Les populations des villages Nkongmessa, Nkolmeyang, Tsek et Lobo se sont engagées à lever le mot d’ordre de grève lundi dernier, au cours d’une rencontre avec Benoît Ndong Soumhet, élite du coin.
Selon Pierre Nkoa Ndzana, porte-parole des populations sinistrées par l’emprise de l’autoroute Yaoundé-Douala, du point kilométrique (Pk) 10 à Pk 32, dans l’arrondissement de Lobo, «les travaux peuvent se poursuivre sereinement. Nous avons juste fait une revendication pacifique, parce que nous revendiquons nos droits. Ce qui est tout à fait légitime.
Nous n’avions pas l’intention de bloquer le chantier. Nous voulons juste qu’on nous indemnise comme cela avait été convenu au terme d’une descente sur le terrain. Et le mieux est que cela intervienne avant la rentrée scolaire. Nous n’avons aucun problème contre les Chinois».
S’adressant à l’importante délégation qui accompagnait le secrétaire d’Etat à l’Education de base (Seb), Benoît Ndong Soumhet, il poursuit : «Je tiens à préciser que nous n’accepterons jamais que des gens profitent de ce léger mouvement d’humeur pour déstabiliser le département de la Lékié en disant que nous sommes contre le régime en place.»
Tout en remerciant le Seb d’avoir eu la lumineuse initiative de convoquer les frustrés des indemnisations pour cette concertation, il conclut : «Nous tenons à affirmer ici notre attachement au chef de l’Etat, son excellence Paul Biya, dont nous ne cesserons jamais d’apporter notre soutien. C’est grâce à lui que Lobo est devenu un arrondissement. C’est grâce à lui que nous aurons cette autoroute. Et c’est toujours grâce à lui que Lobo aura le plus grand échangeur de l’autoroute Douala-Yaoundé. Nous ne pouvons que lui dire merci. Et pour cela, nous n’admettrons jamais que l’un des chantiers de son programme des grandes ambitions puisse connaitre le moindre souci dans notre département.»
Prenant la parole à la suite des élites du département de la Lékié, le conseiller du secrétaire général du Comité central du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), parti au pouvoir, va d’abord rappeler aux populations les propos tenus par Paul Biya à Monatélé, le 5 octobre 2004. En effet, dans son discours de lancement de campagne pour la présidentielle du même mois, le candidat avait rappelé que les populations du département de la Lékié étaient ses amis.
Pour cela, Ndong Soumhet demandera aux victimes du passage de l’autoroute : «Est-ce que vous pensez que quelqu’un qui proclame haut et fort que vous êtes ses amis peut vous abandonner lorsqu’il entend que vous avez des soucis ?» Ce à quoi l’assistance répondra par un vibrant «Non !»
Le Seb poursuivra : «Sachez donc que comme vous êtes les amis de Paul Biya, il m’a dépêché vers vous, pour que vous me disiez exactement ce qui ne va pas et que je lui rende compte après.» Et de chuter, en langue locale (éton) : «Je vous ai suivi avec beaucoup d’attention. Je rendrai fidèlement compte au chef de l’Etat qui est votre ami. Je peux vous promettre qu’il va étudier chacune de vos doléances et va trouver des solutions qui arrangent tout le monde.»
Indemnisations
D’après plusieurs témoignages, c’est le décret n°2015/1318/PM du 15 juin 2015 qui met le feu aux poudres. Il se rapporte en effet que le 7 août 2014, une commission, constituée de fonctionnaires, d’autorités politiques et administratives de l’arrondissement de Lobo, avait procédé au recensement des personnes à indemniser ainsi que de leurs biens.
Des protocoles avaient été signés au terme de cette descente. Le 14 octobre 2014, ladite commission, conduite par Carole Nta, est revenue à Lobo pour la rédaction d’un procès-verbal (Pv) devant servir de document de base pour la rédaction du décret portant indemnisation des populations des villages Nkongmessa, Nkolmeyang, Tsek et Lobo. Lequel Pv détermine le nombre de sinistrés et les montants à attribuer à chacun.
Suivant ce document, il existe plus de 800 sinistrés pour des dommages évalués à plus de 1,3 milliard Fcfa. Curieusement, lorsque le décret du Premier ministre est rendu public, l’on ne dénombre plus que 382 personnes à dédommager pour 300 millions Fcfa environ. Beaucoup de noms ont disparu, les montants ont été sérieusement cisaillés, des ayants-droit, que personne ne connait, se retrouvent dans les listes. Le député Barnabé Eloundou dira à ce sujet : «Ce décret ne reflète en rien le procès verbal que j’ai signé. Je vais remettre aux gens que le chef de l’Etat a envoyé ici, la liste des personnes à indemniser, tel que nous les avons recensées sur le terrain ainsi que les montants à percevoir par chacun.» Le maire de Lobo, François Bindzi Ebode, s’indignera : «On demande aux villageois de faire des requêtes, alors que certaines victimes ne savent même plus ce qui devait leur revenir, tout ayant déjà été rasé !» Il conclura de ce fait que les requêtes ne serviront à rien.
C’est face à ce climat surchauffé que Benoît Ndong Soumhet, élite du coin, a entrepris, de son propre chef, d’apaiser ses frères de Lobo. Ces derniers, à l’observation, sont revenus à de meilleurs sentiments. Ce qui va permettre le redémarrage des travaux de construction de l’axe routier, de la borne 10 à Pk32. En attendant, des mauvaises langues prétendent que c’est au ministère des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières (Mindcaf) que l’on a estimé que 1,3 milliard était une somme trop élevée, et que le chiffre de 800 personnes à indemniser était lui aussi exagéré. On aurait ainsi décidé de manipuler les listes au Mindcaf. Info ou Intox ?
Lobo : le hold-up manqué du Consupe
Eyebe Ayissi et Ndong Soumhet se sont offerts en spectacle le 27 juillet, par noms d’oiseaux interposés. Le cliché avait quelque chose d’hilarant. Le ministre délégué à la présidence chargé du Contrôle supérieur de l’État (Consupe), Henri Eyebe Ayissi, debout, tenant un bout de chaise. Le secrétaire d’État à l’Éducation de base (Seb), Benoît Ndong Soumhet, lui aussi debout, tenant l’autre bout de la même chaise.
«M. le ministre, trouvez-vous une autre chaise ! C’est moi le chef de délégation... Je suis en mission ici. Il m’a été demandé, par la présidence, d’apaiser la tension», lance le Consupe. Et le Seb de rétorquer : «M. le ministre, vous avez tenu votre réunion à votre cabinet vendredi (24 juillet, Ndlr). C’est là que se limitaient vos pouvoirs. Ici, c’est moi qui ai convoqué cette réunion ! J’y ai convié toutes les personnes ici présentes. Arrêtons l’usurpation ! Prenez la place qui vous convient…» L’attitude du beau monde dans la salle semblait donner raison à la réaction de Benoît Ndong Soumhet, visiblement soutenu par les populations ayant d’assaut le lieu de la cérémonie.
Henri Eyebe Ayissi revient à la charge : «Je vous dis que je suis en mission. Cette réunion est sous mon autorité ! D’ailleurs, le récépissé de déclaration porte mon nom.» Mais Benoît Ndong Soumhet ne va pas se laisser démonter : «J’ai tout organisé ici, en étroite collaboration avec le sous-préfet et le maire. Pas vraiment besoin d’une autorisation à manifestation pour une causerie familiale. A Yaoundé, lors de la réunion tenue dans votre cabinet, vous avez promis vous joindre à nous, et non de vous substituer à nous. Arrêtons l’imposture !»
Pendant ce temps, toute l’assistance est debout, attendant que le «maître de céans» prenne d’abord place. Face à cette querelle villageoise, le Pr Touna Mama file à l’anglaise. Le ministre de l’Agriculture et du Développement rural, Essimi Menye, a le regard hagard. Il fixe le plafond. Sentant la situation se détériorer, le sénateur Jean Marie Mama invite les protagonistes à un conciliabule, à l’abri de regards indiscrets. C’est d’ailleurs lui qui va conduire les débats, au retour de cet aparté.
En effet, selon des recoupements de La Météo, Benoît Ndong Soumhet aurait été approché par le secrétariat général de la présidence pour apaiser la tension dans l’arrondissement de Lobo, qui par ailleurs fait partie de son giron politique. Le Consupe, apprend-on, aurait également reçu la même proposition venant d’un autre service de la présidence. Lequel donc ? Mystère.
C’est fort de ce fait qu’il convoque à son cabinet, le 24 juillet, la grande élite du département de la Lékié ainsi que le gouverneur de la région du Centre. C’est à la fin de ce conclave que M. Ndong Soumhet annonce à l’assistance qu’il entend rencontrer les représentants des grévistes le 27 juillet à la mairie de Lobo. Essimi Menye décidera de l’accompagner, Henri Eyebe Ayissi aussi. Mais on ne comprendra jamais pourquoi ce dernier décidera, plus tard, de présider la rencontre de Lobo, alors que sur le terrain, il brille d’habitude par son absence, reconnaît un militant de base qui a requis l’anonymat.
«On ne savait même pas que le ministre Eyebe Ayissi allait venir. D’ailleurs, on le voit rarement en campagne dans les villages. C’est Ndong Soumhet qui nous a convoqués, tout le monde ici peut en témoigner. C’est comme si Eyebe Ayissi voulait récolter là où il n’a pas semé, s’insurge Roger Ebodé, habitant de Lobo. Heureusement que personne n’est tombé dans ce piège. On a bien fait de laisser le sénateur Mama présider la réunion.»