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‘Votre cœur est trop noir’ : Franck Biya interpellé sur sa candidature

Le fils ainé du président Paul Biya est interpellé sur sa prochaine candidature aux élections

Wed, 6 Jul 2022 Source: www.camerounweb.com

Le fils ainé du président Paul Biya est interpellé sur sa prochaine candidature aux élections présidentielles. L’universitaire, Dr Fridolin Nke a adressé une longue lettre ouverte à son compatriote et le tacle violemment.

À Franck Emmanuel BIYA

Lettre ouverte au sujet du « Frankisme » (suite 3)

Mon cher frère Biya,

J’ai été long. Mais l’importance du sujet, la gravité et les enjeux de cette mise en garde m’y obligeaient. De surcroît, dans une autocratie en panne d'idées et de méthodes de torture, comme celle dans laquelle nous vivons, avec un gouvernement sevré de la plus infime crédibilité aux yeux des citoyens et au plan international, les lieux de débats d'intellectuels se raréfient parce qu’ils sont nécessairement considérés comme des sources pérennes d'insomnies pour le pouvoir stérile en place : avec vous, il faut tuer la pensée ! Jean-Marc Ela note à ce sujet que « l’État a créé une situation d’hibernation intellectuelle où fleurit une littérature de griots » (Quand l’État pénètre en brousse, p. 24).

D’où le triomphe de l’unanimisme matérialisé par la fabrication, à l’emporte-pièce, d'universitaires corrompus, prostitués, émasculés, sodomisés, détraqués et déshumanisés qui entonnent, en cœur, le refrain de la fin de l’effort, de l’inutilité de l’école et des valeurs républicaines, au profit des épanchements de paresse, de haine, des râles et des spasmes des torturés ; d’où ces rivières de larmes, de baves et de sang de pauvres citoyens qui agonisent, des deux rives du Mungo, assassinés au quotidien pour le triomphe de l’ordre public, pour la gloire du Grand Camarade, l’ « Homme sanglant », qui, lui, demeure toujours « Chaud gars », peu importe les circonstances, les conjonctures et les tragédies, suivant les hymnes à sa gloire, chantés par des possédés en errance dans le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), le parti au pouvoir.

Contre la République du silence : Franck Biya et ses démons

Cher « Petit Franck »,

Le régime de fer votre père a déjà tellement calcinés nos appétits et nos émotions, que nous doutons que vous, son fils, qui êtes à ses côtés, puissiez encore entretenir une once d’amour dans le cœur ; nous désespérons que votre âme puisse encore avoir une flamme de vie devant le brasier d’espérances qu’est le Renouveau.

Vos hommes ont déjà tellement tué qu'ils sont désormais aussi bien incapables de se souvenir de leurs crimes que de se recycler en autre choses qu’en de lugubres outils du crime. J'ai observé votre silence meurtrier devant les purges tribalistes des militants du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) et les assassinats épouvantables que la gouvernance chaotique du Machiavel camerounais provoque au quotidien. J'en ai conclu ceci : vous, personnellement, vous n’êtes pas digne de nous gouverner, à moins d’une métamorphose extrême, impossible.

Advenant donc qu'ils vous imposent à nous, qu’ils vous fassent asseoir de force sur le tabouret des honneurs et du prestige qu'est le palais d’Étoudi, par le mépris et le je-m’enfoutisme qui les caractérisent depuis plus de quarante ans, alors il est plus qu’évident que vous oublierez les responsabilités qui en découlent. Puisque les servitudes du pouvoir vous sont inconnues, vous allez continuer à exceller dans les petitesses manœuvres politiciennes qui ont bercé votre vie depuis des lustres. Vous foncerez alors droit au mur, car votre cœur est trop noir pour sentir nos peines et nos joies, et votre affectivité est trop rigidifiée pour conduire les créatures de dieu que nous sommes. Le pouvoir politique est d’inspiration divine. Or, Dieu n'est point haine : Il est AMOUR !

Pour qu’un dirigeant politique soit digne de Le serve, pour nous servir en tant que peuple, nous qui sommes la flamme qui alimente toute béatitude, le prétexte de la perfection divine et l’écume de Son éternité, le gouvernant doit promouvoir l’épanouissement des populations et travailler à la prospérité de la nation, au rayonnement international du pays. Or, vous avez rendu l’État apocryphe. Cela veut dire, en termes ordinaires, que le Cameroun dans lequel nous vivons est un faux.

Quels que soient la forme de l’État et les mécanismes modernes de gouvernance qu’on pourrait mobiliser pour faire décoller ce pays, à l’heure actuelle, ils seront d'application impossible au Cameroun. Sous les Biya, il n'y a pas de régime administratif qui soit sainement applicable : ici, on assoit des instincts grégaires d'assouvissement des pulsions les plus criminelles ; on enracine la mort à travers une volonté de domination et d'asservissement-engloutissement des masses. Aucun répit n’est laissé au loisir de la réflexion sociale, économique, politique et au marchandage démocratie : on vitrifie les consciences ; on enterre les affections et les émotions nobles ; tout ce qui est fugace s’impose abusivement comme massif ; on assèche l'humain ; on écrase la vie partout où un soupçon de quiétude persévère ; on zigouille tout ce qui bouge : c’est le banal qui impose sa préséance ; c'est le néant qui demeure…

Le vrai pays, le Cameroun authentique est en (re)construction ; c'est cette cité que nous fabriquons par notre effort de compréhension de nos peines, nos exaltations, nos peines, nos chagrins, nos misères, nos blessures et de toutes les tragédies qui rythment notre quotidien.

Un passif handicapant

Avec ce passif, Franck, mon frère, vous ne pouvez pas réussir à Étoudi. Mon implication philosophique, ici, est une responsabilité politique. C’est le lieu de vous rappeler ceci : pour être fondé à prétendre au suprême trône, il faut s’exercer à la pensée critique qu’on appelle philosophie, où votre géniteur excella en son temps. Je vous conseillerai de lire par exemple un Eboussi Boulaga. Il vous instruira du propre de cette discipline de l’entendement et de l’affectivité : « Elle est dans la manière d’ouvrir les questions et les opinions des autres et de soi-même à l’échange, à la confrontation, à l’interaction et à l’œuvre commune de la production, de la protection, de la promotion et de la diffusion de l’humain. Le lieu de la philosophie est lieu commun constitué par les événements, par ce qui se passe, par ce que les uns et les autres évaluent, prescrivent, louent ou blâment, proposent ou interdisent, dans le présent. […] Elle n’a pas d’objet, prenant sa matière autant que son essor dans ce qui se discute et suscite l’embarras (apories), le désaccord ou des divergences chez ceux qui ont des opinions, des connaissances bien ancrées, des références sur lesquelles ils s’accordent (Entretien avec Fabien Eboussi Boulaga, réalisé par Nadia Yala Kisudiki, « Poursuivre le dialogue des lieux », Rue Descartes 2014/2 (n° 81), p. 84-101).

Malheureusement, vous vous cramponnez à votre confort. Eboussi montre pourtant que la philosophie consiste à passer son temps à se dégager. En ce sens, la pensée critique d’un peuple martyrisé, avec une économie exsangue, doit être orientée à faire capoter une si funeste aventure. Comprenez bien que je ne nourris pas quelque rancœur injustifiée à votre égard. Ce n’est pas parce que c'est vous, en tant que Camerounais lamda, mais parce que vous êtes le produit de "l’Homme sanglant". Franck, si vous osez succéder à votre père, à très court terme, le pays sera ingouvernable. Mon intérêt philosophique est de conjurer cette malédiction politique.

Il faut comprendre que cette préoccupation n'est plus simplement une affaire de personnes, le fantasme de subversion de quelques hommes superflus et éliminables, mais c’est le destin de tout un peuple qui s'y joue. Entrer à Étoudi, ce n’est rien. Mais c'est gouverner le Cameroun qui sera le nôtre à l’avenir, pas celui que vous avez gâté là, qui sera impossible pour vous. M'éliminer ne fera que précipiter les choses et m'aidera dans ma stratégie de sabordage de l’imposture et de la criminalité paraétatique qui passe actuellement pour l’« État de droit ». Et pour cause : vous, les gens du régime actuel, vous êtes trop occupés à assouvir vos fantasmes de grandiloquence, en fait, à ne rien voir et à laisser le climat social se détériorer, que vous imaginez avoir arrêté la marche du monde, le cours du temps, et vous sombrez, bêtement...

En rigueur de terme, personne dans l'entourage de l’Homme sanglant ne peut sensément être assuré de gouverner ce pays, sans notre consentement, dans cette ignorance crasse où pataugent vos pairs. Qu’on ne voit pas en ces mots une enchère politique qu’on lèverait pour un quelconque positionnement futur. Ces écrits participent plutôt d’un effort pour conscientiser le peuple, ainsi que tous ceux qui sont tentés par la succession au moyen du gré à gré, car notre intérêt à tous est de voir ce pays changer radicalement. Pour ce faire, les farceurs et les cyniques seront philosophiquement et politiquement neutralisés. Et si vous aviez minimalement étudié la science du gouvernement de la cité auprès des philosophes comme Eboussi, vous comprendriez votre déroute : « Le pouvoir est autre chose que la force, la violence. Il n’est pas "une propriété ou la propriété de celui qui le détient", puisqu’il se définit comme relation et relation reconnue ». Si vous refusez de discipliner votre vanité à fleur de peau, en renonçant à faire paisiblement vos petites « affaires », vous courrez après votre propre perte. En fait, ce n'est pas nous qui allons vous chasser ; c'est la honte devant votre nudité politique qui va vous « tuer » et vous ensevelir dans l'oubli, après que nous vous aurons préalablement déshabillés, lavés et essorés devant le peuple.

N. B. : À suivre…

Fridolin NKE

Expert en discernement

Auteur: www.camerounweb.com