Assainissement urbain sans état d’âme

Wed, 8 Jul 2015 Source: Cameroon Tribune

La mission interministérielle en charge de la gestion du désastre né des récentes inondations à Douala a posé un diagnostic sans équivoque : 363 constructions doivent être détruites. Afin de prévenir des tragédies humaines qui pourraient être autrement plus affligeantes.

L’objectif visé à l’issue de l’opération d’assainissement prescrite par les pouvoirs publics est de parvenir à la libération des drains en vue d’optimiser l’écoulement des eaux de ruissellement et, par-dessus tout, de mettre un terme au phénomène horripilant des constructions sauvages à l’origine du désastre qu’on sait.

A cette fin, les déguerpissements devraient avoir déjà commencé. « Sans état d’âme », a prévenu la cellule de crise après avoir touché du doigt le fouillis de la zone sinistrée. Si l’on peut déplorer le désarroi de la plupart des victimes de ces mesures drastiques mais salutaires, il demeure constant cependant que les uns et les autres ne devraient s’en prendre qu’à eux-mêmes.

A leur blâmable réflexe de contourner ou d’ignorer la réglementation. Dans l’Etat de droit à l’enracinement duquel nous proclamons tous notre attachement, nul n’est censé ignorer la loi.

Difficile, en effet, d’imaginer qu’un homme sain d’esprit et républicain puisse raisonnablement engloutir des sommes colossales dans la construction d’une résidence dans un marécage, c’est-à-dire dans une zone non constructible a priori, sans ignorer les risques qu’il encourt.

D’autres moins nantis, pourraient exciper une fragilité économique qui les pousserait au raccourci. Et encore… Tout porte donc à croire que, profitant du laxisme souvent intéressé de la plupart des agents publics, d’aucuns se laissent convaincre, par fatuité, par arrogance, qu’ils peuvent tout s’offrir. Y compris de se soumettre la nature. Illusion perdue.

Une sagesse monacale ancienne recommande d’observer la règle afin que celle-ci en retour puisse vous sauver (custodi regulam et regula custodit te). Dans le cas d’espèce, qui pense encore, préalablement à une construction, de se faire délivrer, dans des conditions de régularité irrécusable, un certificat d’urbanisme ou de propriété, encore moins un permis de bâtir ?

Qui daigne seulement respecter le recul imposé à partir des bornes donnant sur la voie publique ou des limites séparatrices avec les voisins ? Lenteurs et lourdeurs administratives ne peuvent suffire pour justifier des violations aussi massives que flagrantes des règles qui gouvernent la gestion de la cité.

Les principales agglomérations, au Cameroun comme ailleurs, concentrent l’essentiel des richesses du pays. Il s’ensuit, en conséquence, une pression démographique à la limite du soutenable. Avec la spéculation foncière inhérente au gonflement quotidien de la population.

Résultat : dans la légitime quête de bien-être qui anime les nouveaux arrivants – les anciens occupants aussi – disposer d’un chez soi, en toute propriété, relève du rêve, de l’obsession. Pour autant, chercher à réaliser ce rêve à tout prix et à tous les prix peut exposer à des tourments considérables, voire à des traumatismes irrémédiables. Sans que, visiblement, les populations sachent tirer leçon des déconvenues de leurs semblables.

Qui se souvient encore du tableau quasi apocalyptique des déguerpissements de milliers d’occupants illégaux du domaine de la Magzi il y a des mois dans la même ville de Douala ? A Yaoundé, l’opération musclée d’assainissement menée par les autorités il y a quelques années sur certaines hauteurs rocailleuses de la capitale n’a pas découragé de nouvelles implantations quelques encablures plus loin.

Moralité : des citoyens de plus en plus nombreux se donnent des alibis vaseux pour défier ostensiblement l’ordre et les règles de vie communes. En toute conscience. Dans ces conditions où la bravade de dispute à la déraison, l’unique choix laissé aux dépositaires de la puissance publique est d’opposer aux contrevenants la loi dans toute sa rigueur. « Sans état d’âme », c’est-à-dire sans haine ni faiblesse. Mais surtout sans discrimination, quelle qu’elle soit. Même s’il peut paraître plus aisé de l’écrire que de le réaliser sur le terrain.

Source: Cameroon Tribune