Les Communautés urbaines de Yaoundé et de Douala ont entreprise depuis quelques années le déguerpissement des zones dites à risques. Pendant plusieurs années, les populations en quête d’un meilleur être dans ces deux grandes métropoles ont investi les marécages et les flancs de monts pour se bâtir, de surcroît en matériaux provisoires, des habitations précaires pour y vivre. A la moindre intempérie, l’on frôle la catastrophe comme lors des récentes inondations dans la ville de Douala.
Selon le Pr Kengne Fodouop, coordonnateur du Réseau d’expertise en urbanisme, aménagement et développement, la pauvreté matérielle ou économique des populations explique en partie l’installation des intéressés dans les zones interdites. Dans une interview accordée au journal Le Jour, parution du mercredi 15 juillet 2015, l’enseignant des Universités décrit le comportement des populations qui investissent les zones interdites.
« Le logement est majoritairement construit ou auto-construit, voire aménagé par les occupants. Les candidats au logement doivent donc disposer de moyens financiers suffisants pour acquérir les matériaux nécessaires à la construction des logements, et les tâcherons qui exécutent les travaux d’aménagement quand les occupants ne peuvent pas réaliser les travaux eux-mêmes.
Et parce qu’une bonne partie de la population urbaine ne peut pas disposer de ces moyens financiers qui servent à la construction des logements, eh bien, ils s’installent vaille que vaille dans les zones impropres à l’urbanisation où ils mettent en place des logements à la mesure de leurs faibles moyens financiers. Des logements avec des matériaux de récupération, des matériaux tirés parfois du règne végétal environnant quand ce ne sont pas les bois, des planches ».
Pour l’analyste, dans une société comme la nôtre qui se veut organisée avec une organisation sociale qui est coiffée par la puissance publique, c’est à cette puissance publique que revient la responsabilité d’offrir un logement décent à tous ceux qui aspirent à s’installer en ville. Un début de solution consisterait à « accentuer le processus de construction des logements sociaux de type Sic (Société immobilière du Cameroun, ndlr) ou alors des logements sociaux du type de ceux que les chinois construisent à Olembe à Yaoundé.
Parlant de la Sic, « cette société immobilière qui a été créée à la fin de l’époque coloniale, a pour le moment un parc immobilier qui ne dépasse pas 2 000 logements après pratiquement 60 ans d’existence », déclare le Pr Kengne Fodouop. « Donc, si vous arrondissez 2 000 logements, ce serait un maximum, un chiffre exagéré. Puis vous divisez par 60 ans, cela fait moins de de 40 logements sociaux par an. Or, il me semble bien qu’une société immobilière digne de ce nom est capable de plus de construction que 50 logements sociaux par an et surtout, face à une demande en logements qui augmente. Yaoundé tourne autour de 2 millions d’habitants aujourd’hui ; Douala 3 millions ; alors, si on estime que le taux d’occupation des ménages est à peu près de 6, vous divisez 20 millions par 6, cela fait à peu près 3 millions de logements que la ville de Yaoundé doit avoir », poursuit-il.
« Les logements sociaux ont un coût (…) les camerounais ne doivent pas penser qu’on doive offrir gratuitement des logements sociaux aux gens. Il faut une contrepartie. Même si l’Etat doit faire les efforts, il faut que les populations se saignent un tout petit peu pour mériter l’effort de la puissance publique », conclut le coordonnateur du Réseau d’expertise en urbanisme, aménagement et développement.