‘Le meeting de Bafoussam était politiquement sans intérêt’

Christian Bomo commente la manifestation politique tenue par le MRC à Bafoussam le 21 août 2022 avec des termes très dur. Dans une tribune adressée à Me Emmanuel Simh, l’avocat qualifie de « sans intérêt » le meeting de Bafoussam et dénonce l’attitude des cadres du MRC qui selon lui, ne se soucient pas des détenus politiques.

Mon frère Emmanuel Simh,

En regardant cette belle photo de nous, lors de notre prestation de serment, le 02 janvier 1997 devant le tribunal de grande instance de Douala, que tu as extraite de tes archives pour illustrer ta réaction, suite à ma sortie hier sur ton parti et son leader relativement au meeting de Bafoussam, j’ai pensé à l’immensité de notre fraternité, qui m’oblige à te répondre.

Si ce fut celle d’un émotif, je l’aurais tout simplement ignoré. Tu me reproches d’avoir précocement qualifié le meeting de Bafoussam d’insipide, c’est à dire avant sa tenue.

Peut- être n’avons-nous pas le même sens de la définition du mot insipide. Dans le dictionnaire français Larousse, le mot insipide renvoie à quelque chose qui n’a pas d’intérêt, qui n’a pas de goût. Je pouvais donc valablement, dès son annonce considérer que ce meeting de Bafoussam était politiquement sans intérêt. Je le maintiens, c’est à Yaoundé, face à la prison centrale de Kondengui qu’il devrait se tenir. C’est là que le meeting a en l’état tout son intérêt.

Car mon cher Emmanuel, quand on a des camarades en prison parce qu’ils ont obéi à un mot d’ordre du parti, on ne les abandonne pas comme votre parti le fait. On ne reste pas tranquilles dans sa somptueuse villa, menant sa vie dans la normalité.

On ne vaque pas à ses occupations professionnelles comme si la vie suivait son cours normal. On est préoccupé. On agit. On ne déclare pas cyniquement, même si c’est fondé, devant la famille endeuillé du Jeune prisonnier politique Rodrigue NDAGUEHO, décédé à la prison de New- Bell que: » ce n’est pas pour moi qu’il a marché. Mais pour se libérer. »

Pendant 30 ans, sans aucun répit les militants de l’ANC avaient manifesté jusqu’au sacrifice suprême, parce qu’il demandait la libération de leurs camarades dont Mandela.

Pendant que des camarades sont en prison, on ne va pas organiser un meeting à Bafoussam, organiser des charters, juste pour démontrer qu’on a encore des soutiens à l’Ouest après la fronde de certains militants contestataires des résultats électoraux.

C’est un nombrilisme abject! C’est intolérable ! O7 ans de prison ! Ce n’est pas 07 mois. Un enfant est vite né, il a marché, il a parlé, il est allé à l’école, il est au milieu de sa scolarité dans le primaire. S’agissant de ta suggestion insidieuse me demandant de venir plaider leur cause devant les tribunaux.

Faudrait- il encore te rappeler que je vous ai déconseillé à plusieurs reprises de porter vos robes pour aller défendre devant une justice qui n’a que foutre de vos plaidoiries et de vos récitations de textes et de jurisprudence.

Car vous contribuez plutôt à habiller leurs décisions liberticides des oripeaux de décisions rendues à la suite des procès justes et équitables devant des juridictions indépendantes consacrant les droit de défense.

Or c’est totalement faux. La justice dans des procès politiques suit le politique. Je ne jouerais donc pas à cette comédie. On ne joue pas avec la liberté des hommes. Ce sont des familles qui souffrent, des couples qui sont séparés avec toutes les conséquences qui peuvent en découler, ce sont des enfants qui sont privés des éducations et affections paternelles. Bref des drames familiaux.

Mandela n’a pas été libéré parce que ses Avocats avaient bien plaidé.

Mandela et ses camarades ont été libérés parce que leurs camarades se sont mobilisés tant à l’intérieur qu’à l’international. Refuser de participer en tant qu’Avocat à une pantalonnade de justice, est une forme de défense, je ne l’apprends pas mon cher Emmanuel.

C’est la défense de rupture.

Ici l’objectif est de disqualifier l’instance juridictionnelle en refusant de lui accorder une quelconque légitimité ou crédibilité lorsqu’elle décide de juger des hommes politiques pour des actes commis dans le cadre de leurs activités politiques de promotion ou de défense des valeurs de démocratie, de liberté et de respects des droits individuels et publics.

En tant que société Civile, je fais ma part.

J’ai toujours défendu et continue à défendre la démocratie, le droit à la liberté et à la justice au Cameroun, avec l’outil moderne et puissant de communication qu’est internet.

Faire des posts, lancer des vidéos sur Facebook, You Tube pour appeler à la libération des prisonniers politiques au Cameroun, l’émergence d’une justice indépendante comme je l’ai toujours fait ,touche des millions de personnes tant au Cameroun qu’à l’étranger.

Internet est une arme puissante de combat pour la liberté, la justice et la démocratie

Ne pas le voir et le reconnaître, c’est faire preuve de cécité .

C’est pour la justesse de ce combat sur Facebook que j’ai reçu non seulement une lettre de reconnaissance et des appels de remerciement de votre leader.

Devrais- je encore vous rappeler que du fait de mon engagement,les responsables de votre parti m’ont proposé en tant que société civile de porter les couleurs de votre parti aux élections législatives avant la décision de boycott.

Bien évidemment , j’avais décliné cette offre, en la soumettant au préalable de la réussite du combat pour la modification du code électoral.

Cher Emmanuel,ton leader, tes camarades et toi, vous n’avez aucune excuse en abandonnant comme vous le faites vos camarades emprisonnés.

Vous n’avez pas le droit de parler d’autres sujets, ou de vivre sereinement vos vies en attendant une hypothétique clémence du régime de Yaoundé comme cette autorisation de manifestation de Bafoussam qui vous a été donné dans un savant calcul de confinement de vos activités dans la région de l’ouest.

S’ils sortaient dans de telles conditions , vous n’aurez alors rien mérité. Mais alors rien du tout.

In fine

Galates 4:16

« Suis-je devenu votre ennemi en vous disant la vérité ? »

Heureusement que vous connaîtrez la vérité et la vérité vous affranchira.

Fraternellement !

Christian Ntimbane Bomo

Société Civile des RECONCILIATEURS