Ils sont plus de 3 066 sur le site de Gado qui parlent déjà français et anglais grâce à une éducation taillée à leur mesure. La premier vague intégrera la classe de 6ème à la rentrée prochaine.
Gado-Badzéré, il est un peu plus de 11h et dans le camp des réfugiés de ce village, le soleil pointe au zénith, la chaleur est à son comble et la teneur de la poussière laisse voir qu’il n’a pas plu ici depuis quelques jours.
C’est l’heure de distribution des aliments, les femmes se bousculent dans les rangs, les hommes aussi. Les plus petits se baladent dans le site et n’hésitent pas à aller à la rencontre de l’étranger à qui le moindre "bonjour monsieur" est servi. Ou donner du "ça va" lorsque la question correspondante leur est posée.
Loin de là, à tue-tête, d’autres enfants répètent les lettres de l’alphabet français sous le regard vigilant de leur encadreur. Nous sommes ici à l’Espace temporaire d’apprentissage et de protection des enfants (Etape) du camp des réfugiés de Gado-Badzéré, une sorte d’école destinée aux enfants réfugiés avec des normes qui sont propres à leur statut.
A la différence de l’école conventionnelle, dans les classes de fortune les élèves suivent les leçons assis sur une natte, sur un sol non nivelé aux bosses qui ne favorisent pas une station assise adéquate.
Comme cet espace, le site de Gado-Badzeré compte 4 blocs dont 2 de 5 salles de classe chacun, une de 10 et une autre de 6 appelé en langage technique Etape dont la définition est reprise ci-dessus. Ce sont au total 3 066 enfants d’une population de 24 000 qui sont encadrés par 19 enseignants et un auxiliaire. Repartis en Curriculum accéléré pour la réinsertion des enfants déscolarisés (Cared), celui à la préparation des enfants à l’entrée à l’école (Capep) et au Early childhood development (Ecd), c’est dans l’éducation et la protection que ces enfants évoluent depuis leur entrée dans ce site il y a plus d’un an.
Pour autant, "il y a certains qui ont la volonté et veulent vraiment apprendre" reconnait Goliké Madoukou Philippe, délégué des enseignants. Cependant, l’influence de certains parents ne rend pas la tâche facile aux encadreurs. "Il y a des parents qui viennent retirer leurs enfants pour qu’ils aillent puiser de l’eau ou s’aligner pour la ration alimentaire" témoigne Bayang Blaise, Field officer education emergency.
Certains, "viennent et disparaissent dont les filles d’un certain âge". D’autres reviennent plusieurs mois après et leur évaluation ne permet pas d’harmoniser les participations aux évaluations intermédiaires, reconnaissent les encadreurs.
Ce qui n’a pas empêché certains élevés de connaitre un succès. Selon les chiffres de la coordination des Etapes, 654 de ces enfants ont été admis dont 460 garçons et 194 filles. 989 ont participé aux évaluations dont 668 garçons et 328 filles. Ce qui a conduit à une insertion de 6 élèves dans le système éducatif conventionnel. Ces élèves ont été reçus à l’entrée en 6ème au Collège d’enseignement secondaire (Ces) de Gado. "Ils seront pris en charge par le Hcr (Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés Ndlr) et pourront poursuivre leur cursus scolaire)" indique une source de l’Unicef.
Cette évolution constatée sur le terrain est l’œuvre d’une synergie du système des Nations unies et leurs partenaires. Il s’agit en l’occurrence du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef), grâce aux financements des bailleurs tels que l’Union européenne (Ue) et le Japon. La mise en œuvre s’opère sur le terrain par le biais de Plan- Cameroun et des organisations à base communautaire (Obc) qui s’occupent notamment de l’éducation et de la protection de l’enfance.
Cependant, la pérennité de cette initiative et la consolidation des acquis dépendent des fonds qui manquent le plus. Avec les Etapes construites en matériaux locaux, le délabrement des murs et des fenêtres sont perceptibles à première vue. Ces écoles ne connaissent pas la "table du maitre", ce dernier étant contraint de poser ses effets sur une natte et se courber à chaque fois. Il en est de même du sol qui nécessite un entretien.
Quant au personnel enseignant, "on a souvent des retards de salaire quelques jours" souligne un encadreur dont nous choisissons de taire le non, mais "jamais d’arriérés" poursuit-il tout souriant. Une sensibilisation plus accrue des parents à laisser non seulement leurs garçons, mais aussi les filles à aller à l’école parait ici une urgence, au regard du nombre d’enfants en âge de scolarisation que compte les deux sites.