‘Où sont passés les centaines de milliards logés dans les programmes de financement de la PME ?’

Anne Féconde NOAH s'interroge

Thu, 17 Mar 2022 Source: Anne Féconde NOAH

Anne Féconde NOAH dans cette tribune, s’interroge sur la destination des fonds destinés au financement des petites et moyennes entreprises au Cameroun.

Que sont devenues ces dizaines de projets et de programmes destinés au financement des PME, à la lutte contre le chômage et le sous-emploi des jeunes ? Au moment où l’Etat peine manifestement à faire face à ses charges du fait d’une insuffisance des recettes mal dissimulée, les ordonnateurs des programmes susmentionnés, doivent rendre compte.

La lutte contre la pauvreté, a toujours fait partie du discours Chef de l’Etat, elle semblait constituer l’un des objectifs majeurs du Renouveau. La création d’une multitude d’instruments y dédiés, confortait aux yeux de l’opinion, cette ambition tout au moins apparente, il y a quelques années encore.

Face à l’évidence selon laquelle, l’Etat ne saurait employer tous les demandeurs d’emplois, et au regard des chiffres galopant de l’explosion démographique, il fallait s’attendre à ce que dès le début des années 2000, le Cameroun se retrouve avec des millions de Jeunes adultes à prendre en charge pour ce qui concerne ses missions régaliennes.

En effet, en 2003 déjà, la population du Cameroun est estimée à 16 626 000 habitants. La pyramide des âges est caractéristique de celle des pays en voie de développement. A 43%, la population est constituée d’enfants de moins de 15 ans. Les personnes âgées de 65 ans et plus représentent 3,32% de la population totale.

Sur la base de ces données, la population de 10 à 24 ans représente 34,1% de la population totale telle que estimée pour l’année 2001. Cette proportion passe à 41,59% si l’on considère les personnes ayant entre 10 et 29 ans et à 47,51% pour les 10 à 34 ans Ou loger cette nouvelle population de demandeurs d’emplois ? Mais encore avec quelles ressources la République ferait face à ses charges qui allaient certainement s’accroitre au rythme du boom démographique ?

Il convient de rappeler que le recrutement d’un agent public, fonctionnaire ou régit par le code du travail, est une charge importante à budgétiser pour plusieurs années. En dehors du salaire, des avancements, des indemnités et primes diverses pendant la période d’activité, il faut intégrer les différents types de pensions (retraite, invalidité, vieillesse, réversion …).

Un document annexe de la Loi de Finances 2021, révélait que le nombre d’agents publics est passé de 197 471 répertoriés en 2010, à 340 957 en 2020 ; soit 197 471 nouvelles recrues en 10 ans. Les chiffres fournis par le BUCREP indiquent une variation de la population camerounaise, de 19 406 100 à 26 055 millions d’Habitants dans cette même période (2010-2020).

Ces différents chiffres permettent d’appréhender le grand intérêt que la fonction publique continue de susciter, et constituent par un indicateur de la pression à laquelle sera soumise l’Etat central, en termes de recrutement, au fil du temps. Le dernier concours lancé par l’Ecole Nationale Supérieure de Police, aurait drainé 300 000 candidatures, pour 70 places d’élèves officiers, pour ne citer que ce cas.

Conséquemment, comme toutes les fois où l’offre est de très loin inférieure à la demande, les conditions d’accès à la fonction publique ont été durcies.

Les pratiques tropicales bien connues à l’instar du népotisme (par exemple, le DG d’une grande école a défrayé la chronique en recrutant de manière éhontée sa famille nucléaire à un pourcentage indécent, ceci nonobstant la grogne de l’opinion. Faut-il rappeler que dans cette même école, un candidat a été déclaré major, bien que décédé avant l’épreuve orale ? ) ; des réseaux d’achat des places de concours, des fraudes de toutes natures, autant de tares que la rareté du « trésor » que constitue le numéro matricule aura favorisées.

Pourtant, quand bien même tous les demandeurs d’emplois auraient des « RELATIONS » ou des « RESEAUX », la fonction publique ne disposerait pas d’assez pas d’espace pour les contenir, en l’état.

En avril 2003 déjà, la population du Cameroun est estimée à 16 626 000 habitants. La pyramide des âges est caractéristique de celle des pays en voie de développement avec une très forte proportion d’enfants et de jeunes. A 43%, la population est constituée d’enfants de moins de 15 ans ; plus de la moitié de la population (63,8%) a moins de 25 ans, et les personnes âgées de 65 ans et plus représentent 3,32% de la population totale.

Les données publiées dans un rapport conjoint du PANE J, du PNUD et du BIT, sur la problématique de l’emploi des jeunes sont les suivantes :

• Taux de sous-emploi global chez les jeunes de 15-24 ans : 84,8%

• Taux de sous-emploi global chez les jeunes 15-34 ans 73,1% :

• Taux de sous-emploi de l’ensemble de la population : 70,6%

• Le taux d’emploi vulnérable chez les jeunes est 75/2%

Mais encore, selon ce même rapport daté de 2015, sur 10 jeunes ayant un emploi, 8/10 sont en situation de sous- emploi en milieu rural, et 6/10 le sont en milieu urbain.

Des données plus récentes de l’INS font savoir qu’en 2021, le Cameroun a connu une hausse du taux de chômage de 6,1%, avec un sous-emploi global de 65%.

Eu égard à l’évolution des chiffres susvisés, il est difficile d’envisager que la fonction publique puisse répondre efficacement à une si forte demande.

L’on peut donc subodorer qu’une réflexion prospective a été menée dès la fin des années 1990, à l’issue de laquelle la nécessité de créer des conditions de plein épanouissement à travers une politique économique adaptée, mais aussi d’harmoniser la répartition des ressources communes, s’est imposée.

S’en est suivie la mise en place des systèmes alternatifs de financement du développement, par la promotion de l’initiative privée, l’accompagnement des PME, le soutien aux créateurs de richesses. Ce modèle économique permettrait de lutter contre le chômage et le sous-emploi, d’accroitre les recettes de l’Etat, mais aussi réduire les appétits vis-à-vis du matricule de la fonction publique. D’ailleurs, comment l’Etat central financerait ses charges sans le secteur privé dont les activités génèrent des recettes ?

C’est manifestement dans cette démarche anticipative, que le FNE a été créé, suivi quelques années plus tard d’une multitude d’instruments similaires.

Panej, Minjec (Pajer U, Pif mas, Plan Triennal Jeunes Etc.), Minefop, Apme, Minpemesa, Minader (Papmav, Pro- Sapva, Pnrppr, Pnrdfcc, Pnadcc, Pnapcm, Pndlg, Pndcf, Pndphh ,Pnadtps, Minepia, Paija 2, Pnsa, Pnvrsa, Prfp, Pdpv, Nca, Padfc, Papco, Minepia ( Pcp-Afop, Pcp-Acefa, Lifidep, Regae, Pro-Cisa, Linafi, Pea-Jeune, Prodel, Rescam, Planut, Pcp-Afop, Ppea, Pd-Cvep …) Minepat (Pndp, Pdri-Cl, Projets Filets Sociaux, Programmes Agropoles, Ligne 94), Minfi (Ligne 65)

Ces multiples programmes, projets, fonds, lignes non exhaustivement énumérés, financés sur le budget de l’Etat, ou les bailleurs de fonds, ont pour la plupart des missions similaires, qui paraphrasées sont le financement de l’initiative privée, la promotion de l’auto emploi, la lutte contre la pauvreté.

Mais quelle aubaine ! Pourrait-on dire, lorsqu’on sait que dans les pays « pauvres » est que tout est à construire. Mieux encore, un des atouts de l’économie camerounaise c’est une population dynamique. S’il est davantage question de sous-emploi et moins du chômage, c’est bien que les citoyens Camerounais veulent travailler.

Ils ont de belles idées, les créateurs de richesses pullulent dans nos rues. Des compatriotes diplômés ou formes « sur le tas » sont disposés à donner de leur génie, pour vivre décemment, et participer au développement. Nos concitoyens rivalisent d’intelligence et d’adresse. Ce qui manque pour transformer ce potentiel en produit, c’est le CAPITAL.

C’est précisément ce CAPITAL que les structures citées plus haut ont reçu mandat de pourvoir. Mais qu’en est-il en réalité ? Ce qui ressort d’une observation lucide, c’est que les fonds allouées à ces programmes, qui sont en réalité destinés aux créateurs de richesses sans capital, aux promoteurs des PME, aux commerçants, aux agriculteurs, aux éleveurs et assimilés, sont gérés par ceux- là que nous avons appelés les propriétaires du pays.

Généralement, les responsables en charge de ces opportunités, s’arrangent à ce qu’il y ait peu de communication autour, de peur d’attirer les véritables destinataires. Ils se les partagent entre amis et proches, qui le plus souvent ont déjà de quoi vivre décemment, et qui ne sont donc pas concernées par ces appuis. Ces agents de l’Etat informent subtilement des potentiels prête-noms, qui passent à la caisse d’ordre et pour leur compte, quelques images de saupoudrage sont publiées au Journal Télévisé de 20H, et plus personne n’en parle après.

Où sont les listes des bénéficiaires de ces aides publiques ? Où sont les projets financés et réalisés accessibles à ceux qui aimeraient en savoir plus ? Combien de Camerounais sont effectivement financés et sur quels montants ? Quelles sont les conditions d’accès à ces financements pour les NO NAME ?

Hélas, les bénéficiaires par effraction ne sont pas forcément dans le besoin, ils ne créent pas d’activités génératrices de revenus, qui aideraient à réduire les charges de l’Etat. Ce sont des potentiels emplois non crées, ce sont des recettes perdues pour le budget de l’Etat, c’est du capital dilapidé, c’est de l’argent détourné, que dis-je ? Volé. Ils doivent rendre compte, et ils doivent le faire maintenant !

Auteur: Anne Féconde NOAH