans des accidents aussi rageants qu'évitables relève de la pure sorcellerie ! Je viens d'un pays où on tabasse et tue des journalistes inoffensifs, tandis que des assassins compulsifs se font appeler "Excellence ".
C'est grave, c'est très grave.
EN BREF :
Il paraît que "la route ne tue pas, mais c'est nous qui tuons", voilà la fameuse excuse des criminels en costard à qui vous avez donné 450 milliards pour vous construire une autoroute. Quand ils ont reçu les fonds, ils ont accepté avec un large sourire. Or ils auraient pu vous dire à ce moment-là : "De toute façon, l'autoroute ne sert à rien, on refuse l'argent". Non, ils ont pris des deux mains ! Mais pour justifier leur vampirisme managérial 10 ans plus tard, ils vous font un magnifique transfert de culpabilité, en vous faisant croire que si des centaines de gens meurent chaque année sur la corde de terre Yaoundé-Douala, c'est parce qu'ils sont tous ivres, et qu'ils conduisent sans ceinture. Que ça n'a rien à voir avec le manque d'autoroutes.
Et voilà comment des individus comme Nganou Djoumessi ou Motaze Louis Paul peuvent encore occuper le poste de ministre en 2023 !
Même si vous êtes ivre, même si vous n'avez pas de ceinture, un accident a 10 fois moins de chance de vous tuer sur une autoroute. Par exemple, si vous roulez à 200 km/h et que vous percutez un véhicule qui roule devant vous à 180 km/h vous avez toutes vos chances de survivre, puisque l'impact ne sera que le différentiel de 20 km/h. Mais sur un ruban de terre comme la nationale 3 du Cameroun, les voitures arrivent en sens inverse, et donc dans ce cas de figure, vous avez une collision à 380 km/h, car les deux vitesses s'additionnent. Autant dire que même Dieu trouve la mort s'il se trouve avec vous dans la voiture.
Le Gang de Malfrats de Yaoundé réussit à vous faire dire que la route n'y est pour rien, et vous défendez cette hérésie, alors que vous allez peut-être mourir sur cette route cette année même ; c'est de l'art ; du très grand art !
L'art de tuer.
EKANGA EKANGA CLAUDE WILFRIED
(La Côte d'ivoire a construit entre ses deux capitales Yamoussoukro et Abidjan une autoroute de 224 km, totalement fonctionnelle, auxquels s'ajoutent actuellement des prolongements jusqu'à Bouake, et même jusqu'à Ouagadougou au Burkina voisin. Allez leur expliquer que la route ne tue pas, et qu'ils jettent leur argent par la fenêtre alors qu'ils peuvent conserver leurs vieilles pistes.
À force d'aimer ceux qui vous tuent, vous finissez par mériter de mourir)