À Tokombéré, théâtre des émeutes meurtrières entre manifestants et gendarmes le mardi, 19 décembre dernier, les langues se délient pour fustiger l'attitude pour le moins curieuse du préfet du département du Mayo-Sava, Ludovic Étienne Ngbwa. Pourtant présent le mercredi, 20 décembre dans la ville de Tokombéré fortement militarisée au lendemain des rixes pour assister à la session ordinaire du conseil municipal de la commune, consacrée au vote du budget 2024, cet administrateur civil principal a subtilement esquivé le sujet du jour. Sujet pourtant largement évoqué par les conseillers municipaux, qui ont condamné les violences ayant causé plusieurs dégâts humains et matériels.
Les conseillers en ont profité pour dénoncer, au passage, le jeu trouble de quelques élites tapies dans l'ombre. Très attendu, son discours de circonstance ne mentionnera nulle part la question. Ni dans son discours, encore moins au détour de l'interview sollicitée par la presse - interview qu'il a d'ailleurs refusée - l'autorité administrative a gardé le mystère entier. Plus grave, même auprès de quelques gendarmes blessés, qui continuaient jusqu’à vers 14 heures à recevoir les soins dans l'enceinte de la brigade, le préfet n'a pas daigné y faire un tour. Comme c'est d'usage très souvent. Les familles de victimes tout comme les blessés pris en charge par Médecins sans frontières (MSF), qui espéraient recevoir le message de réconfort et de solidarité du gouvernement de la république, via le préfet, finiront par déchanter.
Pas l'ombre du préfet et de son étatmajor. «Je pense qu'au-delà de l'indifférence du préfet, il y a aussi une volonté manifeste de provocation. C'est incroyable que dans une situation pareille, où il y a eu morts d'hommes, un préfet, représentant du chef de l'État et de tout son gouvernement fait comme si de rien n'était. C'est à croire qu'il n'y a que son perdiem pour le conseil qui l'intéresse. Pourtant, son prédécesseur suivait ce problème avec la plus grande attention. Et il ne manquait pas de descendre sur le terrain quand la situation l'exigeait. Je ne sais pas ce qu'il faut pour interpeller le préfet. Si vous avez constaté même lors du conseil, il était plus intéressé par la prise de photos qu'il a fini par transformer son garde du corps en photographe.
Tout ceci est regrettable», fulmine un conseiller municipal sous anonymat. Un autre conseiller d'ajouter, « la preuve que le préfet ne semble pas préoccupé par la situation, quand je lui ai demandé quelles dispositions ont été prises pour ramener le calme ? Il m'a laconiquement répondu : je compte sur vous les élites».