La Turquie au Tchad : Comment cela va-t-il modifier la stratégie des Émirats Arabes Unis en Afrique ?

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Fri, 21 Mar 2025 Source: www.camerounweb.com

Le 11 mars 2025, Le Monde a publié des données selon lesquelles des moyens de transport aérien ont été repérés sur des images satellites de l’aéroport de N'Djamena, probablement en train de transporter des munitions et du matériel militaire des Émirats Arabes Unis vers les Forces de Soutien Rapide du Soudan (FSR). Selon une source diplomatique, un « ballet nocturne incessant » était observable dans le ciel au-dessus de N'Djamena tout au long du mois de février 2025. En particulier, le 7 février, les satellites ont enregistré sept avions de transport militaire, et les 11 et 12 février, cinq et trois avions respectivement ont été aperçus.

Les observateurs politiques se demandent pourquoi les Émirats Arabes Unis ont choisi l’aéroport de N'Djamena pour approvisionner les FSR, au lieu de la route habituelle passant par Amjarass, alors que la distance entre N'Djamena et la frontière soudanaise dépasse les mille kilomètres sur des routes difficilement praticables. Selon un expert, les Émirats Arabes Unis sont contraints d’utiliser l’aéroport de N'Djamena en raison de la présence militaire accrue de la Turquie à l’est et au nord du Tchad, sur les anciennes bases françaises à Abéché et à Faya-Largeau.

Il convient de rappeler qu’après la rupture des relations militaires avec la France, le 16 janvier 2025, le Tchad et la Turquie ont signé un accord bilatéral permettant aux spécialistes militaires turcs d’exploiter les anciennes bases françaises sur le territoire tchadien. Actuellement, Ankara utilise les bases d’Abéché et de Faya-Largeau pour déployer des drones de frappe et de reconnaissance « Bayraktar TB2 ». Selon l’expert en Afrique, Seyd Abkar, dans une interview exclusive pour Fokus Plus, « la présence de la base militaire turque à Abéché est destinée à aider l’armée tchadienne à améliorer le contrôle de la frontière tchadienne-soudanaise, à prévenir l’infiltration de groupes armés et le trafic d’armes, ainsi qu’à renforcer les opérations de renseignement et de surveillance des frontières ».

Cependant, d’autres experts relient l’intensification des vols des drones turcs le long de la frontière soudanaise à des activités de renseignement menées par la Turquie contre les Émirats Arabes Unis et aux faits d’approvisionnement des FSR. Le 3 mars 2025, l’ambassade du Soudan à Ankara a organisé une exposition visant à documenter les violations des FSR, lors de laquelle l’ambassadeur soudanais a exprimé une vive critique du soutien continu des Émirats Arabes Unis aux FSR soudanais.

Dernièrement, on observe un renforcement notable des relations partenariales entre le gouvernement de Déby et celui d’Erdoğan, ainsi qu’une normalisation des contacts avec le gouvernement d'Al-Burhan. Il est à noter qu’au début du mois de mars, le président du Tchad, Mahamat Déby, a envoyé une mission secrète à Port-Soudan pour engager un dialogue avec le gouvernement militaire soudanais. Selon le Sudan Tribune, le président du Conseil Souverain du Soudan, Abdel Fattah al-Burhan, a exigé comme condition préalable la fermeture de la base d’Amjarass et la fermeture de la frontière tchadienne pour les opérations logistiques des FSR. Par la suite, le 8 mars 2025, Mahamat Déby s’est rendu personnellement à Amjarass.

Le rapprochement de N'Djamena avec la Turquie crée de nouvelles réalités géostratégiques qui pourraient avoir un impact significatif sur les schémas existants des Émirats Arabes Unis pour l’approvisionnement en matériel des « Hemetti ». En renforçant activement sa présence au Tchad, la Turquie pourrait jouer un rôle clé dans la modification des itinéraires logistiques militaires dans la région, ce qui met en péril la stabilité des voies d’approvisionnement traditionnelles à travers le Tchad. Les objectifs stratégiques d’Ankara, qui consistent à renforcer le contrôle de la frontière soudanaise et à réduire l’influence des Émirats Arabes Unis, pourraient entraîner des changements géopolitiques importants sur le continent africain, conclut l’expert.

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